Que pouvez-vous me dire sur l'amour courtois ?

Bonjour, 

Au Moyen Age, ce n'est pas toujours le grand amour entre un mari et son épouse. Et particulièrement chez les nobles où les mariages, basés sur le rang et la fortune, sont souvent le fruit d'alliances stratégiques servant d'abord des intérêts diplomatiques (gagner des terres ou consolider des alliances avec ses voisins) avant de se soucier des sentiments des futurs époux. 

Dans ces conditions, l'amour au sein du couple est souvent relayé au second plan....Mais le sentiment amoureux lui ne s'éteint pas et est prêt à s'enflammer !

Ainsi, entre le XII et le XIII l'amour courtois va se diffuser dans les cours royales, d’abord depuis la région du Midi (comme chez Guillaume ou Aliénor d'Aquitaine) avant de se propager plus au nord jusqu'à toucher peu à peu d'autres états européens. D'ailleurs le mot "courtois" viendrait du vieux français cort qui signifie cour, courtois c'est donc ce qui vient de la cour (voir ce petit article étymologique). 

C'est un nouvel art de vivre et d'aimer, très codifié, qui exalte le sentiment amoureux et l'idéalise. Ce sont très souvent des histoires d'amour impossibles (entre par exemple un chevalier et l'épouse d'un prince) et qui ont connu une grande popularité, relayées par des troubadours (des poètes qui mettent en chanson ces histoires dans le sud de la France), qui participèrent grandement à leur diffusion. Au fil du temps ces histoires devinrent même des genres littéraires à part entière : on trouve des poésies et surtout des romans courtois. Les plus célèbres sont Yvain, le Chevalier au Lion ou Tristan et Iseult de Chrétien de Troyes. Ces genres remplacent peu à peu la chanson de geste et le récit épique. 

Mais alors en quoi consiste cette nouvelle célébration de l'art d'aimer au XIIème siècle ? 

Un code de conduite : Comme nous le disions plus haut, s'incarne ici l'idéal du sentiment amoureux tel que se la représentait l'aristocratie de l'époque. Voilà ce qui compose l'amour courtois selon cet excellent article de l’encyclopédie Larousse sur le sujet : "profond sens de l'honneur, importance de la parole et du serment, noblesse des sentiments, conduite généreuse, politesse dans le langage et les manières, et surtout primauté de l'amour.". C'est un amour profond, prude, chaste et désintéressé. Voilà la ligne de conduite, facile non ? 

Un amour subordonné : C'est un reflet du système féodal en vigueur à l'époque, la dame est suzeraine et l'homme est son vassal. Chacun joue un rôle. Il y a d'un côté la soumission et de la vénération, on adore cette femme que l'on ne pourra jamais épouser, et de l'autre des comportements hautains, fermés, inaccessibles (c'est autant un jeu que le poids moral de la religion qui s'exprime), qui éloignent davantage encore l'être aimé et enflamment l’imagination. Il faut souffrir avec dignité (jusque dans l'opprobre, et oui il arrive que le courtisan se fasse repérer...) se comporter avec tact et noblesse jusqu'à un jour, peut être, recevoir les hommages de l'élue de son coeur. 

La notion de désir : Amour et désir se confondent. Analyse plus psychologique de l'amour courtois, le Larousse nous dit : "puisque le désir disparaît quand il est assouvi, l'amour, pour perdurer, doit être difficile à satisfaire". Quelque chose dont nous n'obtiendront pas satisfaction facilement continue de susciter notre convoitise. Dans ce contexte, l'amour est entretenu par les obstacles immenses qui se dressent entre deux amants : leurs mariages respectifs, la religion, leur entourage ou bien leur propre honte. La passion s'entretient car elle ne peut être assouvie. Au contraire, un hypothétique mariage entre ces deux personnes pourrait être le tombeau de leur amour... 

Attention cependant, il ne faudrait pas voir derrière l'amour courtois un geste de promotion de la femme comme l'affirme le spécialiste de l'histoire médiévale Georges Duby : "il ne faut cependant pas voir dans l’amour courtois une promotion de la femme : c’est un jeu masculin, éducatif, où les jeunes hommes, pas encore mariés (les jovenes, les jeunes, comme Henri le Jeune, pas encore établis), maîtrisent leurs pulsions et leurs sentiments, comme ils apprennent à maîtriser leur corps dans un tournoi (ce qui n’exclut pas qu’ils laissent libre cours à leur libido avec des femmes de rang inférieur). De plus, la femme est une proie ; celle qui est la cible de l’amour courtois des jeunes est souvent l’épouse du suzerain, qui la donne en enjeu. Les jeunes cherchent à séduire la dame pour mieux plaire à leur seigneur, mais aussi pour mieux se différencier du peuple vulgaire, et des bourgeois, qui peuvent les concurrencer financièrement, mais pas culturellement."

Source : Cette précédente réponse du Guichet sur L'amour courtois que nous t'invitons à lire également ! 

Plus largement nous nous sommes appuyés sur ces ressources : 

• France Culture - Amour Courtois, (La fabrique de l'histoire, 2016).

• L'amour dans les romans arthuriens - Bibliothèque nationale de France (Les essentiels). 

• Littérature et amour courtois - Encyclopédie Larousse en ligne. 

• L'amour courtois où le chant de l'amour impossible - François Warin dans L'enseignement philosophique (2019) sur Cairn. 

Pour un petit résumé ludique sur le sujet, nous te suggérons cette vidéo Lumni sur YouTube : L'Amour courtois | 1001 Moyen Âges | Lumni mais également celle de la chaine Coursitout : L'amour courtois. 

En belle héritière de la poésie et des romans courtois, nous ne te conseillons Roméo & Juliette de Shakespeare, dans cette version adaptée, véritable pinacle littéraire de l'amour impossible. 

En espérant avoir répondu à ta question, à bientôt Armand !