Pourriez-vous m'apporter des informations sur les pénitentes et les recluses à Lyon ?
Question d'origine :
En m’intéressant à la rue Auguste Comte j'ai appris qu'il y avait une maison des filles pénitentes et une maison des recluses.
Dans certains documents les filles pénitentes sont des filles de famille qui ne se comportent pas bien et les recluses des femmes de mauvaise vie. Dans d'autres documents ce sont les pénitentes qui sont de mauvaise vie et les recluses des filles de famille.
Savez-vous où est la vérité?
Réponse du Guichet
Dans toutes les sources que nous avons pu consulter, les pénitentes sont des filles dont le comportement laissait à désirer, à travers le prisme religieux. Toujours selon ces sources, les recluses étaient des filles de mauvaises vies.
Bonjour,
Après avoir consulté les sources documentaires disponibles en physique dans les collections de la BML, mais aussi celles numérisées, il nous apparaît l'idée suivante : les recluses étaient principalement des prostituées qui ont été enfermées ; les pénitentes sont d'autres filles qui ont intégré la maison des pénitentes pour des comportements non adaptés aux normes religieuses, mais aux outrages bien moins publics, et pour ainsi dire "moins graves" aux yeux de l'église.
Nous retraçons ici l'historique de nos recherche en vous présentant les sources sur ces deux maisons de la rue Auguste Comte, qui portait à l'époque de ces évènements le nom de "Rue Saint-Joseph"
L'abbée Adolphe Vachet, dans son ouvrage "Les Anciens Couvents de Lyon", 1895 nous parle de la distinction en commençant par les Pénitentes :
L’établissement de cette maison, située près de la place Louis-le-Grand, dans la rue Saint-Joseph, fut formé en 1654, enregistré au parlement de Paris par lettres patentes, et approuvé le 20 décembre de la même année par le cardinal de Richelieu, archevêque de Lyon. Les dames supérieures de la maison étaient des religieuses de la Visitation de Sainte-Marie-de-Bellecour au nombre de quatre ; elles avaient la direction de la communauté pour le spirituel. On recevait dans cette maison des filles de famille qui avaient été déréglées dans leur conduite, en donnant une dot, dont les sieurs recteurs et administrateurs du temporel de cette maison, qui étaient au nombre de douze, convenaient avec les père, mère ou parents des dites filles, pour y rester pendant leur vie, tant en santé qu’en maladie. C’était une maison de correction, où la plupart cependant de celles qui y avaient été mises, au bout d’un certain nombre d’années, et après une longue épreuve, se faisaient religieuses.
Il poursuit avec un second paragraphe sur les Recluses :
La maison des Recluses, attenante à celle des Pénitentes, a été établie pour y enfermer les femmes et les filles de mauvaise vie, mais seulement ad tempus. Elle était sous l’autorité du gouvernement, ou en l’absence du gouverneur, de M. le commandant, qui donnait ses ordres pour faire arrêter, enfermer ou relâcher celles qu’il jugeait à propos. Elle subsistait des charités journalières du Consulat, des hôpitaux et des citoyens ; elle avait des directeurs et un bureau particulier.
Dans un Mémoire sur la nécessité de l’œuvre des recluses de Lyon, et les moyens de la soutenir, publié par le Bureau des Recluses en 1778, document consultable sur google books, nous pouvons aussi clairement distinguer la même version. Il est question de l'achat d'un terrain qui aura pour base l'initiation d'un tel projet :
On y réunit non seulement les femmes et les filles d'un prostitution publique, mais encore d'autres personnes coupables de désordres moins éclatants, que leurs parents présentaient pour procurer leur correction, et pour lesquelles ils payaient une pension.
On s’aperçut bientôt que ces deux genres de personnes ne pouvaient pas être soumises au même régime, ainsi l’œuvre générale fût divisée en deux maisons différentes, dont l'une fût appelée des Pénitentes, parce que les filles n'y étaient pas enfermée par l'autorité publique ; et l'autre, des recluses.
On constate ici aussi que les recluses étaient enfermées pour désordre d'ordre public (prostitution), à l'inverse des pénitentes, qui continuaient à être envoyées par leur parents contre une pension, possiblement pour des raisons aussi triviales que des écarts de comportement.
Bernard Bolze, dans son ouvrage "Prisons de Lyon, une Histoire Manifeste" ed. Lieux Dits, 2013 mentionne lui aussi les recluses. Il explique :
Pendant la Terreur, les opposants à la révolution sont entassés dans les caves de l'hôtel de ville puis, besoin de places aidant, vers deux bâtiments contigus au sud de Bellecour : la maison des filles pénitentes et la maison des recluses où étaient enfermées, sous l'Ancien Régime, les femmes et les filles de mauvaise vie.
Antoine-François Delandine séjourne aux Recluses en 1792-1793 et en tire les observations suivantes :
"Cette prison située rue St Joseph, servoit autrefois de retraite aux filles de mauvaises mœurs, que la police y renfermoit. [...]"
Sa recherche, doublée du témoignage d'Antoine-François Delandine, avocat français (et par ailleurs, premier directeur de la Bibliothèque Municipale de Lyon), nous prouve qu'il s'agit encore une fois des "filles de mauvaises mœurs" qu'on enfermait chez les recluses.
La seule source que nous avons pu trouver présentant une version altéré de cette organisation est la page wikipédia Augustines de l'ordre de la Pénitence de la Madeleine. Mais si cette dernière parle des "Filles Penitentes, ou Repenties, sont celles qui laissants la vie lubrique se pendent au monastere de la religion dressée pour telles Penitentes. Nic. Giles en la vie de Charles VIII." il est impératif de souligner qu'il s'agit de la vie sous Charles VIII. Nous sommes donc bien avant la naissance de la maison des Recluses ainsi que celle des Pénitentes de la rue St Joseph à Lyon.
Enfin, en parallèle, nous terminerons avec un article de l'historienne Paulette L'Hermite-Leclercq, intitulé "La vie quotidienne des recluses", l'histoire, octobre 1989. Cet article explore la notion de réclusoir et des récluseries. Ces aspects précèdent chronologiquement très nettement notre cas de figure mais demeure un volet connexe à cet objet d'étude. Il s'agissait de cloîtres aux modalités similaires avec celles des recluses de St Joseph, à la différence (et pas des moindres) que les reclus se portaient volontaires pour y vivre en ermite et dans la solitude la plus totale.
En espérant vous avoir aidé,