Pourquoi ce cimetière militaire du Pas-de-Calais s'appelle "Le Philosophe" ?
Question d'origine :
Bonjour,
il existe à Mazingarbe dans le Pas de Calais, un cimetière militaire nommé "Le Philosophe". Je voudrais connaître l'origine de ce nom, que j'ai cherché à plusieurs endroits sur le net, sans succès.
Merci de votre réponse.
Pierre Herlent
Réponse du Guichet

Le Philosophe semble être un ancien hameau ou un lieu-dit de la commune de Mazingarbe sur lequel s'est établi un cimetière britannique lors de la Première Guerre mondiale. Il aurait également désigné un quartier général de bataillon. Pour connaître l'histoire de sa toponymie nous sommes entrés en contact avec la mairie de la commune.
Bonjour,
La commune de Mazingarbe (Pas-de-Calais), située sur la route qui mène de Lens à Béthune, abrite sur son territoire plusieurs cimetières militaires (cimetière du 7, cimetière communal et son extension, celui du Philosophe), témoins des massacres de la Grande Guerre (1914 - 1918). Sa proximité avec le front faisait de Mazingarbe un lieu de repli et un poste stratégique. Elle fut bombardée par les Allemands mais jamais occupée, restant notamment aux mains des Britanniques du printemps 1915 jusqu'à la fin de la guerre.
Source : Mazingarbe et la Grande Guerre sur le site de la commune.
Le cimetière du Philosophe aurait été construit dès 1915 par Sir Herbert Baker pour accueillir les dépouilles des soldats morts au combat lors de la bataille de Loos (septembre 1915). Il servit également de point de rapatriement des corps pour de nombreuses divisions environnantes, dans l'immense majorité britanniques ou provenant des armées des pays du Commonwealth. La Commonwealth War Grave Commission fait état de 1996 sépultures liées à la Première Guerre Mondiale, dont 277 demeurent non identifiées tandis que le Guide des cimetières militaires en France de Catherine Grive-Santini (le cherche midi, 1999) rapporte 2001 corps, dont 1989 britanniques (p.71). Un commentaire posté sur la page Tripadvisor du cimetière note aussi la présence d'une tombe d'un soldat français.
En ce qui concerne la toponymie du cimetière, nous trouvons un premier élément de réponse sur le site de la commune. On y aperçoit une vieille photo d'une bâtisse créditée à l'Australian War Memorial. Elle aurait servi de quartier général de bataillon ! Avec comme indication un lieu : Le Philosophe, France. Et cette précision : "Le Major Victor Morse était le commandant de la compagnie Alphabet". Mystère.
Mais alors Le Philosophe était-il le surnom donné à cet endroit ? Peut-être le lieu s'appelait-il déjà ainsi avant le conflit ? Et surtout était-il situé à proximité du nouveau cimetière militaire ?
En consultant les archives de presse numérisées sur le site RetroNews (par la Bibliothèque nationale de France), dans un extrait du journal Le Temps, en date du 21 décembre 1914, à l'article intitulé "La prise de Vermelles " nous pouvons lire :
A Mazingarbe aucun dégât. Quelques vitres éclatées indiquent seulement qu'un combat d'artillerie a eu lieu dans le voisinage. Au Philosophe, petit hameau qui se trouve à égale distance de Mazingarbe et de Vermelles, les effets de la canonnade sont un peu plus visibles. Presque toutes les vitres ont volé en éclats. Deux ou trois maisons ont leur toit défoncés par les obus. Une "marmite" a fait un trou béant dans le toit d'une vieille chapelle. Mais ce ne sont là que des accidents de guerre insignifiants.
Une autre narration de ces destructions, cette fois dans le Mémorial de la Loire et de la Haute-Loire parle du "carrefour du Philosophe" et du "chemin du Philosophe" (9 décembre 1914). Enfin l'Ouest-éclair du 5 mai 1917 mentionne le "coron du Philosophe", en référence aux habitations des mineurs du nord de la France.
Ce qui a tout l'air d'un lieu-dit est aussi nommé dans cet article d'Evelyn Cobley, Description in Realist Discourse: The War Novel (Style, 1986), qui s'intéressait aux procédés narratifs des romans de guerre :
Mazingarbe, with its brick-built brewery, fell behind them too...They continued a little way along the road to Vermelles ans halted finally in Philosophe...
Mazingarbe, avec sa brasserie en briques, les talonne également... Ils continuent un peu sur la route de Vermelles et s'arrêtent enfin à Philosophe...
Traduction : Deepl.
En ce sens nous nous sommes rendu sur le site des archives du Pas-de-Calais à la recherche d'indices concernant un chemin, un lieu-dit ou un carrefour qui porterait le nom de Philosophe. Bien que nous puissions nous repérer à l'aide des rues et de l'emplacement actuel du cimetière, rien n'apparait. Il faut dire que nous disposons numérisés pour Mazinbargue des cadastres napoléoniens et rénovés en date de 1822 et 1938, rien entre temps. Peut-être devriez vous les contacter directement pour en apprendre davantage.
En attendant, pour répondre aux questions qui restent en suspens nous avons contacté de notre côté par téléphone la mairie de Mazingarbe. Le Philosophe est-il bien un lieu dit, un ancien quartier général de l'armée ou les deux ? Et plus avant, d'où lui vient originellement ce nom ? Leur équipe doit revenir vers nous avec plus de précisions suite à la sollicitation d'un expert local. Nous vous notifierons de leur réponse !
Bonne journée,
Complément(s) de réponse

Bonjour,
Nous sommes heureux de pouvoir compléter notre première réponse à l'aide d'informations qui nous ont été transmises par les gardiens de la mémoire locale de Mazingarbe. Un immense merci à Philippe Guédès qui a pris le temps de répondre avec détails et précisions, et sans qui nous n'aurions pu percer le fin fond de ce mystère :
"Le cimetière du Philosophe construit à partir de 1917 pour rassembler les sépultures des soldats britanniques tombés lors de la bataille de Loos se situe sur le territoire de Mazingarbe. Néanmoins, il tient son nom d'un quartier de Vermelles.
Vers 1860, la compagnie des mines de Béthune a creusé la fosse N3 à la limite de Mazingarbe et de Vermelles et a construit en même temps une cité pour loger le personnel de la fosse. On lui attribue alors le nom de "cité du Philosophe".
Ce "Philosophe" était un certain Joseph Carpentier qui tenait en 1790 un cabaret sur la route nationale (aujourd'hui N12-N14). Carpentier étant réputé pour ses conseils emprunts de sagesse s'est vu attribuer ce surnom. La cité du Philosophe bâtie à proximité le long de la route nationale verra ses rues renommées après guerre : rue Socrate, Montalembert, Platon et Montesquieu. Cette cité démolie il y a une dizaine d'années a été reconstruite avec des logements modernes. "