Pourquoi trouve-t-on autant de "Route d'Italie" en France ?
Question d'origine :
Pourquoi y a-t-il autant de "route d'Italie" en France ? Est-ce que parce que "tous les chemins mènent à Rome" ?
Réponse du Guichet
Les routes et rue d'Italie sont effectivement légion en France, et même dans les pays alentours. Nous pencherions plus pour une proximité (limitrophe) avec le pays en question plutôt qu'une prophétie induite par le célèbre adage.
Bonjour,
Après un petit tour d'horizon sur Mappy, et Google Maps, nous avons recensé une pléthore de routes et de rues portant le nom du pays voisin. Fréjus, Briançon, Cannet-des-Maures, Pressins, Châteauroux-les-Alpes, Val-Cenis, Val-des-Prés et Montgenèvre seulement pour les "routes d'Italie" ! Nice, Aix-en-Provence, Chambéry, Martigues, Marseille, Orange, Mions, Bourge-en-Bresse, Lunel et La Tour-du-Pin se voient de leur côté chacune affublée d'une "rue d'Italie". Il est effectivement tentant de se laisser croire que tous les chemins mènent à Rome.
Seulement, si uniquement la fréquence d'appellation des rues décidait ou non de la véracité de l'expression, nous ferions face à un obstacle de taille. Il existe au moins 15 rues et routes d'Espagne, et pas moins pour nos voisins légèrement plus septentrionaux, les Allemands. Alors pourquoi est-ce que tous les chemins ne mèneraient-ils pas à Madrid ou à Berlin ?
L'origine de l'expression (sa version originale, soit Romaine, entendons-nous) peut être retracée à l'époque de l'empereur Auguste. Le pourquoi & le comment des expressions françaises, de Delphine Sloan, Larousse, 2018 nous explique :
Pour bien symboliser que Rome est le centre du monde, l'empereur Auguste (27 av. J.-C. - 14 apr. J.-C.) fait ériger sur le forum, près du temple de Saturne, une colonne de marbre recouverte de bronze doré, baptisée Milliarium aureum ("Milliaire d'or" ou "doré"). Cet édifice était surmonté d'un globe sur lequel étaient indiquées les distances qui séparaient Rome des villes principales de l’empire. L'unité était le mille romain (d'où "milliaire"), équivalent à mille pas, soit mille quatre cent quatre-vingt-un mètres et cinquante centimètres. C'est de ce point que partaient toutes les routes. Par conséquent, dans le sens inverse, tous les chemins y menaient.
Reliquat étymologique et proverbial, nous sommes ici dans un très possible cas de biais cognitif de confirmation.
Le biais de confirmation est notre tendance à sélectionner uniquement les informations qui confirment des croyances ou des idées préexistantes. C’est le Parrain de tous les biais cognitifs. Il sera encore plus prononcé dans des contextes idéologiques, politiques ou les contextes sociaux chargés d’émotions.
"L’être humain est le meilleur pour interpréter toute nouvelle information de façon à ce que ses conclusions précédentes restent inchangées." (Warren Buffett)
extrait de : Biais de confirmation : nous croyons ce que nous voulons croire, Paris-Saclay.
L'expression et son poids lexical finissent par bâtir une sorte de croyance, bien que sa réalité soit on ne peut plus désuète. Nous croyons donc bien plus volontiers, selon le biais de confirmation, ce que nous croyions déjà, plutôt que chercher à réformer notre cartographie mentale (même si cela implique de supprimer d'agréables itinéraires italiens). Voir à ce sujet le très intéressant article de Marion Vorms, Bayes et les biais. Le « biais de confirmation » en question, Revue de métaphysique et de morale, n°112, pp567 à 590.
En somme, la multiplicité des routes et rues dites "d’Italie", ou d'autres pays, ont à notre sens, plus à faire avec la proximité de ces territoires qu'autre chose. Il est cependant compréhensible qu'en ces temps froids et pluvieux il soit réconfortant de se lover dans un biais de confirmation et de s'imaginer finir à Rome, peu importe le chemin qui sera emprunté.
Bonne journée,
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