Question d'origine :
Bonjour à tous !
J'ai cherché de mon côté mais je n'ai pas trouvé l'origine exacte du "salut des magistrats". Auriez-vous des informations de votre côté ?
Un grand merci par avance
Réponse du Guichet
Malgré nos recherches sur internet et dans les ouvrages spécialisés collections, nous ne trouvons pas mention de ce "salut" des magistrats lors de leur prestation de serment. Nous espérons que les contributions de nos internautes permettront de vous apporter quelques éléments.
Bonjour,
Comme nous vous le disions par canaux privés, nous avons beaucoup de mal à identifier le "salut" auquel vous faites référence lors de la prestation de serment des magistrats. Les mots sont célèbres : "Je jure de garder le secret professionnel et de me conduire en tout comme un digne et loyal auditeur de justice. Levez la main...et dites je le jure." (Article 6 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature et retranscrite dans ENM, une prestation de serment 2024 à la symbolique forte - JSS), mais hormis le traditionnel mouvement de la main, nous ne voyons pas apparaître dans les vidéos des cérémonies les plus récentes ce type de pratique (voir cette petite vidéo de l'ENM en 2018 sur Facebook).
Alors faut-il y voir simplement un ancien rituel propre aux investitures de l'Ancien régime comme vous nous l'évoquiez ? Peut-être. Néanmoins les divers documents glanés sur internet et surtout la consultation de nombreux ouvrages sur l'histoire de la magistrature française ne nous ont pas permis d'en trouver mention.
Histoire de la magistrature française des origines à nos jours / Marcel Rousselet (Plon, 1957)
Histoire des juges en France : de l'Ancien Régime à nos jours / Benoît Garnot (Nouveau monde, 2014)
La déontologie du magistrat / Julie Joly-Hurard, Julia Vanoni (Dalloz, 2020)
L'éthique des gens de justice : actes du colloque des 19-20 octobre 2000 / entretiens d'Aguesseau ; textes réunis par Simone Gaboriau, Hélène Pauliat (PULIM, 2001).
Pourtant certaines pages consacrées spécifiquement à la symbolique du serment sont richement documentées et très instructives sur les implications sous-jacentes de ce geste d'intronisation, sa portée, son histoire etc. En voici, à défaut, un long extrait :
(...) le serment politique a été généralisé durant la Révolution. Ainsi, en 1789, le serment s'impose individuellement aux magistrats élus comme aux agents nommés, qui jurent "d'être fidèles à la Nation, à la loi et au roi et de maintenir de tout leur pouvoir la Constitution décrétée par l'Assemblée nationale et acceptée par le roi".
(...)
Le renversement du roi et les multiples remaniements politiques ultérieurs donnent naissance à d'innombrables "nouveaux" serments politiques - magistrats et fonctionnaires devant successivement jurer fidélité à la "Nation" et à la "Constitution", à la "République" ou encore "haine à la royauté et à l'anarchie" - qui se substituaient dès lors les uns aux autres.
(...)
L'abolition du serment politique n'a pas remis en cause l'existence du serment professionnel qui existait parallèlement et indépendamment. Ce dernier n'impliquait aucun loyalisme politique mais exigeait de "prononcer de manière solennelle la promesse d'accomplir loyalment les fonctions postulées".
(...)
Le serment que prêtent aujourd'hui les magistrats (...) revêt un "caractère historiquement fondateur" et "concerne principalement sinon exclusivement le juge et l'institution". S'il manquait aux termes du serment, le magistrat serait d'abord face à sa conscience. Sous cet angle prêter serment c'est avant tout se placer devant le tribunal du for intérieur, avec l'obligation de tenir parole. Le serment est donc d'abord un devoir envers soi-même. Y manquer est une trahison, un parjure. Selon une autre conception, le serment place le magitsrat dans le pacte démocratique. Son expression est juridique mais sa nature, d'ordre politique. Par son caractère public, il donne à l'engagement personnel ainsi formulé une dimension collective qui appelle la reconnaissance du juge dans la Cité.
Le serment du magistrat prêté à son entrée dans la magistrature à longtemps été la seule véritable reconnaissance publique d'une soumission à la déontologie "officielle". Cette démarche correspondait d'ailleurs à un engagement à l'égard de règles morales quiy étaient exprimées en termes très généraux. Aini le présentent sommairement trois auteurs, en introduction de leur ouvrage (A. Gasparon, J. Allard et F. Gros, préc) : "Le serment vise à la diligence, qui se résume au soin à apporter aux affaires ; est-elle spécifique au juge ? N'est-ce pas une qualité attendue de tout professionnel quel qu'il soit ? Vient aussi la loyauté, entendue principalement comme loyauté à l'égard de la hiérarchie judiciaire. Est égalemment visée la dignité, qui intéresse les rapports avec l'extérieur de l'institution judiciaire, à savoir l'absence de vie scandaleuse, de déclarations intempestives par exemple. Le justiciable n'est pas absent mais c'est la protection de l'institution, voire des institutions politiques en général qui semble l'emporter. En témoigne la place réservée au secret, qui paraitra à certains comme démesurée. Point de référence à l'impartialité par exmple".
Source : La déontologie du magistrat/ Julie Joly-Hurard, Julia Vanoni (Dalloz, 2020) (p. 95-96).
Nous plaçons votre question dans la rubrique "SOS, le Guichet sèche", qui produit parfsois de belles surprises grâce aux toujours pertinentes contributions de nos lecteurs. Croisons les doigts pour que quelqu'un puisse nous aiguiller dans cette affaire. En attendant n'hésitez pas à nous transmettre ce que vous aviez trouvé de votre côté !
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