Vers quel organisme se tourner pour obtenir des chiffres fiables ?
Question d'origine :
Le COR, Conseil d'orientation des retraites, a occulté 56 milliards d'euros de déficit (grosso-modo 15% du service des retraites) (source: <https://www.contrepoints.org/2024/06/13/475970-le-deficit-des-retraites-est-de-53-milliards-deuros-en-2023>), qui représentent les subventions de l'Etat aux retraites des fonctionnaires et aux régimes spéciaux, dans ses calculs de 2023, "oubli" qui lui permet de prétendre que les retraites françaises sont en quasi équilibre et qu'il n'y a donc pas nécessité urgente d'une réforme. Devant pareille forfaiture, y a-t-il pour le quidam lambda un moyen de contribuer à faire remplacer cet organisme malfaisant par un autre qui soit plus à même de fournir au gouvernement des chiffres conformes à la réalité ?
Réponse du Guichet
Le Conseil d'orientation des retraites a décidé en 2024 de modifier sa méthodologie pour la publication de son rapport annuel.
Bonjour,
Voici ci-dessous quelques articles de presse de référence éclairant cette affaire des 30 milliards de déficit absents du rapport du Conseil d’orientation des retraites de 2022. Le COR a décidé de réformer sa méthodologie pour son rapport annuel en 2024.
Les articles cités qui ne sont pas entièrement accessibles en ligne sont disponibles sur Europresse, sur place dans toutes les bibliothèques du réseau de la Bibliothèque municipale de Lyon et à distance pour ses abonné.e.s.
Tout d’abord, voici un article (très complet) de Luc Peillon paru dans Libération (site web) le 17/09/2023 : Pourquoi le livre d’Hervé LeBras, «la Réforme des retraites expliquée au gouvernement», fait-il polémique?
L’article critique ou réfute nombre de points et d’arguments avancés par Hervé Le Bras mais il évoque en préambule la situation que ce dernier dit avoir découverte:
«En entame de son essai, Hervé Le Bras relate un rendez-vous, mi-février, avec un conseiller de l'Élysée, à l'issue duquel il aurait appris l'existence de ce déficit - actuel - de 30 milliards d'euros, en plus des 13,5 milliards officiellement attendus en 2030. […]
Et de poursuivre : "Ces 30 milliards de déficit sont bel et bien réels. Le conseiller venait de fournir la clé ou le fil rouge pour comprendre le déroulement bizarre des opérations depuis la proposition de loi sur le système à points en 2020 jusqu'à l'usage brutal de l'article 49-3 lors de la réforme de 2023." […]
Il reproduit alors une lettre écrite à ce conseiller à l'issue de leur rencontre : "Si j'ai bien compris ce que vous m'avez dit, l'objectif primitif de la réforme [de 2020] était justement d'effectuer ce transfert [de 30 milliards d'euros] d'un poste, les retraites, vers d'autres. À partir de sa prise de position, le COR, s'étant en quelque sorte débarrassé des 30 milliards, a pu se consacrer à ses projections. En s'appuyant presque exclusivement sur le rapport du COR, le gouvernement l'a validé, et les 30 milliards ont disparu comme par magie".»
Le livre d’Hervé Le Bras est disponible dans les fonds de la Bibliothèque municipale de Lyon: La réforme des retraites expliquée... au gouvernement
Le même Luc Peillon rappelle dans son article ci-dessus qu’il avait déjà, en 2022, publié un article au sujet des 30 milliards manquants, toujours dans Libération (site web), dans sa rubrique CheckNews: Le Conseil d’orientation des retraites cache-t-il 30milliards de déficits, comme l’affirme Bayrou?
Il y écrivait notamment ceci:
«Dans une note publiée le 8 décembre, le Haut Commissariat au Plan expliquait en effet que si les collectivités publiques (État, collectivités locales, hôpitaux) cotisaient comme un employeur du privé, donc à hauteur de 16 % seulement, elles fourniraient 24 milliards d'euros de cotisations. Mais au lieu de cela, elles surcotisent, pour leurs agents, à un taux d'environ 75 % pour l'État et à 30,65 % pour les fonctionnaires territoriaux et les hospitaliers (CNRACL), soit 46 milliards de plus. Dans ces 46 milliards d'euros, il y a environ 17 milliards liés aux avantages non contributifs (trimestres pour maternité, départs anticipés pour pénibilité...) dus aux fonctionnaires, comme peuvent en bénéficier les salariés du privé. Reste donc 30 milliards qui, selon le Plan, sont versés sans autre raison que de combler le déficit démographique des régimes de retraites, et principalement celui des fonctionnaires de l'État.»
Et il ajoutait: «François Bayrou a raison sur un point : ce montant n'apparaît pas dans le débat public. De fait, dans les projections du COR, le besoin de financement pour les fonctionnaires de l'État et les régimes spéciaux ne figure pas, puisque, juridiquement, il n'existe pas, étant comblé par ces surcotisations ou une subvention d'équilibre.»
Plus récemment, Bertrand Bissuel du journal Le Monde, a lui aussi publié deux articles au sujet de réformes de méthodologie pour l’élaboration du rapport du COR. Le premier, paru sur le site web du journal, date du 30/03/2024: Le Conseil d’orientation des retraites entre dans une zone de turbulences
B. Bissuel explique: «Un avis de vent fort est lancé pour le Conseil d’orientation des retraites (COR). Au sein de cette instance, chargée d’éclairer les décideurs publics et la population, des désaccords viennent d’apparaître entre son président, l’économiste Gilbert Cette, et plusieurs membres représentant des syndicats. La querelle porte sur un projet de méthodologie nouvelle pour construire le prochain rapport annuel, dont la publication est programmée en juin. Ce changement d’approche, qui doit être présenté jeudi 4avril, tournerait le dos aux principes d’indépendance et de pluralisme, sur lesquels le COR repose, et viserait à préparer le terrain à une réforme douloureuse, selon plusieurs organisations de salariés.[…]
Il formule trois propositions.
Tout d’abord, il recommande de «décaler vers le bas» l’éventail des hypothèses de croissance annuelle de la productivité afin de prendre en considération «le ralentissement structurel de la productivité». Désormais, les simulations seraient effectuées sur une «fourchette» oscillant entre +0,4% et +1,3%, contre +0,7% à +1,6% auparavant. Ce paramètre est crucial : plus la productivité est faible, plus les rentrées de cotisation ralentissent, ce qui est susceptible de mettre en difficulté les régimes de pension.
Deuxième innovation: M.Cette est partisan de "présenter les résultats financiers du système sur un seul scénario de référence", tout comme en 2001, 2006 et 2007, alors que dans les derniers rapports, il y en avait plusieurs, ce qui rendait "complexe" l’analyse, d’après lui. L’objectif est d’améliorer la "lisibilité" du document.[…]
Enfin, M.Cette préconise de prendre comme "hypothèse de référence" une croissance annuelle de la productivité égale à 0,7%.
Dans son deuxième article, paru dans Le Monde du 6 avril 2024, sous le titre : Retraites: le désaccord persiste sur le mode de calcul du déficit, il conclut, du moins provisoirement, sur le projet de modification de la méthodologie du rapport:
«Exposées par M.Cette avant la réunion de jeudi, ces propositions [celles détaillées ci-dessus dans le premier article] ont heurté plusieurs syndicalistes siégeant au COR. A leurs yeux, elles ont pour effet de dépeindre le système de retraites enfoncé dans un déficit durable et important. In fine, ajoutent-ils, cela ouvre un boulevard à de nouvelles réformes douloureuses – comme celle de 2023, qui a repoussé de 62 à 64 ans l’âge légal de départ.»
Il précise plus loin : «Les réserves émises par les organisations de salariés n’ont pas été entièrement levées, mais M.Cette a fait une concession, qui a permis de rapprocher les points de vue : dans le rapport qui sera remis en juin, il y aura un « scénario de référence » fondé sur une hypothèse de croissance annuelle de la productivité de + 1% – et non pas + 0,7%, comme évoqué au départ. Par ailleurs, les perspectives financières seront établies à partir d’un éventail de taux abaissés (compris, donc, entre + 0,4% et + 1,3%, conformément à la suggestion de M.Cette).»
Bonne journée,
Réponse du Guichet
Il n'existe pas d'autre organisme menant des analyses et des calculs relatifs aux retraites dans l'ensemble de la population et du pays.
Cette deuxième réponse vise à faire droit au reproche de l'usager de ne pas avoir répondu à sa demande d'autres données fiables que celles du COR.
Nous n’avons pas directement répondu à cette question des données fiables car il n’existe pas d’autre organisme menant ce type d’analyse et de calculs.
Il existe des critiques du rapport du COR, ou plus exactement de la réforme des retraites, qui pointent la question des déficits annoncés.
Ainsi la FSU, par exemple, a-t-elle publié sur son site un article intitulé La réforme décryptée qui fait allusion en fin d’analyse aux «Déficits du système de retraites». Le site «La finance pour tous» se livre également à une analyse du rapport du COR: Retraites: que nous apprend le dernier rapport du COR?
Par ailleurs, outre ses rapports annuels, le COR propose des «liens utiles» vers les organismes publics producteurs de statistiques:
Ainsi le département Statistiques et recherche sur la retraite et le vieillissement de l’Assurance retraite qui propose un onglet Séries statistiques depuis 2003 : des données en libre accès et un autre intitulé Séries statistiques labellisées
Sur le site de la Drees (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques), la recherche «retraite» renvoie à une sélection sur le sujet.
La même recherche «retraite» est également possible sur le site de l’Ined (Institut national d'études démographiques).
A noter: le dernier rapport annuel 2024 est accompagné d'une annexe méthodologique.