Pourriez-vous m'expliquer la distinction entre patriotisme et nationalisme ?
Question d'origine :
Bonjour,
J'ai compris que "patriotisme" renvoie à la patrie et "nationalisme" à la nation. Mais pourriez-vous me donner davantage de subtilités pour bien distinguer ces deux termes ?
Merci.
Réponse du Guichet

La principale différence demeure celle que vous soulignez dans votre question. Nous pouvons cela dit étoffer quelques points en cherchant la définition de chacun des termes. L'idée habituelle qui semble séparer ces deux termes est celle de la perception de ces mouvements, bien souvent plus négative pour le nationalisme. Nous vous donnons également deux ressources numériques pour aller plus loin.
Bonjour,
Romain Gary a dit « Le patriotisme, c'est l'amour des siens. Le nationalisme, c'est la haine des autres. ». Sa vision du clivage entre les deux termes présente un des principaux arguments de différentiation, celui de la haine de l'autre. Penchons-nous premièrement plus en détail sur la définition des termes.
Nous avons consulté les deux définitions dans le grand Robert de la langue Française, voici ce que nous avons trouvé :
Nationalisme :
1. Exaltation du sentiment national ; attachement passionné à ce qui constitue le caractère singulier, les traditions de la nation à laquelle on appartient, accompagné parfois de xénophobie et d'une certaine volonté d'isolement.
2. Doctrine qui, fondant son principe d'action sur ce sentiment, subordonne, en politique intérieure, tous les problèmes (culturels, économiques, sociaux...) au développement de la puissance nationale et rejette, en politique étrangère, toute association limitant la liberté d'action ou s'opposant à l'hégémonie de la nation.
3. Doctrine, mouvement politique qui revendique pour une nationalité le droit de former une nation plus ou moins autonome.Patriotisme :
Amour de la patrie ; désir, volonté de se dévouer et au besoin de se sacrifier pour la défendre, en particulier contre les attaques armées. [...] Le patriotisme diffère du nationalisme en ce qu'il ne suppose pas un culte exclusif de la nation.
On constate donc effectivement un objet d'adoration centré sur la nation pour le nationalisme, comme son nom l'indique déjà assez bien. Selon le grand Robert, la xénophobie, souvent associée au nationalisme semble donc être plus propre à ce terme là plutôt que le patriotisme. Autre exemple donné, celui de l'amour des siens, notamment pendant l'Occupation : les Résistant sont des patriotes, ils sont prêts à se sacrifier pour leur patrie et leur pairs, ils ne sont pas considérés comme nationalistes. Si vous voulez explorer davantage les deux notions et surtout les nuances entre celles-ci, il est possible de trouver des articles comme celui publié sur Philosophie Magazine : Le nationalisme et le patriotisme selon Orwell ou encore Nation, Patrie, Nationalisme et Patriotisme en France au XVIIIe siècle, de Jacques Godechot.
Les deux termes restent très liés l'un à l'autre, et malgré le prédicat dans votre question, la différence principale reste bien cet attachement à la nation pour les nationalistes, et celui de la patrie pour le patriotisme. Le terme de nationalisme est en revanche plus polysémique.
En espérant vous avoir aidé.e,
Complément(s) de réponse

Bonjour,
En complément de notre première réponse, nous nous sommes plongées dans des études plus spécifiques.
Dans Passions sociales (2019) Astrid von Busekist étudie la différence entre patriotisme et nationalisme. Reprenant les définitions apportées par Durkheim, elle explique que :
Ce que nous dit Durkheim est à la fois simple et profond et témoigne d’une fidélité à l’histoire intellectuelle et politique des deux termes – patriotisme et nationalisme – qui, s’ils ont u se croiser, partager des traits et produire parfois des effets analogues, renvoient à des sentiments distincts. Le patriotisme peut s’exprimer à travers des formes exclusives, conservatrices et fermées, le chauvinisme par exemple, tandis que le nationalisme peut-être républicain, civique ou encore libéral; il n’empêche: l’amour de la patrie n’est pas la passion de la nation. Affection d’un côté, passion de l’autre, le patriotisme n’a jamais eu la force structurante et transformatrice de la pensée nationaliste: c’est «le nationalisme [qui] crée les nations et non l’inverse», dit Ernest Gellner (1989) …
Nous vous laissons poursuivre la lecture et vous suggérons aussi de parcourir les articles suivants :
Françoise Daucé, Anne Le Huérou, Kathy Rousselet, «Les diversités du patriotisme contemporain», Critique internationale, 2013/1 (N° 58), p. 9-17.
Jacques Godechot, Nation, Patrie, Nationalisme et Patriotisme en France au XVIIIe siècle, Annales historiques de la Révolution française, n°206, 1971. pp. 481-501.
ça m'intéresse consacre aussi un article à ce propos.
Enfin vous trouverez d’autres définitions dans les dictionnaires d’histoire dont Dictionnaire d’histoire politique du XXe siècle.