Bonjour,
Vous cherchez à savoir à quelle période de l'année se déroulaient les épreuves du certificat d'études, et dans quelles conditions, en particulier pendant la Seconde Guerre mondiale.
Commençons par revenir sur les origines du "certif".
Voici les explications de l'historien Patrick Cabanel que nous pouvons lire sur le site de France Archives :
Par une circulaire du 20 août 1866, le ministre Victor Duruy institue un certificat d’études primaires destiné « aux élèves qui auraient subi avec succès un examen portant au moins sur l’enseignement obligatoire », c’est-à-dire la lecture, l’écriture, l’orthographe, le calcul et le système métrique. L’examinateur de l’enfant est, pour l’heure, son instituteur, en présence et avec le concours du maire ou du curé. C’est le début d’une grande aventure scolaire, culturelle et sociale. Plus exactement, c’est la seconde naissance d’un diplôme institué dès le 25 avril 1834 dans les Statuts sur les écoles primaires élémentaires communales : délivré à la fin des études primaires, il devait qualifier le niveau obtenu pour chaque objet d’enseignement. Mais ce premier certificat n’avait pas réussi à « prendre » : il appartient à la panoplie d’institutions et d’objets scolaires que la jeune monarchie de Juillet, celle de Guizot, a eu le génie d’inventer (tel l’enseignement primaire supérieur), mais qui n’ont connu d’épanouissement qu’à la fin du Second Empire et surtout sous la Troisième République.
L’examen de 1866 a dû affronter la concurrence d’un autre mode d’évaluation, celui des concours cantonaux entre élèves, qui avaient connu une grande vogue. Il a entamé son irrésistible conquête de la France, département après département : on sait trop peu que l’initiative a été laissée à la libre appréciation des conseils généraux. En 1866, un seul département a mis en place le nouveau certificat : les Vosges. Suivent, en 1867, l’Eure-et-Loir, le Maine-et-Loire, les Landes, la Loire-Inférieure, le Lot-et-Garonne, la Seine-et-Oise, l’Yonne. C’est, très largement, la France du nord de la Loire qui est d’abord touchée, le Midi, la Bretagne, le Massif central s’ébranlant plus tard, avant que la Corse, la Mayenne et le Tarn ne viennent clore la marche. Le 16 juin 1880 enfin, un arrêté pris par Jules Ferry impose une réglementation nationale et, le 28 mars 1882, l’article 6 de la loi sur l’enseignement primaire obligatoire institue un certificat d’études primaires « décerné après un examen public, auquel pourront se présenter les enfants dès l’âge de onze ans ».
Les chiffres explosent : 5 000 reçus en 1872, 180 000 vingt ans plus tard, et jusqu’à 473 000 en 1962. De 1880 à 1907, plus de 6 millions de candidats ont aspiré à décrocher le « certif », près de 4,7 millions y sont parvenus. Au total, la France aura décerné environ 20 millions de certificats jusqu’au milieu des années 1960. Les filles, d’abord moins nombreuses, rattrapent leur retard. Et ainsi font les terroirs « patoisants » de l’Ouest et du Midi, dès avant 1914. C’est que, à défaut d’emploi industriel, la possession du certificat et du bon niveau primaire qu’il garantit permet d’entrer dans une série d’administrations ou de compagnies ferroviaires qui recrutent alors massivement. Le diplôme aura été un efficace passeport vers l’emploi – et vers l’émigration.
Source : Création du certificat d'études primaires 20 août 1866, francearchives.gouv.fr
La circulaire de Victor Duruy prévoyait que c'était l'instituteur en présence, avec le concours du maire et du curé, qui faisait passer le certificat à ses élèves. Autant dire que ces conditions étaient loin d'être satisfaisantes :
Dans de telles conditions, la délivrance du certificat était dépourvue d'un contrôle suffisant et d'une garantie sérieuse, surtout dans les écoles de village, de beaucoup les plus nombreuses. Aussi les résultats ne répondirent-ils pas à l'attente du ministre, et c'est à peine si quelques certificats furent délivrés pendant les années qui suivirent, dans quelques rares départements. L'institution devait survivre cependant, et, grâce aux efforts des inspecteurs d'académie, se propager dans des conditions de plus en plus favorables. On renonça à l'examen « en famille » par l'instituteur, le maire et le curé, et des commissions spéciales furent créées ; l'administration académique régla d'une manière uniforme pour tout le département les épreuves et le contrôle, et se réserva la collation du certificat sur le rapport des commissions. Le progrès était considérable ; mais la diversité des systèmes était encore trop grande, et trop inégale aussi la valeur probante de l'examen d'un département à un autre. C'est pour remédier à ces inconvénients qu'intervint l'arrêté du 16 juin 1880, ayant pour objet « sinon de soumettre le certificat d'études à une réglementation uniforme, du moins de poser certains principes communs qui déterminent la valeur du certificat et préviennent des divergences d'appréciation par trop considérables » (Circulaire du 27 septembre 1880).
Source : Certificat d’Etudes Primaires Elémentaires, Dictionnaire Ferdinand Buisson, inrp.fr
Avec la loi du 28 mars 1882, l'organisation change. Les élèves se rendent au chef-lieu du canton pour passer leurs épreuves devant une commission cantonale, nommée par le recteur, lors d'un examen public qui a lieu à l'expiration de chaque année scolaire. Tout se déroule en une journée : épreuves écrites et orales, correction et proclamation des résultats.
La page dédiée des archives du Finistère, Vive le certif ! décrit les conditions dans lesquelles les élèves étaient présentés aux épreuves :
Le certif sanctionnait la fin de l'enseignement primaire élémentaire (entre 11 ans et 13 ans révolus jusqu'en 1936) et attestait de l'acquisition des connaissances de base (écriture, lecture, calcul, histoire géographie, sciences appliquées). Il a incarné l'idéal d'une république égalitaire et méritocratique, même s'il n'a guère récompensé, les meilleures années, que la moitié d'une génération. Familles et instituteurs ont longtemps pratiqué la sélection des candidats, pour des raisons économiques ou de prestige : on ne se présente pas au certificat, on y est présenté.
On peut estimer que 20 millions environ de certificats ont été distribués de 1880 au milieu des années 1960.
"Bachotage"
L’épreuve est préparée de longue date, avec des entraînements de plus en plus intensifs, comme il est de règle pour tout examen. Instituteurs et institutrices gardent les élèves après la classe, dès l’arrivée du printemps, les font venir le jeudi pour des rafales d’exercices supplémentaires. Ils seront prêts à affronter les croisements de trains, les robinets qui fuient et la série de dates de l’histoire de France.
[...]
Le jour du certif, une journée particulière
Cette journée est vécue comme une parenthèse exceptionnelle dans la vie quotidienne des candidats, garçons ou filles. Il faut d’abord se rendre “endimanchés” en pleine semaine au chef-lieu de canton où se déroule l’examen.
Début des épreuves : d’abord la dictée. Cinq fautes, c’est le zéro éliminatoire mais l’enfant bénéficiera peut-être de l’indulgence du correcteur chaque fois que la logique et l’analogie lui donnent raison contre l’arbitraire de la langue. Personne ne sait expliquer pourquoi pou ou genou prennent un x au pluriel. Pourront être acceptés : contreindre (comme étreindre), cantonier (comme timonier ou cantonal ) ...
Viennent ensuite la rédaction, deux problèmes d’arithmétique, l’histoire et la géographie et le calcul mental. Personne ne perd de temps : aussitôt une épreuve finie, les membres de la commission de correction commencent à corriger les copies.
11 h 30 : fin des épreuves du matin.
La majorité des enfants déjeune sur place, mais pour certains, ce sera l’occasion de manger au restaurant pour la première fois, sans doute.
Retour en classe pour les épreuves de l’après-midi : lecture expliquée et sciences, dessin, couture pour les filles, travail manuel pour les garçons ; récitation ou chant tiré au sort.
L’épreuve de gymnastique a eu lieu quelques jours auparavant.
Vers 16 heures, 16h30, tout est terminé.
L’attente paraît interminable avant la proclamation des résultats. “Sont reçus avec mention très bien...” Pleurs ou cris de joie !
Source : Vive le certif !
L'ouvrage de Patrick Cabanel, La République du certificat d'études : histoire et anthropologie d'un examen (XIXe-XXe siècles) vous fournira une description beaucoup plus détaillée du déroulement de cette journée mémorable pour ceux qui l'ont vécue (chapitre 4: Le jour du certif. Anthropologie d'un rite républicain).
Toujours sur le site des archives du Finistère, sont mises à disposition des épreuves du CEPE (certificat d'études primaires élémentaires) de l'année 1942. Les épreuves sont organisées de fin mai à début juillet selon les centres, c'est-à-dire essentiellement en juin.
Les éléments que nous avons trouvés au gré de nos recherches nous permettent au moins de dire que des épreuves du certificat d'études se sont bien tenues pendant les années 1942 à 1945 (on trouve par exemple des cotes correspondant à ces années dans les fonds des archives du Pas de Calais). En revanche, nous ne serons pas en mesure de vous indiquer dans quelles conditions ces épreuves se sont déroulées. Par ailleurs, selon les années et les régions concernées, ces conditions ont pu être très inégales : de nombreux élèves ont été déplacés au cours de la guerre pour les éloigner des zones de danger.
Les ouvrages suivants que nous avons (rapidement) parcourus ne nous ont pas permis de trouver d'informations plus précises sur la tenue des épreuves du certificat d'études pendant les années 1942 à 1945. Ils pourront néanmoins vous apporter des éléments précieux sur le contexte de ces années très particulières, et sur l'impact de la guerre et du pétainisme sur l'enseignement au cours de cette période :
Les écoles dans la guerre [Livre] : acteurs et institutions éducatives dans les tourmentes guerrières : XVIIe-XXe siècles / sous la direction de Jean-François Condette (voir en particulier le chapitre 18 : "Les enfants d'abord"! : Le repli des écoles loin des dangers de la guerre en France (1939-1944), Mathieu Devigne)
Lire sous l'Occupation [Livre] : livres, lecteurs, lectures, 1939-1944 / Jacques Cantier
Selon le lieu où se déroule l'action de votre roman, il sera peut-être opportun de consulter les archives départementales concernées pour obtenir plus d'éléments.
Pour aller plus loin :
16 juin 1880 : Arrêté sur l'examen du certificat d'études primaires
Il y a cent cinquante ans naissait le certificat d’études primaires, lemonde.fr
Histoire du certificat d'études primaires : textes officiels et mise en oeuvre dans le département de la Somme (1880-1955) / Claude Carpentier
(extrait disponible dans Google Livres)
Le temps du Certificat d’Etudes Primaires, montamise.fr
Histoire du certificat d'études primaires élémentaires en Bresse et dans l'Ain 1877-1990 [Article] , Chroniques de Bresse ; n°4, 2011, p. 5-54
Philippe Savoie, « Quelle histoire pour le certificat d’études ? », Histoire de l’éducation, 85 | 2000, 49-72.
Souvenirs du certificat d'études, un jour de juin 1943 (vidéo Youtube)
1866, la naissance du Certificat d'Etudes, radiofrance.fr
Bonne journée.