Je cherche des informations sur l'origine du salut aux Jeux Olympiques
Question d'origine :
Bonjour Cher Guichet,
Regardant un film sur les JO de Berlin il m'a semblé, lors du défilé des athlètes dans le stade, que le salut olympique était très proche du salut nazi...
Est-ce une fausse impression et sinon y a t-il eu des études à ce sujet ?
Réponse du Guichet

Le salut olympique était un des symboles des Jeux Olympiques en vigueur dans l'entre deux-guerres. Inventé par Pierre de Coubertin dans l'après Première guerre mondiale afin de fournir des symboles pacifistes et universalistes à cette compétition sportive, il s'inspire du salut romain, est similaire au salut nazi et fut utilisé pour la dernière fois lors des Jeux de Berlin en 1936. Il fut abandonné lors des JO de Londres en 1948.
Bonjour,
Les Jeux Olympiques d'été de Berlin ont eu lieu en 1936, sous le IIIème Reich allemand. Les olympiades furent le décor rêvé pour glorifier le régime nazi et mettre en scène un semblant de normalité dans la société allemande sous les caméras de Leni Riefenstahl.
Si des voix se sont élevées pour boycotter l'événement ou organiser une contre-compétition (les jeux avaient été attribués à l'Allemagne en 1931, pendant la République de Weimar et avant l'accession d'Hitler au pouvoir en 1933), 49 nations se sont rendues à Berlin cet été et ont joué le jeu de la concorde olympique : Histoire sport et citoyenneté.
Des jeux "grandioses, une rhétorique "apaisée", notamment autour de certains athlètes de confession juive (la plupart était interdit de concourir), mais une confusion certaine, il est vrai, autour de ce fameux salut olympique. L'article de France Info : "1936. Il y a 80 ans, les JO de Berlin : Sport, Reich et Führer" relate en détails l'événement mais ne tire aucune conclusion définitive sur ce geste. Salut nazi et salut olympique se confondent lors du passage de certaines délégations étrangères devant le dictateur :
Tout est donc prêt pour qu'Hitler inaugure les Jeux et salue les délégations. Nombreuses sont celles qui saluèrent le Führer le bras tendu. Parmi celles-ci, la délégation française qui passe le bras levé devant Hitler. Salut nazi, salut olympique? «La question est toujours ouverte», explique André Gounot. En tout cas, ce salut «olympique» fut une première et une dernière...
Effectivement la ressemblance est troublante. Même le site officiel des Jeux Olympiques, dans sa description de l'affiche officielle des jeux de 1936 décrit le salut d'un athlète vainqueur comme un "salut olympique".
Ce souci du CIO (Comité international olympique), de trouver et maintenir des symboles forts pour sa compétition, tout en n'hésitant pas à s'en séparer en cas de problème d'image est évoqué dans cet article où le salut olympique s'inscrit dans une liste plus large de symboles remaniés ou supprimés dans l'après guerre :
Le cio y veille mais, dès qu’un symbole devient dia-bolique, il est supprimé. L’enjeu est d’éviter qu’il ne gangrène le reste du rituel. Le salut olympique, très proche du salut nazi, disparaît des cérémonies après la Seconde Guerre mondiale ; les conventionnels coups de canon de la fin du xixe siècle se transforment en feux d’artifice ; le serment de l’athlète évoque maintenant le dopage plutôt que l’esprit chevaleresque ; et le traditionnel lâcher de colombes est interdit après l’embrasement des malheureux volatiles dans la vasque des Jeux de Séoul 1988
Source : BOUCHET Sylvain, « Les enjeux des cérémonies olympiques », Pouvoirs, 2024/2 (N° 189), p. 87-98. (Cairn)
Concernant son origine, l'article Wikipédia sur le Salut romain rapporte que c'est Pierre de Coubertin lui-même qui instaura ce signe, proche du salut romain, puis du salut nazi lors des Jeux Olympiques d'Anvers en 1920. Cet article du Monde Le relais de la flamme olympique est-il une invention des nazis?" donne l'année 1924, tandis que celui-ci indique aussi 1920 : L'enjeu symbolique des olympiades. Coubertin dans l'immédiate après-guerre souhaitait introduire de nouveaux symboles universalistes et pacifistes. Il s'inspire immédiatement du salut romain et se nomme aussi salut de Joinville.
Le salut olympique ne survivra pas à l'après guerre et sera absent des olympiades de 1948 à Londres. En revanche, le relais de la flamme, introduit par les nazis en 1936, précéda l'ouverture des Jeux de Berlin et se pérennisera jusqu'à Paris 2024.
Bonne journée,
Complément(s) de réponse

Bonjour,
Nous nous permettons de rajouter ce paragraphe éclairant extrait de l'article de Lionel Pabion "La préparation militaire en France (années 1900-années 1930) : un héritage sportif oublié ?" (p. 359 - 374) tiré de l'ouvrage "Héritages sportifs et dynamiques patrimoniales" (PUM, 2022). Il souligne l'influence sous-jacente du militaire dans la préparation des événements sportifs de l'entre deux-guerres, que l'armée appartienne à des régimes démocratiques, autoritaires ou totalitaires :
"«Sur les photographies de l’entre-deux-guerres, le «salut de Joinville» d’adolescents défilant en short et torse-nu reste également troublant pour le grand public. Même si les historiens savent bien qu’il ne s’agit pas du salut fasciste28, le geste et le cérémonial soulignent une proximité entre certaines formes d’éducation physique dans les régimes totalitaires et dans les régimes démocratiques. Ces similitudes et ces influences réciproques29 posent la question d’un fondement commun, au-delà des différences idéologiques. Elles montrent aussi le poids persistant des objectifs militaires dans les activités physiques et sportives de l’époque. La bibliographie est fournie sur les régimes totalitaires 30 ainsi que sur le régime de Vichy31: les études semblent d’autant plus nombreuses qu’elles s’intéressent à un contre-modèle, aux antipodes d’un sport «autonome» et apolitique. Par extension, l’ombre de Vichy recouvre toute une partie des pratiques physiques de l’entre-deux-guerres, et discrédite rétrospectivement tous les éléments de continuité entre les années1930 et la «Révolution nationale». Au contraire, le sport ouvrier a été largement étudié, malgré sa marginalité dans le champ sportif, mais parce qu’il peut apparaitre peut-être plus conforme avec l’idéal sportif d’aujourd’hui 32. L’hypothèse d’une centralité de la militarisation de l’éducation physique dans le projet républicain, réalisation effective de l’idée de citoyen-soldat, reste finalement peu étudiée. Le discours de grandes figures telles que Gambetta à la fin du xixe, avec son triptyque instituteur-gymnaste-militaire (discours de Bordeaux, 26 juin 1871), ou Jean Jaurès dans les années 1910 et «l’éducation militaire préparatoire»prévue pour les milices de l’Armée nouvelle 33, font pourtant largement écho à la volonté d’Adolphe Chéron, dans les années 1930, de souder l’école à l’armée par le biais des associations de préparation militaire. Aussi l’histoire de la militarisation des activités physiques et sportives sous la IIIe République reste encore largement à écrire, puisque les sociétés conscriptives ne semblent pas disparaître de manière linéaire après la Grande Guerre, elles font l’objet d’une attention continue dans le cadre des politiques en direction des activités physiques et sportives des années1930, et elles semblent même encore d’actualité à la Libération 34.»
Et la note 28:
28Le Soldat de demain fait une mise au point en ce sens dès 1923: il s'agit d'une invention du commandant du Centre d’instruction physique de Fontainebleau, d'inspiration antique, renouvelant un geste «des gaulois et des francs» et utilisé pour la première fois le 13juin 1920 aux Tuileries par les moniteurs du CIP (Le Soldat de demain, 25juin 1923)."
Nous en profitons également pour vous partager sa thèse à ce sujet : "Le sport embrigadé ? : Les sociétés de préparation militaire en France : des loisirs militarisés (années 1880 - années 1930)." en consultation libre sur HAL thèses.
Bonne journée,