Quelle est l'histoire de la grille située au 8 rue Terraille à Lyon ?
Question d'origine :
Bonjour,
J'aimerais savoir si la grille qui se trouve au dessus du 8 de la rue Terraille (Lyon 1er) a un rapport avec cette entrée ou est-ce un réemploi et peut-on avoir une idée sur son origine svp ?
D'avance merci pour votre aide.
Réponse du Guichet
Nous n'avons pas trouvé la réponse à votre question précisément, mais nous pouvons vous apporter quelques éléments de contexte intéressants.
Bonjour,
D'après le Plan de datation des constructions de Lyon, la façade de l'immeuble du 8 rue Terraille date du 17e siècle. Cette balustrade n'est pas un imposte (élément architectural à fonction décorative des portes d'entrée d'immeubles). Elle ne fait donc pas partie de la porte. Elle se situe au niveau de l'entresol, niveau intermédiaire entre le rez-de-chaussée et le premier étage, et à son pendant de l'autre coté de la façade, comme on peut le voir ici. La balustrade qui se trouve devant la fenêtre de l'entresol a certainement été ajoutée à postériori. Les motifs du fer forgé visibles ressemblent au style du 19e siècle. Mais son origine exacte n'est pas connue.
Cet immeuble avait certainement fonction d'habitation, avec une boutique au rez-de-chaussée et réserve à l'entresol. La fenêtre à l'entresol, derrière la balustrade n'avait pas de fonction particulière, si ce n'est apporter de la lumière.
Maintenant, nous vous proposons quelques éléments historiques sur le bâti de la Croix-Rousse, qui pourront vous donner une idée des différentes architectures que l'on trouve dans ce quartier.
La rue Terraille, située dans la partie inférieure des Pentes, dans ce que l'on appelait auparavant le Clos des Capucins-Ursulines, était au 18e siècle au centre des activités d'organisation et de vente de la soie.
Le Clos des Capucins a été démembré à partir de 1803, et ce quartier va se spécialiser dans le négoce de tissus. Dans la revue "Le monde Alpin et rhodanien" (1991, n°2-3), un numéro est consacré aux filières de la soie lyonnaise, Des pages 39 à 52, on trouve un article de Josette Barre, Soierie lyonnaise et habitat, typologie des immeubles de la Croix-Rousse. Cet article très complet permet de comprendre l'organisation et les fonctions de l'habitat à la Croix-Rousse à partir de 1830.
Jusqu'à la Révolution, la colline de la Croix-Rousse est peu occupée. L'essor que la soierie va connaître à ce moment de l'histoire va pousser les acteurs, négociants, fabricants et ouvriers à chercher de nouveaux terrains où s'installer. Vers 1790, les domaines appartenant au clergé vont être vendus comme biens nationaux. Cela va permettre de répondre à ce nouveau besoin foncier, et ainsi va pouvoir commencer une phase active d'urbanisation de la colline. Entre 1803 et 1830, ce sont pas moins de 270 immeubles de trois étages et plus, aux fenêtres hautes et nombreuses qui vont voir le jour. Si l'architecture est assez homogène, la destination de ces immeubles et des populations qu'ils hébergent montrent des disparités d'ordre sociales.
Ainsi le bas des pentes, là où se situe la rue Terraille, sera dévolu au négoce.
Les immeubles à fonction commerciale prédominante du quartier des Capucins
Situé dans la partie inférieure des Pentes, à proximité du quartier des Terreaux et du centre des affaires, l'ex-clos des Capucins-Ursulines (2 hectares) est démembré à partir de 1803. Il se spécialisera très vite dans les activités d'organisation et de vente de la soie. En 1810, le long des quatre rues nouvellement percées, s'élèvent déjà 27 immeubles dont la vocation commerciale n'est cependant pas encore très marquée. Ces constructions comptent en moyenne 4 étages et comprennent des appartements de 3 ou 4 pièces aux premiers et aux deuxièmes étages alors que dans les étages supérieurs ou au rez-de-chaussée, les locaux à pièce unique dominent. Une véritable stratification des occupants s'opère selon la catégorie socio-professionnelle des chefs de ménage. Au rez-de-chaussée figurent les petits commerçants et artisans, soit un cinquième des chefs de famille du quartier. Leurs locaux associent souvent la fonction de travail à celle d'habitation, le logement se réduisant à une petite pièce contiguë à la boutique, à l'atelier, ou située à l'entresol.
Aux premiers et deuxièmes étages demeurent deux catégories aisées les propriétaires-rentiers (10% des chefs de ménage), et d'autre part les donneurs d'ordre de la Fabrique, les marchands-fabricants, les commissionnaires en soie représentant 25 % des chefs de ménage. Pour elles, de grands appartements aux pièces hautes ont été conçues. Parfois, quelques ornements de façade (balcon en fer forgé, pilastres à chapiteaux corinthiens, pierres de taille au rez-de-chaussée) témoignent d'une recherche architecturale et de l'aisance du commanditaire. Dans les étages supérieurs se trouvent les populations modestes. Si les tisseurs sont rares, en revanche, les femmes préparant les fils de soie sont plus nombreuses. Elles sont dévideuses pour transformer les flottes ou écheveaux de soie en bobines (roquets), ou ourdisseuses pour regrouper les fils des roquets et constituer les chaînes des soieries. Elles ont pour voisins de palier des ouvriers d'autres textiles mais aussi des ouvriers de secteurs autres que le textile : des hommes de peine, des journaliers. L'ensemble de ces prolétaires représente le quart des locataires recensés dans ce quartier en 1810. Ils vivent soit en famille avec les enfants en âge de travailler — les plus jeunes étant placés en nourrice à l'extérieur de la ville — , soit en célibataires. Leurs appartements, réduits souvent à une pièce, servent de logement mais aussi de lieu de travail pour les ouvrières en soie ou pour les épouses des travailleurs des autres catégories, auxquelles le travail des fils de soie procure un complément de revenus. Cette pièce, plus basse que celle des premiers niveaux, abrite la famille (en moyenne 4 personnes) mais aussi des apprentis, des ouvriers et quelquefois du matériel (ourdissoirs, dévidoirs). L'activité dominante de ce quartier n'est pas le tissage de la soie mais l'organisation et la vente de sa production. Cette tendance s'accentuera au cours des années 1810-1825 et se traduira par un essor des constructions. Si, en 1810, le quartier compte 27 immeubles neufs, en 1830 il en a 57, l'accélération maximale du rythme des constructions se produisant entre 1810 et 1823- Cette accélération s'explique par l'implantation de la nouvelle Condition des Soies, rue Saint-Polycarpe. L'édification par la Chambre de Commerce de Lyon d'un entrepôt unique pour la dessiccation des soies stimulera le développement et la spécialisation du quartier des Capucins.
Source : Article Soierie lyonnaise et habitat. Typologie des immeubles de la Croix-Rousse vers 1830 / Josette Barre.
Nous remercions Claudine Rosset, guide professionnelle et membre de la commission patrimoine du 1er arrondissement pour son expertise et son aide précieuse.
Espérant avoir en parti répondu à votre question, nous vous souhaitons une agréable journée.