Fleury Richard a-t-il réellement habité la maison de la rue d’Algérie ?
Question d'origine :
Bonjour,
Le peintre Fleury Richard est régulièrement indiqué comme le propriétaire (et le commanditaire) de la fameuse maison du 11 de la rue d’Algérie à Lyon. Il y a eu un colloque en octobre 2017 à Lyon au Musée des beaux-arts sous la direction de Philippe Dufieux et de Jacques Rossiaud sous le titre « La Renaissance réinventée : historiographie, architecture et arts décoratifs à Lyon aux XIXe et XXe siècles » dont deux communications suivantes : "Esquisses des statues de ma maison rue d'Algérie qu'il n'a pas plu à l'architecte de faire exécuter" et "Le dessein Renaissance de Fleury Richard de l'atelier-musée d'Écully à la maison dorée de Louis Gaspard Dupasquier".
En parallèle un article du Figaro du 5 mai 1987 sur la façade de cette maison appelée « Maison Richard » et repris dans Numelyo dit : « Son aspect extérieur est édifié à la gloire des arts et des armées françaises d'Algérie. Glorification voulue par les premiers propriétaires, premiers pieds noirs revenus des colonies nord-africaines après seulement quinze années de colonisation. A cette époque, extrêmement riches, et déjà volubiles, jusque dans la présentation très forte de leur existence. » https://numelyo.bm-lyon.fr/f_view/BML:BML_01ICO001015828b30f01dd3
La maison Richard a aussi été appelée « Hôtel des Beaux-Arts et de la maison dorée ». On trouve dans divers annuaires que c'était effectivement un vrai hôtel de voyageurs tenu dès 1847 soit un an après sa construction par Louis Gaspard Dupasquier, par un M. Pâtissier puis par sa veuve. J’ai vu aussi que quelque part dans Google Livres (mais je n’ai plus la référence) qu’il y avait des boutiques au rez de chaussée de l’immeuble. L’adresse varie pour l’Hôtel des Beaux Arts, au fil des années et des annuaires, on trouve le, 7 puis le 9 et enfin le 11 rue d’Algérie.
Dans « Peinture troubadour, deux artistes lyonnais, Pierre Révoil, Fleury Richard » de Marie-Claude Chaudonneret, il est dit que Fleury Richard s’installe à Ecully en 1834. Tout ce long prologue pour en arriver à cette question : Fleury Richard a-t-il réellement habité la maison de la rue d’Algérie ou n’était ce qu’un immeuble de rapport et il en était le commanditaire et le propriétaire mais il n'y a jamais mis les pieds ?
Merci.
Bien à vous,
Praline
Réponse du Guichet
D'après nos recherches, tout porte à croire que le peintre Fleury Richard a fait de sa maison d'Ecully sa résidence principale jusqu'à la fin de ses jours en 1852. La maison qui porte son nom rue d'Algérie serait davantage à considérer comme un testament artistique et un investissement immobilier plutôt qu'un lieu de vie pour lui et sa famille. Pour en avoir le coeur net, vous pourriez interroger le musée des Beaux-Arts de Lyon.
Bonjour,
Les ressources dont nous disposons semblent indiquer que la maison de Fleury François Richard, construite en 1845 rue d'Algérie (ancienne rue boucherie des Terreaux, rebaptisée en mémoire de la prise de la smala d'Abd el-Kader par la France en 1843) par l'architecte Louis-Gaspard Dupasquier), n'aurait pas été habitée par l'artiste de son vivant (décédé en 1852). Cette maison remarquable aurait davantage servi de testament artistique et de stratégie d'investissement que de lieu de vie, le peintre préférant l'espace et le calme de sa propriété d'Ecully, achetée en février 1834 pour échapper aux tensions politiques du coeur de ville. Il en serait le commanditaire et le propriétaire, plutôt que l'habitant :
Ces deuils - et la persistance à Lyon d'un climat social tendu, entretenu cette fois par une véritable opposition politique" - amènent Richard "à chercher une propriété plus considérable [que sa maison de Vaise] qui pût [lui] servir de retraite pendant les émeutes populaires, et contre les revers de la fortune qu'amènent souvent les révolutions".
(...)
Il arrête son choix sur une des principales propriétés d'Ecully, qui appartenu jusqu'à sa mort à une personnalité lyonnaise, Jean-Louis Rast de Maupas (1731 - 1821), célèbre notamment pour ses innovations botaniques. Depuis le 16e siècle, Ecully est prisé des notables lyonnais qui s'y font construire des maisons des champs et, au 19e siècle, de grandes propriétés cossues, entourées de jardins et parcs...
(...)
il est acquis par Richard de son nouveau propriétaire, dix ans plus tard, le 10 février 1834 ; il s'y installe selon lui dès le 16 février et s'emploie à l'aménagement d'un atelier.
Source : Fleury Richard - Les pinceaux de la mélancolie (1777 - 1852) de Patrice Béghain et Gérard Bruyère (2014) (p. 278 - 279).
A la suite de cet extrait, cette biographie détaillée du peinte évoque l'acquisition de la maison rue d'Algérie, sur fond de différend entre son fils et sa bru, Richard entend protéger son héritage financier en investissant dans le centre ville lyonnais, à une période de restructuration urbanistique du quartier des Terreaux :
Il semble également qu'il y ait eu un différend relatif au contrat de mariage, que Richard trouve trop avantageux pour sa bru, en cas de disparition prématurée de son fils. C'est la raison qu'il avance pour expliquer sa décision de placer dans l'immobilier une partie de ses actifs et de faire construire, en 1845, un immeuble en contiguïté avec sa propriété de la rue des Augustins, dans le cadre de l'aménagement de ce qui deviendra bientôt la rue d'Algérie.
Source : Fleury Richard - Les pinceaux de la mélancolie (1777 - 1852) de Patrice Béghain et Gérard Bruyère (2014) (p. 281)
Pour attester ou non de la présence du peintre, nous avions placé nos espoirs dans les registres de recensement de population de la ville de Lyon de 1846 et 1851 numérisés sur le site des archives départementales du Rhône (de la rue boucherie des Terreaux, puis de la rue d'Algérie), mais son nom n'est pas ressorti. Étrangement, il en fut de même de notre interrogation des recensements de la ville d'Ecully à ces deux dates, seul un (quasi) homonyme journalier, un certain François Richard, est mentionné en 1846.
La mort du peintre à Ecully en 1852 semble aller dans notre sens, confirmant une présence de l'artiste dans sa maison de campagne jusqu'au crépuscule de sa vie :
A Ecully, Richard mène une vie retirée, s'occupant de ses terres, comme le montre le certificat de la Société d'Agriculture de Lyon, qui l'accueillit comme Membre Correspondant en 1851 : "Richard, propriétaire et agriculteur à Ecully. La terre fournissait depuis longtemps des lauriers aux couronnes qui ont illustré votre carrière d'artiste bien que vous consacriez aussi à sa culture un peu de vos goûts et de vos soins".
(...)
Il meurt le 14 mars 1852 après avoir donné à la ville de Lyon sa collection de gravure....
Source : La peinture troubadour - deux artistes lyonnais : Pierre Revoil et Fleury Richard de Marie-Claude Chaudonneret (1980) (p.55)
Aucune information probante supplémentaire n'est lisible dans l'étude "Une œuvre d'art et de conscience" de Jean-Christophe Stuccili dans La Renaissance réinventée (PUR, 2021) en ce qui concerne les conditions de vie de l'artiste et de sa famille, bien qu'énormément soit à lire sur l'analyse architecturale de la maison.
Le dictionnaire historique de Lyon n'est pas plus bavard sur le sujet, malgré une entrée fournie sur le peintre.
Nous savons que le musée des beaux arts de Lyon possède une autobiographie manuscrite de Fleury Richard, peut-être devriez-vous les contacter pour connaitre plus en détails les modalités dans lesquelles l'artiste à passer la fin de sa vie.
Bonne journée,