De Gaulle avait-il des soupçons sur la CIA dans l'attentat du Petit Clamart ?
Question d'origine :
De Gaulle soupçonnait-il la CIA d'être impliquée dans l'affaire Petit Clamart?
Réponse du Guichet

Ni dans ses Mémoires d’espoir, ni dans les mémoires de son fils Philippe De Gaulle, ni dans le très imposant C’était De Gaulle d’Alain Peyrefitte, il n’est fait mention d’une parole du général qui laisserait entendre un soupçon concernant la CIA dans l’organisation de l’attentat du Petit-Clamart.
Et l’on peut aisément se figurer pourquoi De Gaulle, quand bien même il aurait eu de tels soupçons, ne les aurait jamais exprimés publiquement : c’eût probablement constitué un impair en termes de relations internationales.
Bonjour,
Il est peut-être une autre raison à ce silence gaullien qui entoure le Petit-Clamart. Dans son étude sur l’attentat d’août 1962, Jean-Noël Jeanneney évoque une forme de stoïcisme taiseux qu’aurait eu De Gaulle face à la mort : « elle était devenue “son amie” […]. Dans un carnet de jeunesse, captif de l’Allemagne, il écrivait, à 26 ou 27 ans, ces lignes : “le meilleur procédé pour réussir dans l’action est de savoir perpétuellement se dominer soi-même […]. Il faut parler peu, il le faut absolument. L’avantage d’être un causeur brillant ne vaut pas au centième celui d’être replié sur soi-même […]. Et dans l’action, il ne faut rien dire. Le chef est celui qui ne parle pas”. On lit dans le Journal d’Hervé Alphand, ambassadeur à Washington, qui est reçu à l’Elysée le 30 août [1962], que le chef d’État tint à affirmer devant lui, comme il dut le faire auprès d’autres, qu’il n’avait “prononcé aucune parole après” – insistant : “Tous ces propos que l’on m’attribue sont faux…” ».
En effet, à la lecture des Mémoires d’espoir, le Petit-Clamart tient une place extrêmement réduite, quelques lignes tout au plus.
On voit comment De Gaulle, affrontant la mort avec la tempérance qui incombe selon lui à un chef, construit une posture héroïque. Aurait-il été cohérent avec cet ethos d’émettre publiquement des soupçons contre l’agence américaine?
Plusieurs auteurs, historiens et journalistes, ont étudié les relations houleuses entre les USA et De Gaulle et la façon dont les premières ont essayé de déstabiliser le pouvoir du second. C’est le cas notamment du journaliste Vincent Jauvert avec l'Amérique contre De Gaulle : histoire secrète, 1961-1969. Dans son livre, il n’est cependant pas fait directement mention de l’épisode du Petit-Clamart. Vous pouvez également consulter L’ami américain. Washington contre De Gaulle d’Eric Branca. Il n’y cite pas de propos clair du Général à propos du Petit-Clamart et d’un lien présumé avec la CIA.
En revanche, lorsque Branca analyse la tentative de coup d’État des généraux en Algérie, un an auparavant donc, il prête à De Gaulle ces réflexions : « En date du deux juillet 1962, une note de synthèse des services secrets suisses sur “l’intervention des services américains en Algérie“ aujourd’hui déclassifiée, révèle en effet ce que De Gaulle lui-même pressentait sans en détenir la preuve formelle : “il est évident que si l’opération avait tournée au succès, les Yankees étaient alors à pied d’œuvre et prêts à se précipiter au secours des vainqueurs” ».
Au regard des recherches que nous avons pu mener dans notre temps imparti, imaginer que De Gaulle ait penser peu ou prou la même chose un an après, à l'été 1962, relève de la pure conjecture. Vous pourriez toutefois essayer de poser votre question directement à la fondation Charles de Gaulle.
Pour aller plus loin sur la tentative d'assassinat du Petit-Clamart
Ils voulaient tuer de Gaulle : l'attentat du Petit-Clamart. Un complot contre la République - un documentaire de Teddy Filippe, 2007.
Une biographie de Bastien-Thiry, l’organisateur de l’attentat - d'Olivier Sers.
Enfin, un point de vue plus global et - quelque peu iconoclaste - sur les relations de De Gaulle avec les Américains durant la guerre d’Algérie :
Les États-Unis et la guerre d'Algérie, de Irwin M. Hall, 2006.
A bientôt !