Sous l'Empire, comment étaient utilisés les témoignages d'enfants aux assises ?
Question d'origine :
Est-il vrai que dans le code des délits et peines sous le Ier Empire on pouvait lors d'assises permettre à un adulte de produire des témoignages d'enfants sans que ces derniers soient eux-mêmes présents à la barre. Ainsi les parties civiles et de la défense des accusés n'avaient pas la possibilité de questionner ces enfants (qui pouvaient dire ou pas la vérité).
Merci
Réponse du Guichet

Si rien ne contre-indique ce que vous avancez, les ressources consultées dans nos collections et sur internet restent muettes au sujet de ces pratiques. Quelques éléments relatifs aux témoignages des mineurs lors des procès sous le premier Empire ont toutefois retenu notre attention...
Bonjour,
Votre question s'intègre plus largement à l'histoire pénale de la justice des mineurs en France, qui n'en était alors qu'à ses balbutiements sous le Premier Empire (1804 - 1815), comme l'indique cet article chronologique très complet, disponible sur le site institutionnel Vie-Publique :
1810 : Le code pénal de l'empire français de 1810 fixe à 16 ans l’âge de la majorité pénale en matière criminelle et correctionnelle. La responsabilité pénale du mineur est subordonnée à la question du discernement (s'il est établi, condamnation aux peines prévues par la loi, sous réserve d’une excuse légale atténuante). Il n'y a toujours pas de définition claire du discernement.
1814 : Création par les ordonnances du 18 avril et du 29 septembre 1814 d'établissements spécifiques pour mineurs, les prisons d'amendement.
Une histoire sur le temps long, qui a le mérite de placer sur frise un aspect souvent méconnue de notre système pénal, mais qui n'évoque malheureusement rien au sujet des modalités de témoignage des mineurs dans les tribunaux. Pour retrouver trace de certaines ces pratiques, nous avons dû consulter l'article de l'historien du droit Jean-Pierre Allinne, Le témoignage dans l'histoire de la justice française, entre sacralité et méfiance, publié en 2014 dans la revue Histoire de la Justice (2014), et pour lequel deux textes : l'article 79 du Code d'instruction criminelle de 1808 et un arrêt de la Cour de cassation (1812), seraient fondateurs :
L’admission du témoignage des enfants est reconduite en 1791, puis dans le Code d’instruction criminelle de 1808 (article 79). Mais les mineurs de 15 ans sont dispensés de prêter serment lors de l’instruction. En 1812, la Cour de cassation devra préciser que la dispense de serment n’est qu’implicite pour les témoignages de mineurs admis à la barre en audience. On va alors pouvoir les entendre sous forme de « déclaration ». Autant dire que le juge suprême franchit là un grand pas vers le témoignage des enfants, dont la parole influençable pourra pourtant déterminer la conviction des juges et des jurés éventuels
Nous vous transcrivons également ce que mentionnait l'article 79 du Code d'instruction criminelle :
Article 79
Les enfants de l'un et de l'autre sexe, au-dessous de l’âge de quinze ans, pourront être entendus par forme de déclaration et sans prestation de serment.
Les textes sur le sujet font la part belle à des notions juridiques telles que la "faute de discernement", qui induit l’irresponsabilité de l'enfant et son acquittement (sans éviter nécessairement son enfermement par "souci d'éducation"), où au suranné "droit de correction" qui incombait au père de famille, mais nous n'avons rien trouvé qui n'aille concrètement dans le sens d'une "fabrication de témoignages" de mineurs. Si les mineurs étaient parfois exemptés de serment avant témoignage, aucune source consultée n'indique une mise en retrait des enfants et leur exemption de questionnements par la défense et les parties civiles durant le premier Empire.
Voici une liste non exhaustive des documents parcourus, ils pourraient vous apporter des éléments supplémentaires sur l'histoire de la justice des mineurs en France :
Enfants perdus, enfants punis : histoire de la jeunesse délinquante en France, huit siècles de controverses / Dr Yves Roumajon (1991, Laffont)
Mauvaise graine : deux siècles d'histoire de la justice des enfants / Véronique Blanchard, Mathias Gardet ; préface de Madeleine Mathieu ; postface de Jean-Jacques Yvorel (Textuel, 2017)
Napoléon et le droit : Droit et justice sous le Consulat et l'Empire : Actes du colloque de La Roche-sur-Yon 14-16 mars 2017 / Sous la direction de Thierry Lentz (CNRS, 2017)
Le droit de punir : du siècle des Lumières à nos jours / sous la direction de Frédéric Chauvaud (PUR, 2012)
De la valeur du témoignage des enfants en justice / F. Rassier Dr (1892)
Le juge des enfants, chef-d’œuvre en péril ? de François Colcombet (dans Après demain, 2011, Cairn).
Comment entendre un enfant témoin lors d'une audition judiciaire ? de Fanny Verkampt (dans Journal du droit des jeunes, 2013, Cairn)
Les textes de la Revue d'histoire de l'enfance "irrégulière" disponibles sur Open Edition Journals.
Chronologie : la justice pénale des mineurs en France de 1791 à nos jours sur Vie Publique.
Bonne journée,