Comment voyageait-on vers l'Indochine à la fin du XIXè siècle ?
Question d'origine :
Bonjour,
Je cherche à connaitre les moyens de transport utilisés fin du 19 siècle pour se rendre de Lyon en Indochine française.
En particulier, quelle durée prenait un tel voyage ?
Merci pour votre attention.
Réponse du Guichet

Le voyage jusqu'en Indochine au XIXe siècle était un périple très long et plutôt risqué.
Bonjour,
En nous penchant sur les récits de voyage d'explorateurs, philanthropes ou encore religieux, nous pouvons dire que le bateau à vapeur était le moyen de transport fréquemment utilisé pour faire le voyage entre la France et l'Indochine.
Commençons par rappeler le contexte de ces voyages jusqu'en Asie. Jean-Pierre Duteil l'explique dans La première implantation française en Indochine (XVIIe-XIXe siècle) :
"Comme on pouvait s'y attendre, les premiers Européens qui découvrent ces régions viennent sur les vaisseaux portugais qui desservent les différents comptoirs de l'Estado da India, et touchent Macao, au sud de la Chine. Fernao Perez en 1516, Duarte Coelho en 1524, l'aventurier Antonio Faria et Mendes Pinto qui décrit son extraordinaire périple dans la Pérégrination en 1535, avant les missionnaires jésuites d'origine italienne du début du XVIIe siècle : les Pères Busomi et Borri, débarqués à Tourane sur la côte de Cochinchine en 1615 et 1618, puis le Père Giuliano Baldinotti, qui pénètre au Tonkin et écrit une relation en 1629. Tous se heurtent à la barrière de la langue, qui semble presque insurmontable. "
Nous avons ici un premier élément de réponse puisqu'il est bien précisé que ce sont sur des navires que les Portugais débarquent en Asie.
L'auteur ajoute :
"Le premier Français à avoir parcouru l'actuel Vietnam est un Père jésuite, Alexandre de Rhodes (1591-1660). Il ne s'agit d'ailleurs pas vraiment d'un sujet du roi de France, puisque le P. de Rhodes est avignonnais, donc sujet du pape. Arrivé à Macao en 1623 sur un navire portugais, comme peuvent le faire tous les religieux de la Compagnie de Jésus, il se met à l'apprentissage du chinois et du japonais, mais ne peut poursuivre vers le Japon, qui se ferme alors de manière hermétique aux étrangers. Au vu de ses capacités linguistiques, on lui propose la nouvelle mission du Tonkin, fondée depuis peu par Baldinotti. Il débarque sur la côte de la Cochinchine, à Tourane, actuelle Da Nang, en 1624. "
D'après nos lectures, nous pouvons dire que les voyageurs partaient de Lyon pour rejoindre en train le port de Marseille (ou Bordeaux pour la façade Ouest du pays). De là, ils embarquaient sur des navires à vapeur (ils remplacent les navires à voile dès 1850), ayant pour destination l'Asie du Sud-Est. Les bateaux accostaient alors souvent à Saïgon ou Haïphong.
Ce voyage pouvait prendre plusieurs semaines et s'avérait complexe et risqué. En effet, les conditions de voyages (maladies comme le scorbut, le choléra ou la malaria), avaries, météo (tempêtes durant les périodes de mousson), et les pirates pouvaient pimenter l'expédition. La durée de la traversée variait donc principalement suivant les conditions météorologiques et le nombre d'escales prévues. Les bateaux à vapeur contribueront néanmoins à raccourcir le temps de voyage entre la France et l'Indochine. Ces trajets restaient extrêmement coûteux voire dangereux.
Voici comment Gilles Van Grasdorff relate cette traversée dans son ouvrage A la découverte de l'Asie :
" Dix-sept missionnaires se mettent en route. Ils voyageront par voie de terre, mais le feront séparément. Les premiers à partir embarquent à Marseille, intègrent les caravanes de la route de la soie, puis pour éviter les Portugais le long des côtes indiennes, ils voyagent en charrette à bœufs, pour finalement arriver au Siam (Thaïlande) après moult aventures.
François Pallu passera plus de la moitié de sa vie de missionnaire sur les océans, affrontant les tempêtes, le scorbut et les Espagnols qui l'entraînent dans un tour du monde en sept ans."
L'auteur relate de façon détaillée les périples de ces missionnaires. Certes, ils voyagent à la fin du XVIIe siècle, mais malgré tout, leur récit donne un aperçu de ce que devaient endurer les voyageurs durant de longues semaines. N'hésitez donc pas à consulter ce livre.
Il faut ajouter que :
" Dès 1861, le gouvernement impérial concède le service postal de l'Indochine entre Marseille et Saïgon, à une compagnie de navigation privée, les Messageries impériales. Cette compagnie qui assurait déjà en Méditerranée et dans l'Atlantique Sud les dessertes postales, ouvre en 1862, moyennant une subvention annuelle, une desserte mensuelle, qui devient bimensuelle dès 1870.
Le premier objectif est le transport du courrier. En outre, on attend d'elle qu'elle contribue à la création d'un trafic commercial régulier avec la métropole. En 1862, l'arrivée des grands paquebots à vapeur nécessite une organisation portuaire moderne. "
(Source : De l'estran à la digue : histoire des aménagements portuaires et littoraux, XVIe-XXe siècle / sous la direction de Sylviane Llinares, Benjamin Egasse et Katherine Dana )
Le XIXe siècle voit donc s'accélérer le rythme des liaisons maritimes. Que ce soit au niveau postal, ou au niveau des transports de voyageurs. Ajoutons à cela que l'ouverture du canal de Suez en 1869 fait gagner également du temps lors de la traversée.
Si vous souhaitez avoir le témoignage d'un lyonnais, nous vous conseillons la lecture de l'ouvrage de Jean-François Klein, Un Lyonnais en Extrême-Orient, Ulysse Pila : vice-roi de l'Indochine : 1837-1909.
Pour aller plus loin n'hésitez pas à consulter les différents récits de voyage en Indochine présents dans nos collections :
Voyage dans les royaumes de Siam, de Cambodge, de Laos et autres parties centrales de l'Indo-Chine / Mouhot, Henri
Les Français en Indochine, des années 1830 à la fin de la deuxième guerre mondiale / Jean-Pierre Duteil
Indochine, histoire d'une colonie française. Podcast de France Culture
Le voyage d'exploration du Mékong (1866-1868), Doudart de Lagrée et Francis Garnier. In Outre-Mers. Revue d'histoire Année 1970 n° 206
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