Combien coutait un voyage en Extrême-Orient par bateau dans les années 1930 ?
Question d'origine :
Bonjour.
Combien coûte un voyage en Extrême-Orient par bateau, dans les années 30 ?
Réponse du Guichet

L’établissement public de coopération culturelle, Frenchlines, a réalisé une opération de numérisation des revues des compagnies maritimes conservées dans sa bibliothèque.
En consultant l'année 1935 du Courrier des Messageries maritimes, on découvre un itinéraire de croisière aller-retour, au départ de Marseille en direction de la Chine et du Japon, avec un tarif 1ère classe de 23 400 anciens francs et un tarif 2ème classe de 19 400 anciens francs, excursions comprises.
En direction de l'Indochine française, pour un aller-retour, le tarif 1ère classe est de 8100 anciens francs, le tarif 2ème classe de 6200 anciens francs et le tarif 3ème classe de 3900 anciens francs, excursions comprises toujours.
Bonjour,
Vous vous demandez combien coûtait un voyage en Extrême-Orient par bateau dans les années 1930.
La notion d’Extrême-Orient, au sens où nous l’entendons aujourd’hui (ensemble des pays de l’Asie orientale), est forgée dans la seconde moitié du XIXe siècle : d’après Le Trésor de la langue française, elle est attestée en 1877 dans le Journal des Goncourt. Ce terme euro-centré émerge à la fin du XIXe siècle pour désigner les régions situées du côté oriental de l'Eurasie, par opposition au Proche-Orient et au Moyen-Orient. Cette terminologie témoigne de la mainmise de l’Europe (surtout la Grande-Bretagne et la France) sur l’ensemble de l’Asie, puisque c'est en fonction de l'Europe qu'on distingue ces notions de "proche", de "moyen" et d'"extrême".
Vous pouvez consulter à ce propos l'ouvrage de Philippe Pelletier : L'Extrême-Orient, l'invention d'une histoire et d'une géographie.
Le voyage en mer dans les années 1930 est le résultat d'une démocratisation du tourisme maritime réservé autrefois aux marins, explorateurs et aventuriers, comme l'explique François Drémeaux dans la revue en ligne The Conversation : Voilier, paquebot, une histoire de la croisière de tourisme.
Dès le XIXe siècle, les bateaux à vapeur ont commencé à transporter des passagers à travers le monde, offrant un moyen de transport plus rapide et confortable que les voiliers traditionnels. L’apparition des grands paquebots et des navires de croisière au début du XXe siècle a marqué un tournant dans l’histoire du tourisme maritime. Les compagnies de navigation ont investi dans des navires toujours plus luxueux, offrant à leurs passagers un cadre élégant et raffiné, propice à la détente et au bien-être. La colonisation rend l'Asie et l'Extrême-Orient particulièrement attractive pour les compagnies maritimes.
L'article de Marie-Françoise Berneron-Couvenhes La croisière, du luxe au demi-luxe. Le cas des messageries maritimes (1850-1960) retrace, à partir des archives de la Compagnie française des messageries maritimes, la naissance de la croisière comme voyage d’agrément de luxe et ses évolutions ultérieures.
En effet, la Compagnie des messageries maritimes se montre très présente sur les lignes asiatiques dans les années 1930 avec la série des nautonaphtes (navires à moteur) dont le plus célèbre est le Félix Roussel. En 1921, la Société est scindée en deux grandes entités administratives : les "services contractuels des messageries maritimes" devant assurer les lignes postales et la "compagnie des messageries maritimes", compagnie de navigation de droit commun, assurant des lignes uniquement commerciales.
L’établissement public de coopération culturelle Frenchlines situé au Havre a réalisé une opération de numérisation des revues des compagnies maritimes conservées dans sa bibliothèque : le résultat de cette campagne (29 828 vues) est aujourd’hui accessible en ligne sur le site internet des Archives nationales du monde du travail (ANMT).
La Compagnie des messageries maritimes est créée au milieu du XIXe siècle par la réunion d’armateurs marseillais et d’une compagnie de transport par diligence, dans l’optique de travailler pour le gouvernement français, notamment au service postal maritime. En 1851, les premières lignes méditerranéennes sont inaugurées depuis Marseille, principal port d’attache. Au départ limitées au bassin méditerranéen, ses lignes rapidement s’étendent vers l’Amérique du Sud, l’Asie du Sud Est et l’Extrême-Orient. Très présente au côté de l’État dans sa politique d’expansion coloniale, elle adapte ses escales et ses lignes aux besoins du gouvernement français. Ainsi, en 1881, l’emprise géographique de la Compagnie des messageries maritimes est à son étendue maximale, couvrant l’Océan Indien et le Pacifique et lui permettant de développer ses lignes commerciales.
Source : Archives nationales du monde du travail
Parmi les revues numérisées, vous pouvez consulter la Gazette des Messageries maritimes (1920-1974) ou encore le Courrier des Messageries maritimes (1951-1974) qui a pour objectif de faire le lien entre les agents, ses clients et les sièges de son exploitation par la présentation de ses différentes activités : sujets d’actualités, témoignages, situation de la flotte, etc.
En consultant l'année 1935 du Courrier des Messageries maritimes, on découvre un itinéraire de croisière aller-retour au départ de Marseille en direction de la Chine et du Japon pour une durée de 90 jours, avec un tarif 1ère classe de 23 400 anciens francs et un tarif 2ème classe de 19 400 anciens francs, excursions comprises pour les escales suivantes : Marseille, Port-Said, Djibouti, Angkor, Hong Kong, Shangai, Kobé, Osaka, Nara, Kyoto, Myanoshita, Enoshima, Kamakuka, Tokio, Nikko, Yokohama et retour à Marseille.
Voici la conversion en euros :
Compte tenu de l'érosion monétaire due à l'inflation, le pouvoir d'achat de 23 400,00 Anciens francs en 1935 est donc le même que celui de 21 371,74 Euros en 2024.
Compte tenu de l'érosion monétaire due à l'inflation, le pouvoir d'achat de 19 400,00 Anciens francs en 1935 est donc le même que celui de 17 718,45 Euros en 2024.
Source : Site de l'Insee (Institut national de la statistique et des études économiques)
On y trouve aussi une croisière aller-retour en direction de l'Indochine française (Marseille, Port-Said, Djibouti, Colombo, Madras, Pondichéry, Singapore, Saigon, Tourone, Haiphong, Baie d'Along, Hanoi et retour à Marseille) d'une durée de 80 jours, pour un tarif 1ère classe de 8100 anciens francs, un tarif 2ème classe de 6200 anciens francs et un tarif 3ème classe de 3900 anciens francs, excursions comprises.
Sur Retronews site de presse de la BnF, vous pouvez consulter en ligne des revues de la décennie des années 30 intégrant des encarts publicitaires de la Compagnie des messageries maritimes telles que Le Bulletin du Comité de l'Asie française, La revue Extrême-Asie, Le Sémaphore de Marseille.
Dans Le Sémaphore de Marseille du 1er juillet 1937, on peut lire un programme de croisière en Chine et au Japon d'une durée de 90 jours pour un tarif 1ère classe de 28 500 anciens francs et un tarif 2ème classe de 25 500 anciens francs.
Dans Le Bulletin du comité de l'Asie française du 1er décembre 1938, on trouve le texte suivant sous un encart publicitaire :
Pour tous renseignements et prix concernant ces croisières, s’adresser au service des Passagers des Messageries maritimes, 12 bd de la Madeleine à Paris ainsi qu'à toutes nos agences de voyage.
Dans La revue Extrême-Asie du 1er avril 1932, on apprend que Le paquebot Le Georges Philippar a effectué son premier voyage en Extrême-Orient.
Aller plus loin sur Internet
Voir des photos de la ligne d'Extrême-Orient sur l'Encyclopédie des Messageries maritimes.
Connaître l'histoire des paquebots d'hier à aujourd'hui avec la série en podcast "L'odyssée de la croisière" sur France culture.
Consulter sur Cairn, l'article d'Antoine Resche Des voyages élitistes aux croisières de masse, la croisière à l’épreuve des années 1930.
Dans le catalogue de la BML
Les Messageries maritimes à Hong Kong [Livre] : 1918-1941 / François Dremeaux
Sur les routes de la mer avec les Messageries Maritimes [Livre]
Les Paquebots du Levant [Livre] : guide des voyageurs des paquebots-poste de la Méditerranée / services maritimes des Messageries nationales
Mémoire de la French Lines [Texte imprimé] : Quand les transatlantiques partaient du Havre.. / François Hauguel et Patrick Peslier
Mémoire de la French Lines. Volume 2 : Le "France" et autres transatlantiques de légende [Texte imprimé] / François Hauguel et Patrick Peslier
Mémoire de la French lines. Volume 3 : Étranges destins de paquebots [Texte imprimé] / François Hauguel, Patrick Peslier
Enfin, n'hésitez pas à lire les récits de voyage et les biographies d'Alexandra David-Neel, exploratrice érudite de l'Asie au début du XXème siècle.
L’Ernest Simons sur lequel Alexandra embarque en 1895 pour l’Indochine est le dernier né des paquebots des Messageries maritimes. Plus petit que ses prédécesseurs, il peut remonter les rivières et chenaux boueux jusqu’aux débarcadères des grandes villes du Tonkin.
Depuis l’inauguration du canal de Suez, vingt-cinq ans plus tôt, les compagnies maritimes internationales se sont développées et Marseille est devenue une escale importante. Une ligne relie Marseille à Alexandrie, puis Aden et Colombo, au milieu de l’Océan Indien, avant de poursuivre dans les mers de Chine jusqu’en Extrême Orient.
Source : Alexandra David-Néel [Livre] : cent ans d'aventure / Jeanne Mascolo de Filippis
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