Je cherche des renseignements sur un îlot de bâtiments situé au n°3 de la rue A. Comte ?
Question d'origine :
Bonjour,
sur le plan Rudemare il apparaît qu'un bâtiment légendé n°4 comme préfecture est installé au début de la rue Auguste Comte (alors rue Saint Joseph). Je cherche justement des renseignements sur ce premier îlot (au numéro 3 rue Auguste Comte, section plus basse de la rue en R+2 seulement). Dans le livre Plans de Lyon p.62 il est dit qu'il s'agit d'une préfecture provisoire mais ils l'adressent rue de la Charité alors que le bâtiment poché est côté rue Saint Joseph (actuelle rue Auguste Comte).
Dans les cadastres précédents, l'emplacement de l'actuel 3 rue de la Charité ne semble pas construit, un jardin (plan de De Ville 1746), ou un enclos dans le lotissement en damier du 16e dans le plan de Simon Maupin.
avez vous des renseignements sur ce corps de bâti plus bas du 3 rue Auguste Comte? Bernard Gauthiez le date de la 1ere moitié 19e. Mais pourquoi il est en R+2 seulement?
merci beaucoup pour votre éclairage,
nous avons bien noté le Dictionnaire de Maynard que nous allons consulter.
Réponse du Guichet
D'après nos recherches, la préfecture provisoire était installée dans un îlot adjacent à celui indiqué par le plan, rue Boissac. Il est probable que Rudemare se trompe, en indiquant sur son plan l'hôtel où furent logé les intendants de la Généralité jusqu'en 1789, et non pas la préfecture.
Les premiers préfets de département, représentant de l'autorité étatique en région, sont nommés en 1800. A Lyon, le premier préfet arrive en mars 1800 et, la constitution de l'an III ayant supprimé la municipalité centrale, établit l'hôtel de préfecture dans les bâtiments de l'hôtel de ville, aux Terreaux. Mais lorsqu'en mars 1805, la municipalité est rétablie par Napoléon, la cohabitation avec les élus locaux, méfiants, s'avère difficile.
L'idée émarge donc de trouver un autre lieu pour y établir le préfet, mais aussi le Conseil général. Faute de moyens, on renonce à bâtir un hôtel de la préfecture place Bellecour ou à l'emplacement de l'arsenal au bord de Saône. On se contente donc de louer la résidence des Dames de la Providence rue Sala, puis l'hôtel Varissan, rue Boissac.
source: La préfecture du Rhône, Mémoires de la Révolution à nos jours
C'est donc rue Boissac que l'hôtel de préfecture fut établit, et non pas dans la rue Saint-Joseph, toute proche. Cet hôtel sera par la suite affecté au général commandant militaire de la région. Cela nous est confirmé par d'autres ouvrages, comme l'attestent les extraits suivants :
En entrant dans la rue Boissac on trouve à droite l'hôtel des Claret de la Tourette qui fut vendu au commencement de ce siècle par M. Claret de Fleurieu à Me. de la Barmondière laquelle le consacra à l'institution des dames du Sacré Cœur. Il avait été décoré de peintures par Sarrabat. Puis vient l'hôtel des Charrier de la Roche passé ensuite par une alliance à la famille des Monspey. Celle-ci l'a vendu à M. Côte qui récemment l'a fait restaurer avec un goût parfait. Au bout de la rue à gauche est l'hôtel de M de La Frasse de Seynas président des trésoriers de France à Lyon mort en 1737. Il passa ensuite aux Croppet de Varissan. Vers le commencement de ce siècle il fut acheté par la ville pour le logement du Préfet du Rhône puis affecté au général commandant la division militaire ; en vue de cette destination on voulut le mettre à la mode et pour cela on acheva la destruction de ce qui restait de son ancienne splendeur des statues, des boiseries, des peintures de Blanchet qui l'avaient rendu célèbre. Plus tard la rue de Bourbon a coupé son jardin et amené la ruine complète de son voisin le charmant hôtel des Sabot de Pisay bâti par Soufflot sur l'emplacement occupé par de gigantesques maisons entre la rue de Bourbon et la place St François. Cet hôtel avait été construit pour la famille des Bona de Perex.
Hôtel de la division militaire, rue Boissac et rue Sala, bâti par M. de la Frasse de Seynas, trésorier de France, passa ensuite aux Croppet de Varissan, puis au commencement du siècle, fut occupé par la Préfecture. Le premier général qui y fut installé, fut M. Paultre de Lamotte à la fin de la Restauration.
Or la première Préfecture construite à Lyon date de 1818 [à l'emplacement de l'ancien couvent des Jacobins]. Lorsque la nouvelle administration départementale fut organisée en 1800 en même temps qu'un Préfet était nommé, trois commissaires étaient désignés comme maires pour surveiller l'administration municipale. Le Préfet vint s'établir à l'Hôtel de Ville qui fut déclaré Hôtel de Préfecture. Aussi lorsque Napoléon premier consul vint à Lyon pour présider la Consulta en 1802, il eut pour résidence l'Hôtel de Ville.
En 1805 la situation est changée. Dans l'organisation administrative nouvelle il n y a qu'un maire. Le Préfet lui rend l'Hôtel de Ville redevenu maison commune, et va loger rue Boissac dans la maison Croppet de Varissan louée pour servir de Préfecture. Cette maison a été achetée par la Ville en 1822 pour servir de logement au général commandant militaire de la région. Cette Préfecture provisoire ne pouvait offrir à Napoléon l'empereur une résidence convenable aussi va-t-il loger à l'Archevêché que le cardinal Fesch, alors archevêque, a fait restaurer. A l'avènement du second Empire, l'organisation primitive comprenant un préfet et plusieurs maires est rétablie. Le sénateur Vaïsse arrive en 1853 pour faire les fonctions de préfet. Il prend possession de l'Hôtel de Ville qui cesse une seconde fois d'être maison commune et redevient Préfecture. Mais dans l'intervalle un décret du 31 octobre 1810 a ordonné la construction d'une Préfecture sur l'emplacement du monastère des Jacobins entre la rue Bellecordière et la rue Saint Dominique.
L'îlot indiqué comme hébergeant la préfecture provisoire sur le plan Rudemare n'apparait pas au cours de nos recherches sur l'emplacement de la Préfecture à Lyon, et nous serions presque tenté d'y voir une confusion de l'auteur du plan, comme on le verra plus loin. Les plans parcellaires de 1865, puis 1890 en revanche indique bien à l'angle de la rue Sala et Boissac la demeure du général commandant militaire de la région (dont on sait qu'elle remplaça la préfecture provisoire).
Sur le cadastre napoléonien (1831), rien n'indique le long de la rue Saint-Joseph l'existence potentielle d'un bâtiment similaire à celui poché sur le plan de 1805 (d'ailleurs les plans de 1816 et 1822 dans l'ouvrage qui vous sert de référence donne à l'îlot une forme complètement différente de celle de Rudemare) :
Il est possible qu'il y ait eu plusieurs préfectures provisoires dans le quartier. Le premier ouvrage cité dans notre réponse parle d'une adresse rue Sala, chez les Dames de la Providence. On trouve en effet des traces indiquant la présence de la préfecture à cet emplacement :
Le conseiller d'état préfet du Rhône donne avis que jeudi prochain 12 septembre il sera procédé à onze heures du matin dans l'une des salles de l'hôtel de la préfecture rue Sala en présence de M. l'inspecteur aux revues de M. le commissaire des guerres et de MM. les officiers de la gendarmerie à l'adjudication définitive de la fourniture des fourrages à faire, à compter du 1er octobre prochain jusqu'au 1er octobre 1817 aux brigades de gendarmerie à cheval stationnées dans le département.
source : Journal de Lyon (1810) et du département du Rhône · Volume 7
LE CONSEILLER D ÉTAT PRÉFET du département du Rhône donne avis que le 3 janvier 1816 il sera dans l'une des salles de l'hôtel de la Préfecture à Lyon rue Sala procédé par devant M le Préfet à la vente sur enchères publiques du bac qui desservait le passage de la Saône au port de Serin ou de l'Observance ainsi que de tous ses agrès le tout tel qu'il se contient et comporte actuellement.
Les enchères seront reçues au par dessus la somme 704 fr. Le prix de la vente sera versé de suite dans la caisse des contributions indirectes. Tous les frais généralement quelconques auxquels cette vente donnera lieu seront supportés par l'adjudicataire et payés comptant par celui ci outre le prix de son acquisition. Fait en l'hôtel de la Préfecture Lyon le 28 décembre 1815.
source: Préfecture du département du Rhône. Année 1815. Mémorial (1815)
Lyon le 4 Octobre 1824
Le Préfet du Rhône A MM. les Maires du département
Monsieur le Maire,
j'ai l'honneur de vous informer que M. le Lieutenant général commandant la 19° division militaire est chargé de faire contre-visiter le sieur Cartier Colombeau ancien militaire à l'ex septième régiment de cuirassiers présumé retiré à Lyon, ou dans une autre commune du département du Rhône. Comme les recherches qui ont été faites à Lyon pour découvrir le sieur Cartier ont été infructueuses, je vous prie de vouloir bien faire rechercher ce militaire dans votre commune, et en cas de découverte l'inviter à se présenter immédiatement pour affaires de service devant M. le Maréchal de camp commandant la 1° subdivision, à Lyon, rue Sala n° 14. [Note: les Dames de la Providence sont en effet domiciliées au 12-14 rue Sala]
Agréez Monsieur le Maire l'assurance de ma considération,
Le Préfet du Rhône COMTE DE BROSSES
source: Recueil des actes administratifs - Rhône, Préfecture - 1824
Il semble difficile d'affirmer comme le fait l'auteur de notre premier extrait que l'installation de la préfecture rue Sala soit antérieure à celle de la rue Boissac, étant donné qu'on l'y trouve tardivement (1816). D'autre part, les archives départementales ont elles aussi été hébergées chez les Dames de la Providence, ceci dès 1807 et jusqu'en 1819, donc simultanément à la présence de la préfecture à l'hôtel Varissan d'après nos sources, ce qui peut expliquer certaines confusion. On peut imaginer également qu'étant donné la proximité des deux adresses, la préfecture n'hésitait pas à "déborder" ses activités chez les Soeurs de la rue Sala.
Les archives départementales du Rhône ont occupés successivement plusieurs locaux au cours du XIXe siècle. Lorsque la loi du 5 brumaire an V fut promulguée, les archives étaient conservées à l'hôtel de ville de Lyon et ceci jusqu'en 1807. Elles furent alors déménagées rue Sala, chez les Dames de la Providence. Un nouveau déplacement est opéré en 1819 : les archives sont déposées à l'hôtel de la préfecture, situé dans l'ancien couvent des Jacobins.
source: Sous-série 2 T, imprimerie, librairie, presse et Sous-série 3 T, archives dans le Rhône, an VIII-1940, p. 71
Qu'importe, nous n'avons en tout cas pas trouvé d'information confirmant l'existence d'une préfecture rue Saint-Joseph (ou rue de la Charité - la mention du livre Plan de Lyon semble le fruit d'un interprétation malheureuse). On peut finalement établir, d'après nos sources, une chronologie des premiers temps de la préfecture à Lyon :
1800 : le premier préfet du Rhône s'installe à l'hôtel de Ville.
1805 : la Préfecture est déménagée rue Boissac dans l'hôtel Varissan, loué par la ville.
1807 : les archives départementales la rejoigne dans l'établissement des Dames de la Providence située rue Sala à proximité. On peut imaginer que la Préfecture en profite pour installer là certains de ses bureaux.
1810 : la ville envisage la construction d'une préfecture à Lyon.
1818 : la Préfecture s'installe dans le nouveau bâtiment construit à cet effet sur l'emplacement du monastère des Jacobins, entre la rue Bellecordière et la rue Saint Dominique.
1819 : les Archives sont déménagées dans la nouvelle préfecture.
1822 : la ville rachète l'hôtel Varissan pour y installer le général commandant militaire de la région. Il semble que les locaux disponibles chez les Dames de la Providence soient également adjoint au gouvernement militaire (cf. la précédente citation du Recueil des actes administratifs de 1824).
Pour en revenir au bâtiment poché sur le plan Rudemare, il fut, d'après le Maynard, occupé par les intendants de la Généralité (représentants du roi en province) de 1704 à 1789, ce qui peut expliquer la confusion de l'auteur du plan. Le rôle du préfet, qui fit son apparition avec la République, était en effet sensiblement celui des intendants. Sous Napoléon Ier, l'immeuble était devenu un hôtel pour voyageur sous le nom d'Hôtel de l'Intendance.
Le bâtiment se composait de la sorte : l'entrée principale se situait sur la place Bellecour, flanquée de deux pavillons : le corps de garde et la conciergerie. Une allée de marronniers occupait l'emplacement des n° 1 à 5 actuels (si on exclu le n°1, un des pavillons, les bâtiments bas de la rue actuelle prennent la place de cette allée) et conduisait au corps de bâtiment (n° 7 et 9). Une grande cour contenait un jardin où, en 1778, fut bâtie une chapelle. On le voit on retrouve assez précisément la géométrie de l'îlot du plan de Rudemare.
En espérant avoir répondu à votre question, nous vous souhaitons une bonne journée.
Annexes : Notes topographiques du Maynard (T.1, p.97) concernant le bâtiment qui vous intéresse.
N°1 à 9.— Le terrain sur lequel sont édifiés les immeubles portant ces numéros, faisait partie du tènement du Plat. Il fut cédé en 1561 (21 juin), par Claudine Laurencin, à Barthélemy Vata. Après avoir passé, au cours des siècles, entre les mains de divers propriétaires, il fut cédé par Benoîte Bourdit, devenue par un second mariage comtesse de Sebville, en 1707, à Jacques Annibal Claret de la Tourette, conseiller du roi, président de la Cour des Monnaies, lieutenant-général criminel de la Ville. Le Consulat était tenu de loger l’Intendant de la Généralité; le 8 juin 1734, il décida d’acheter « la grande maison du dit sieur de la Tourette, située en cette ville, quartier de la place Louis-le-Grand, avec ses deux entrées, la première vis-à-vis les tillots de la place où il y a un bâtiment, et l’autre dans la rue Saint-Joseph, dans laquelle ladite grande maison est construite avec tous ses appartements, et sur le côté, à main gauche en y rentrant, une terrasse donnant sur le parterre et les jardins, comme aussi tous les autres appartenances et dépendances, sans aucune exception ni réserve..., etc... »
L'accord fut signé en 1737 (Archives B. B. 302) pour le prix de 70.500 livres transformé en une pension foncière annuelle de 3.500 livres imprescriptible, irrachetable, exempte de toutes impositions.
Ce vaste immeuble de plus de 4.000 mètres carrés était limité par la place Bellecour, la rue Saint-Joseph, la rue de la Sphère (depuis rue François Dauphin).
L'entrée principale s’ouvrait sur la place Bellecour, par une grille flanquée de deux pavillons : l’un servait de corps de garde, l’autre de logement pour le concierge. Une belle allée de marronniers occupait l’emplacement des n° 1 à 5 actuels, et conduisait à l’hôtel (emplacement des n° 7 et 9 actuels).
Une vaste cour, du côté de la rue François-Dauphin, cour dite encore de l’Intendance, contenait un jardin avec parterre, fontaines et statues. En 1778, une chapelle fut édifiée dans le jardin.
Le 4 septembre 1792, l’immeuble fut adjugé à Jean-Pierre Delglat, habitant rue du Plat, au prix de 201.000 livres.
C’est dans cet immeuble que siégeait la deuxième division de la section révolutionnaire Louis-le-Grand, qui prit successivement les noms de Marseille et du Rhône.
Sous Napoléon Ier, l'immeuble devint un hôtel pour voyageurs, connu sous le nom de Hôtel de l’Intendance.
Le corps principal, qui porte le n° 7, est tombé dans le patrimoine d’une très ancienne famille lyonnaise, celle des Vuillermoz. Un Vuillermoz a joué un rôle assez important dans les fastes de notre ville, au XVIIIe siècle ; il présida aux destinées de la loge maçonnique lyonnaise de cette époque ; c’est avec son appui que le fameux Cagliostro tenta d'établir à Lyon le rite maçonnique de Misraïm. Vuillermoz ne fut pas longtemps la dupe de ce charlatan ; mais il conserva quelqu’amertume du rôle qu’on lui fit Jouer.
Les intendants de la Généralité qui habitèrent en cet hôtel furent:
- Charles Trudaine, seigneur de Martigny (1704).
- Antoine-François Melland (1710).
- Pierre Poulletier de Naïinville (1718).
- Bertrand-René Pallud (1739).
- Bonaventure-Robert Rossignol (1751).
- H..J. Léonard Bertin (1754). Nous devons à celui-ci une mention spéciale : Après la mort du peintre Thomas Blanchet, on parvint à organiser à Lyon une sorte d’Académie de dessin qui végéta jusqu’en 1756. À cette date, l’intendant Bertin la prit sous sa protection, et la tira de l’obscurité.
- J.-B.-François de la Michodière (1757).
- Jean Baïllon (1762).
- Jacques de Flesselles (1768).
- Antoine-Jean Terray (de 1784 à 1789).