Pourquoi privilégier l'aluminium pour la fabrication de mobilier pour l'extérieur ?
Question d'origine :
Bonjour, je m’intéresse à l’utilisation de l’aluminium dans le mobilier d’extérieur, notamment pour sa durabilité et son style. J’ai trouvé un exemple spécifique, un banc de jardin en aluminium. Pouvez-vous m’expliquer comment les choix de matériaux comme l’aluminium ont évolué dans la fabrication du mobilier pour l’extérieur et quelles sont les implications de ces choix sur la durabilité et l’entretien ?
Merci pour votre réponse
Réponse du Guichet
Nous avons trouvé peu d'information sur l'histoire du choix des matériaux pour le mobilier d'extérieur au sein de nos collections mais vous proposons néanmoins quelques éléments d'information sur l'aluminium, matériau utilisé par les designers dès les années 1920.
Bonjour,
Concernant le choix des matériaux pour le mobilier de jardin, voici tout d'abord ce qu'explique George Plumptre dans son ouvrage intitulé L'Ornement de jardin : histoire et pratique :
Les victoriens prisaient autant l’innovation que le confort, ce que révèlent les innombrables meubles de jardin qui firent leur apparition au cours du XIXe siècle. Les sièges de bois connurent une grande vogue au moment où le mouvement Arts and Crafts lança la mode du rustique : kiosques couverts de toits de chaume, meubles frustres et variations sur le thème du « rondin » utilisé en tabouret. Plus élaborés néanmoins étaient les sièges munis de poignées et d’une roue – sortes de brouettes -, que l’on pouvait facilement transporter d’un endroit à l’autre. Ces derniers reflètent une nouvelle approche dans l’art des jardins et de leur mobilier. Alors que jusqu’au XVIIIe siècle les bancs étaient conçus comme les éléments fixes et durables d’un ensemble soigneusement organisé, on acceptait désormais qu’ils soient mobiles.
Mais les meubles en fer forgé étaient moins faciles à déplacer. On en trouve de très richement décorés : dossiers en feuilles de vignes, bras se terminant en tête d’oiseaux ou d’animaux – d’inspiration très Renaissance – et pieds ornés de feuillages.
L’idée que le jardin est un lieu de détente, autant qu’un lieu de délectation visuelle, s’est perpétuée jusqu’à nos jours, si bien qu’on finit souvent par le considérer comme une sorte d’extension de la maison, comme une « pièce de plein air ». Dans ce contexte, le mobilier a pris une importance accrue. De nouveaux styles apparaissent sans cesse, tandis que l’on reproduit frénétiquement les anciens. Mais cette prééminence du confort, alors que tout jardin demande une attention et des soins constants, présente une dangereuse tentation, celle d’oublier l’avertissement de Kipling : « on ne fait pas un jardin en chantant « Ah, comme c’est beau ! » et en s’asseyant à l’ombre. »
L'histoire de l'aluminium ne débute qu'au milieu du XIXe siècle. Son procédé d'obtention étant complexe et coûteux, il est considéré alors comme un matériau de luxe. Le mobilier en aluminium apparaît dans les années 1920 chez l'Américain Alcoa (abréviation de « Aluminum Company of America »). Il ne semble s'être imposé en France qu'à partir des années 1930 grâce aux actions de la société de L'Aluminium français :
L’Exposition de 1937 est donc l’occasion de mettre en scène la rencontre entre créateurs - architectes, décorateurs, artisans d’art - et un matériau qui jouit à l’époque d’une aura de nouveauté. Or la curiosité souvent proclamée des créateurs pour les matériaux nouveaux tout comme la disponibilité apparente de l’aluminium, ne suffisent pas à rendre compte de cette rencontre. Celle-ci repose en fait sur une série de médiations et d’adaptations mutuelles : le métal doit se présenter sous une forme attractive et adaptée aux besoins spécifiques des créateurs, il doit être disponible en des lieux qui leurs sont aisément accessibles ; à l’inverse, les créateurs doivent se familiariser avec ses possibilités et ses déclinaisons, découvrir un vocabulaire formel en accord avec ses caractéristiques techniques. Que se soit dans le cadre particulier de l’Exposition Internationale de 1937, ou plus largement sur toute la décennie 1930, l’ensemble de ces médiations repose largement sur la stratégie mise en œuvre par L’Aluminium français. Créée en 1911, cette société qui compte parmi ses actionnaires l’ensemble des producteurs français d’aluminium, au premier rang desquels la compagnie de produits chimiques et électrométallurgique Alais, Froges et Camargue (AFC, future Pechiney), joue tout à la fois le rôle de comptoir de vente, de veille technique, de prospection des nouveaux marchés et de propagande pour les usages de l’aluminium [3]. Les efforts déployés par les industriels de l’aluminium pour ouvrir à leur matériau les marchés de la décoration dessinent un modèle distinct de celui mis en œuvre par leur homologue américain Alcoa [4]. Tandis qu’Alcoa intègre dès la fin des années 1920 la fabrication de mobilier dans son usine Alcraft de Buffalo, L’Aluminium français joue de la nébuleuse de ses filiales et actionnaires pour mobiliser les compétences techniques, créer les intermédiaires spécifiques, mettre en œuvre les dispositifs incitatifs susceptibles d’amener les acteurs du marché du mobilier et de la décoration à adopter le métal léger.
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Il semble que L’Aluminium français ait bien pris la mesure du désir d’expérimentation ainsi manifesté dans le domaine des arts décoratifs et soit rapidement passé, dans les dernières années de la décennie 1920, du rôle d’observateur bienveillant à celui de facilitateur, de fournisseur et d’accompagnateur des créateurs, notamment dans le domaine du mobilier. Les initiatives prises en la matière passent dans un premier temps par l’intermédiaire de la Société du Duralumin, filiale de L’Aluminium français spécialisée dans la fabrication de tubes et profilés et dans la production d’alliages d’aluminium [23]. Au sein de l’usine du Bourget est constitué un atelier qui assiste les architectes et les décorateurs dans la réalisation de leurs projets, remédiant ainsi à la rareté des artisans qualifiés dans le travail des alliages légers. Un autre objectif est de diversifier les produits disponibles pour les professionnels de l’architecture et de la décoration, en mettant au point un catalogue de deux cents profilés types qui correspondent à leurs besoins [24]. Les décorateurs Louis Sognot et Charlotte Alix semblent avoir tiré profit des initiatives de L’Aluminium Français, puisqu’ils présentent au Salon d’Automne de 1930 un « essai pour une pièce de repos dans l’habitation coloniale » dont les onze pièces de mobilier entièrement en Duralumin ont été fabriquées par la Société du même nom [25]. Sognot et Alix, qui travaillent alors en collaboration, paraissent en effet les clients tout désignés pour servir les ambitions nourries par L’Aluminium français. Curieux, à l’image de nombre de leurs confrères, d’explorer les usages de l’aluminium dans le mobilier, ils s’en distinguent par la finesse de leurs réalisations et par leur capacité à profiter des formes diverses sous lesquelles s’offrent les alliages légers. En 1929, ils utilisent des tubes de Duralumin de sections variées pour la réalisation du mobilier d’un « salon de thé sur une terrasse » édité par Primavera, l’atelier des grands magasins du Printemps. L’année suivante, ils présentent pour la première exposition de l’UAM une « salle de Conseil transformable en salle de travail » réalisé pour les usines pharmaceutiques UCLAF à la demande de leur directeur Gaston Roussel.
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Les efforts entrepris tout au long des années 1930 pour promouvoir l’utilisation de l’aluminium dans les arts décoratifs, que se soit sur le plan technique ou commercial, dessinent un profil particulier de l’aluminium parmi les matériaux disponibles pour l’ameublement et la décoration. Davantage que l’acier, nettement identifié aux formes épurées et sévères issues du courant moderne, l’aluminium, dont l’usage est plus tardif et moins répandu, est propice à une utilisation raffinée, précieuse, décorative, autorisant ainsi l’accord entre mobilier métallique et une tradition de luxe très présente dans les arts décoratifs français. Cette ambivalence se reflète dans l’éclectisme du réseau de créateurs constitué autour de L’Aluminium français et Studal dans les années 1930 : y sont présents aussi bien des membres de l’UAM, tels Louis Sognot, Charlotte Alix, Blanche Klotz, ou encore les frères Jan et Joël Martel et Jean Carlu, que des représentants de tendances plus traditionnelles des arts décoratifs, tels les décorateurs Paul Follot, René Prou, Jacques Mottheau et Voldemar Boberman...
Source : L'aluminium, matériau des arts décoratifs à l'Exposition Internationale de Paris en 1937 / LEYMONERIE Claire. Cahiers d'histoire de l'aluminium, 2011/1 n° 46-47, p.8a-49a.
Ces deux ouvrages sur l'aluminium ne semblent pas aborder le cas du mobilier d'extérieur :
- L'aluminium, matière à création : XIXe-XXIe siècles/ sous la direction de Patrick Fridenson, Florence Hachez-Leroy
- Aluminium: du métal de luxe au métal de masse (XIXe-XXIe siècle)/ sous la direction de Dominique Barjot & Marco Bertilorenzi
Peut-être connaissez-vous déjà le site de l'Institut pour l'histoire de l'aluminium qui propose un portail numérique : CulturAlu, le portail numérique du patrimoine de l'aluminium ? Vous y trouverez des documents iconographiques mais aussi de la documentation.
Voici quelques références de documents trouvées sur ce portail mais que nous ne conservons malheureusement pas :
- L'acier inoxydable dans la décoration, l'agencement, le mobilier, l'équipement, le luminaire et la sculpture / JANKOWSKI, Michel
- Louis Sognot, décorateur du XXème siècle : de l’œuvre en général, du mobilier métallique en particulier / Boisson Christine (mémoire de maîrtise)
- Le mobilier de jardin / René Heutte - Revue de l'aluminium, N° 225 - octobre 1955
- Aluminium et mobilier / Pechiney Ugine Kuhlmann - Jalons , N° 10, p. 12 - mars 1976
- Le mobilier aluminium dans le décor contemporain / Revue de l'aluminium, N° 444 - octobre 1975
A noter : l'IHA édite une revue qui pourrait vous intéresser : Cahiers d'histoire de l'aluminium.
Pour en savoir plus, nous vous renvoyons également vers le site portail de l'exposition de la Cité des Sciences L'âge de l'aluminium.
Résistant à la corrosion, l’aluminium est idéal pour le mobilier extérieur. Pour approfondir le sujet, n'hésitez pas à vous rapprocher des organisateurs du concours Aluminnov’ dont le site liste ses multiples propriétés :
L’aluminium est, par essence, le matériau du futur. Ultra léger, malléable et esthétique, il s’insère parfaitement dans les projets de construction ou de design de demain. Son histoire est parsemée d’innovations. D’invention récente, il va, dès la fin du XIXe, irriguer l’industrie de façon progressive. Il est à l’origine de nombreux produits de grande consommation (ustensiles de cuisine, papier d’aluminium), de technologies de pointe (aérospatiale, transports automobile et ferroviaire, bâtiments intelligents), d’objets d’art et de design. Sur les traces de Breuer, Gray, Le Corbusier, Prouvé ou Starck, les nouvelles générations d’architectes et de designer composent avec l’aluminium, intégralement et infiniment recyclable, dans une démarche d’écoconception.
Ses propriétés :
Légèreté
L’aluminium est un métal très léger dont la densité spécifique est de 2,7 g/cm3, soit environ un tiers de celle de l’acier (7-8 g/cm3) ou du cuivre (8,96 g/cm3).Résistant mécanique
La résistance de l’alliage d’aluminium est adaptée à l’application requise. A titre d’exemple, on considère qu’un kilogramme d’aluminium peut remplacer deux kilogrammes d’acier dans des applications automobiles.Recyclabilité
L’aluminium est recyclable à presque 100% sans dégradation de ses propriétés. Son recyclage ne nécessite que peu d’énergie : 5% seulement de l’énergie utilisée pour la production de métal primaire.Léger
L’aluminium est un métal très léger dont la densité spécifique est de 2,7 g/cm3, soit environ un tiers de celle de l’acier (7-8 g/cm3) ou du cuivre (8,96 g/cm3).Résistance à la corrosion
L’aluminium génère naturellement une couche d’oxyde qui le protège de la corrosion. Différents types de traitement de surface peuvent encore améliorer cette résistance (anodisation, laquage,…).Conducteur thermique et électrique
L’aluminium est un métal très léger dont la densité spécifique est de 2,7 g/cm3, soit environ un tiers de celle de l’acier (7-8 g/cm3) ou du cuivre (8,96 g/cm3).Ductilité et malléabilité
L’aluminium peut être facilement travaillé à basse température et déformé sans se rompre, ce qui permet de lui donner des formes très variées.
Nous terminerons cette réponse sur une anecdote amusante :
Pour terminer, je me dois de mentionner l’une des utilisations les plus saugrenues de l’aluminium. Le 2 juillet 1983, le Californien Larry Walters a pris son envol sur une chaise de jardin… en aluminium. Il y avait attaché 45 ballons-sondes remplis d’hélium et a atteint une altitude de plus de 4 000 mètres. L’explosion de ballons par une carabine à plombs devait permettre le contrôle de sa descente. Malheureusement, son plan n’a pu être mis à exécution, car, en cours de route, il avait laissé tomber sa carabine par mégarde. Finalement, au moment de son arrivée, soit après 45 minutes de vol, il a été frappé d’une amende de 1 500 dollars « […] pour avoir fait voler un aéronef sans certification […] ».
Source : Encore l’aluminium / Ariel Fenster, professeur de chimie à l’Université McGill (Canada)
Bonne journée.