A partir de quand les juifs ont-ils dû aller acheter de la nourriture à certains horaires ?
Question d'origine :
Bonjour le guichet
C'est encore moi et mes questions sur la vie sous la Seconde Guerre Mondiale.
J'ai trouvé sur ce site : https://encyclopedia.ushmm.org/content/fr/article/german-jews-during-the-holocaust
Lorsque le rationnement alimentaire commença, les Juifs reçurent des rations moins importantes que celles des non-Juifs, d'autres décrets limitèrent les horaires auxquels ils étaient autorisés à acheter de la nourriture ou autres marchandises et limitèrent l'accès à certains magasins. Les foyers juifs furent ainsi souvent confrontés à des pénuries de denrées de base. Les autorités allemandes leur ordonnèrent également de remettre à la police les biens "essentiels à l'effort de guerre" tels que notamment les postes de radio, les appareils photo, les bicyclettes, les appareils électriques. En septembre 1941, les nazis leur interdirent l'utilisation des transports
or comme dans mon roman l'héroïne raconte ses interdictions successives au jour le jour je voudrais savoir si vous m'auriez aidé à avoir des précisions sur les dates notamment à quelle date les juifs ont du aller acheter de la nourriture à certains horaires et quels sont les "certains magasins" ausquels ils aveint le droit ?
et aussi à quelle date un magasin juif aurait il dans tous les cas fermé (pour etre repris par une personne non-juive). J'ai lu avril 1941 mais je ne suis pas certaine.
MERCI et à bientôt pour d'autres questions
Réponse du Guichet
Si certains articles nous indiquent un rationnement limité à une heure par jour, d'autres évoquent une exclusion des juifs des circuits traditionnels de distribution alimentaire, tels les tickets de rationnement, sous l'Occupation. Si ces variables doivent dépendre de l'année ou de la situation géographique, nous avons besoin d'accéder à nos collections pour répondre avec précision à votre question. La bibliothèque étant exceptionnellement fermée, nous revenons vers vous dès sa réouverture !
Bonjour,
Le PDF de présentation de l'exposition "Les jours sans", montée par le CHRD à Lyon en 2017, et qui traitait de l'alimentation et des pénuries en temps de guerre évoque les tickets de rationnement et l'exclusion, de fait, des Juifs dans ce circuit de distribution. Une fois encore, recourir à une fausse identité est nécessaire pour parvenir à ses fins :
Si tous sont confrontés à des difficultés croissantes, certains sont de fait exclus du circuit officiel de répartition. Clandestins, résistants ou Juifs se cachant sous une fausse identité sont contraints d’avoir recours aux faussaires pour obtenir des tickets de rationnement.
Ce qui est confirmé dans ce petit texte de Danièle Voldman, qui s'intéresse à la thèse de Fabrice Grenard publiée en 2004, qui réaffirme l'exclusion du marché légal de plusieurs franges de la population dont les Maquisards, les clandestins, les Juifs ou les réfractaires du STO.
Le livre Les Résistances juives pendant l'Occupation de Georges Loinger (2010), apporte des précisions sur les aménagements discriminatoires mis en place à l'encontre des populations juives en zone occupée (p. 132, numérisé en partie sur Google Books) :
Les carnets de tickets ne sont valides que quelques mois et ils doivent obligatoirement porter le tampon de la ville où le bénéficiaire réside, ce qui est un casse tête pour les clandestins. De plus, à partir de juillet 1942, les juifs de la zone occupée n'ont le droit de faire leurs achats qu'entre 15h et 16h, à un moment où les étalages sont le plus souvent vides.
Si les campagnes arrivent à se nourrir, la vie en ville est très difficile : une bonne partie de la population souffre de la faim et du froid. Pour échapper aux pénuries et aux contraintes de rationnement, certains se tournent vers le marché noir qui connait alors un grand développement. C'est dans ce contexte que s'opère le sauvetage des Juifs.
Exclus des circuits de distribution alimentaire traditionnels, le marché noir est devenu pour les personnes juives, plus vital que pour n'importe quel autre section de la population. Entretenant l'illusion de stocks cachés par les paysans, les commerçants ou les Juifs, le marché noir aurait fait l'objet de nombreuses lettres de délation durant la guerre ; le tout accompagné par la propagande officielle du régime de Vichy qui fit de ces derniers les responsables de ce marché parallèle. Alliant complotisme et antisémitisme (La France du marché noir : 1940 - 1949 : Fabrice Grenard p. 47 - 58), ces idées rencontrèrent beaucoup d'écho dans la population et ont entretenu le mythe de l'étranger accapareur/profiteur. Voir à ce sujet cet article du Petit journal en 1940 : Le "marché noir" à Paris (Gallica).
Aussi, les cartes individuelles d'alimentation sont estampillées "Juif" avec la loi du 11 décembre 1942, les exposant à des discriminations.
Pour aller plus, nous aurions besoin d'accéder à plusieurs documents dans nos collections dont voici la liste. Malheureusement, la bibliothèque est actuellement fermée au public et au personnel en raison d'une panne sur le système de sécurité incendie (jusqu'au 11/09 inclus). Nous reviendrons vers vous avec un complément de réponse pour aller plus dans le détail des restrictions alimentaires infligées aux individus de confession juive en France sous l'Occupation.
Les jours sans : 1939-1949 : alimentation et pénurie en temps de guerre / sous la dir. d'Isabelle Doré-Rivé ; préface de Jean-Dominique Durand
Les scandales du ravitaillement : détournements, corruption, affaires étouffées en France : de l'Occupation à la guerre froide / Fabrice Grenard
La France rationnée : histoire illustrée des restrictions : 1940-1949 / Bernard Le Marec
Vichy et les Juifs / Michaël R. Marrus, Robert O. Paxton ; traduit de l'anglais (États-Unis) par Marguerite Delmotte
Au vue de vos précédentes questions, nous ne résistons pas à l'envie de vous partager également cet article d'Eric Alary - Les juifs et la ligne de démarcation (Les cahiers de la Shoah, p. 13 à 49), disponible en intégralité sur Cairn.
A bientôt !