L'exploitation des nodules au fond de l'Océan pacifique est-il toujours autorisé ?
Question d'origine :
Bonjour,
l'exploitation des nodules au fond de l'océan pacifique est-il toujours autorisé ?
en vous remerciant.
Réponse du Guichet
Malgré les efforts de l'Autorité internationale des fonds marins pour rédiger un code minier international afin d'encadrer l’extraction sous-marine des métaux, aucun consensus ne s'est dégagé et l'exploitation des nodules se poursuit. Une trentaine de pays dont la France ont toutefois déposé un moratoire afin de réfléchir à une « politique générale sur la protection et la préservation du milieu marin ».
Bonjour,
Les nodules polymétalliques sont des concrétions minérales reposant au fond de l'océan. Elles sont composées pour l’essentiel de nickel, de manganèse, de cuivre et de cobalt, des métaux très utilisés par l'industrie, notamment dans la fabrication des batteries de véhicules électriques. Ils représentent ainsi une ressource potentielle à exploiter. Mais les systèmes d'extraction portent préjudice à l'écosystème des fonds marins.
"La communauté scientifique s’accorde à considérer que les conséquences écologiques de l’exploitation minière en eaux profondes pourraient être désastreuses pour la biodiversité marine et l’équilibre écologique des océans.
L'extraction des minéraux implique le raclage du fond marin, ce qui détruit irrémédiablement l'habitat fragile des espèces qui y vivent. De plus, les sédiments soulevés par l'activité minière emportés par les courants peuvent polluer l'eau et perturber la chaîne alimentaire à de grandes distances du site minier."
Source : Nausicaa
D'autant plus que récemment, les scientifiques ont découvert que les nodules métalliques produiraient de l'oxygène : le courant électrique dissocierait l'eau en hydrogène et en oxygène.
" Le professeur Sweetman a résumé leurs résultats : « Nous savons maintenant que l'oxygène est produit dans les grands fonds marins, où il n'y a pas de lumière. » Leur étude, parue dans la revue Nature Geoscience, remet en question le consensus scientifique sur la façon dont l'oxygène est produit et par conséquent la théorie sur l'origine de la vie sur Terre. On sait que la moitié de l'oxygène que nous respirons provient de l'océan. Or, jusqu'ici on pensait que l'oxygène était produit par des organismes vivants, des plantes et des algues, qui utilisent l'énergie de la lumière solaire par photosynthèse. [...]
Ce sont les nodules métalliques du Pacifique qui le produiraient par électrolyse de l'eau de mer, c'est-à-dire par un processus de décomposition chimique qui, sous l'effet d'un courant électrique, sépare l'eau de mer en hydrogène et en oxygène. « Étant donné les potentiels de haute tension (jusqu'à 0,95 volt) à la surface des nodules, écrivent les chercheurs, nous émettons l'hypothèse que l'électrolyse de l'eau de mer peut contribuer à cette production d'oxygène noir. » En effet, une tension de 1,5 volt, celle d'une pile AA ordinaire, suffit pour que l'électrolyse de l'eau de mer se produise. Sachant qu'un seul nodule émet 0,95 V à sa surface, des tensions plus importantes peuvent se produire lorsque les nodules sont regroupés.
Cette découverte a des conséquences majeures, scientifique et écologique. D'une part, la production d'oxygène de façon non photosynthétique et en l'absence d'organisme vivant oblige à repenser l'origine de la vie complexe sur Terre. D'autre part, il est nécessaire, selon Andrew Sweetman, « d'évaluer comment l'étouffement des sédiments au cours de l'exploitation minière peut modifier le processus » de production d'oxygène noir. C'est pourquoi plus de 800 scientifiques marins de 44 pays ont signé une pétition alertant sur les risques environnementaux et appelant à une pause de l'activité minière. Mais l'exploitation des fonds marins n'étant toujours pas régulée à l'échelle internationale, The Metals Company s'est empressée d'annoncer le lancement, d'ici deux ans, d'un méga-projet d'extraction des nodules polymétalliques dans les abysses du Pacifique."
Source : De l'oxygène noir dans les abysses / Anna Musso - L'Humanité - mardi 17 septembre 2024 818 mots, p. 14
L'exploitation des nodules est localisée dans des zones internationales et il n'existe pas de code minier qui en régirait les modalités. Malgré les efforts de l'Autorité internationale des fonds marins (AIFM) depuis 10 ans, il n'y a toujours pas de consensus pour une réglementation sur laquelle les pays se mettraient d'accord pour encadrer l’extraction sous-marine des métaux.
" Une deuxième semaine de réunions du conseil de l’AIFM ne suffira pas à trancher ces questions scientifiques, avant la tenue de l’assemblée générale dans la foulée. L’ordre du jour du conseil porte sur la rédaction du code minier susceptible de définir les seuils d’impact à partir desquels l’exploitation du fond des océans serait un jour autorisée.
Selon un participant, la lecture du texte « consolidé » de 230 pages, finalisé en mars, avance assez « rapidement » mais un accord en 2025, comme il en a été décidé en 2023, paraît pour un autre « totalement illusoire ».
Source : Au sommet des fonds marins, les débats scientifiques pollués par la politique / Guillaume Delacroix - Le Monde - Planète, lundi 20 juillet 2024
La société canadienne TMC compte bien malgré tout poursuivre et intensifier son exploitation des fonds sous-marins. D'autres pays comme la Norvège s'y intéressent également :
L'entreprise canadienne The Metals Company a confirmé lundi soir le lancement d'ici 2026 de son méga projet d'exploitation minière en eaux profondes dans le Pacifique sud, tout en s'engageant à surmonter les critiques qui ont entaché le projet, controversé sur le plan environnemental.
« Si tout se passe comme prévu, nous parlons toujours de 2026 », a déclaré à l'AFP son directeur général Gerard Barron, en marge du sommet du Forum des îles du Pacifique, aux Tonga. »
Par l'intermédiaire de Nori (Nauru Ocean Resources Inc.), une filiale soutenue par le petit Etat insulaire de Nauru, The Metals Company (TMC) espère ouvrir une vaste zone économique offshore pour collecter dans les fonds marins des roches polymétalliques, aussi appelées nodules. Déjà, lors de ses phases de tests en 2022, TMC avait indiqué avoir extrait 3.000 tonnes de nodules du plancher océanique. Elle a également annoncé avoir relevé ses objectifs annuels, de 1,3 million de tonnes de matière brute à 3 millions.
[...]
En décembre dernier, le gouvernement de centre gauche norvégien a notamment annoncé un accord avec des forces d'opposition en vue d'ouvrir une partie des fonds marins du pays à la prospection minière au grand dam des défenseurs de l'environnement.
« Nous avons besoin de minéraux (car) nous devons mener une transition verte sous la forme de cellules et de panneaux solaires, de voitures électriques, de téléphones mobiles », avait alors justifié la députée travailliste, Marianne Sivertsen Naess, lors d'une conférence de presse. « La Norvège pourra peut-être à l'avenir contribuer à y avoir plus largement accès sans être dépendants de pays dont il n'est peut-être pas souhaitable de dépendre totalement », avait-elle ensuite ajouté. Les premiers projets de prospection minière devront toutefois être approuvés par le Parlement avant de pouvoir être mis en oeuvre. Et pour le moment, l'exploitation sera autorisée uniquement si « les connaissances (amassées) à l'avenir montrent que cela peut être fait de manière durable et raisonnable », avait précisé l'élu conservateur en charge du dossier, Bård Ludvig Thorheim
Source : Exploitation minière : un projet en eau profonde dans le Pacifique à l'horizon 2026
Un espoir toutefois, plus de 30 pays ont appelé à un moratoire sur l'exploitation minière en eaux profondes, dont la France, le Canada, le Chili, le Brésil et le Royaume-Uni :
Privilégier l’exploration scientifique permettra non seulement de mieux comprendre ces milieux, mais aussi de mieux les protéger. Et la France a une immense responsabilité en la matière en tant que pays qui possède la plus vaste superficie de grands fonds marins au sein de sa zone économiques exclusive (1).
Notre pays héberge par ailleurs un tissu remarquable d’instituts de recherche, de centres de médiation scientifique et de musées qui œuvrent à produire des connaissances scientifiques sur les grands fonds marins et à les partager avec le plus grand nombre. En tant qu’acteurs majeurs de la connaissance de l’océan, nous affirmons clairement que la priorité doit aujourd’hui être d’améliorer nos connaissances plutôt que de se lancer aveuglément dans une course aux abysses dont nous percevons les risques même si nous mesurons encore mal toutes les conséquences. C’est bien là le sens des positions exprimées par la trentaine de pays qui se sont prononcés en faveur d’une pause de précaution, d’un moratoire, voire, pour la France, d’une interdiction de l’exploitation des ressources minérales profondes.
Avec l’organisation à Nice en juin prochain de la troisième Conférence des Nations unies sur l’océan, l’année 2025 constitue une occasion unique de réunir les décideurs politiques du monde entier, la communauté scientifique mondiale et la société civile. Dans le sillage de nos actions de sensibilisation et de recherche scientifique, nous répondrons présents lors des discussions en nous engageant à fournir une compréhension globale de la santé et de la trajectoire future de l’océan, ainsi que des bienfaits qu’il procure à l’humanité.
Source : En 2025, protégeons les grands fonds marins plutôt que de les exploiter / Françoise Gaill, François Houllier, Christophe Sirugue - Libération (site web) - vendredi 20 septembre 2024
Bonne journée.