En quoi consistait la dignité de grand prieur chef et général de l'Ordre du Val des Choux ?
Question d'origine :
Bonjour et merci d'avance,
En quoi consistait la dignité de grand prieur chef et général de l'Ordre du Val des Choux. Cet Ordre existe-t-il toujours ? Avez-vous des précisions . Merci.
Bigornot
Réponse du Guichet
Le grand prieur chef et général était à la tête de l'ordre du Val-des-Choux et dirigeait le chapitre général regroupant les prieurs représentants de la vingtaine de monastères de l'ordre.
Bonjour,
De manière générale, un prieur est, dans une abbaye, celui qui vient immédiatement après l'abbé et le remplace lorsqu'il y a lieu. Mais il peut également arriver qu'il désigne le supérieur d'une petite communauté détachée de celle d'une abbaye qu'on appelle alors un prieuré (prioratus).
C'est le cas de l'ordre religieux nommé Val-de-Choux, institué vers la fin du XIIe siècle, mêlant les us et coutumes des cisterciens et des chartreux : le chef de l'ordre se nomme le prieur.
Comme l'indique cet article de la Société archéologique et historique du Châtillonnais, Le grand prieuré du Val-des-Choux, de nombreuses incertitudes planent sur l'année de fondation du prieuré. Le premier prieur du Val des Choux semble venir de la Chartreuse de Lugny. L'ordre va s'organiser en chapitre général et se rapprocher de Cîteaux qui va l'admettre dans sa communauté de prières :
Naissance d’un nouvel ordre
L’existence du texte original des institutions mises en place initialement par le frère Viard est incertaine. A-t-il seulement existé ?
Nous en connaissons indirectement la teneur par la bulle du 11 Février 1205 qui consacre la naissance d’un nouvel ordre monastique.
Cette naissance s’appuie sur la règle de saint Benoît combinée avec certaines institutions des chartreux et des us de Citeaux. C’est sans doute la référence à la règle qui est à l’origine de la décision du souverain pontife. Nous savons en effet qu’Innocent III (1198-1216) était hostile à la création de tout nouvel ordre monastique. Le Concile de Latran de 1215 convoqué par sa bulle d’indiction « Vineam Domini Sabaoth » du 19 avril 1213, avait décidé que toute nouvelle maison religieuse devait adopter une règle déjà reconnue, celles de saint Augustin, saint Benoît ou saint Basile.
Cartusien est le titre de prieur qui sera donné au supérieur de l’ordre du Val des Choux qu’il conservera durant toute l’existence de sa maison, laquelle ne sera jamais qualifiée d’abbaye. De même, est issue des institutions des chartreux, la présence de cellules dans lesquelles les religieux se retireront durant une partie de la journée.
En revanche, l’organisation des offices quotidiens, les repas pris en commun ou l’organisation du travail sont d’inspiration cistercienne.
On relève toutefois dans la décision du pape une contradiction avec les dispositions de la règle. Innocent III en s’adressant aux religieux du Val des Choux leur précise qu’ils « vivront de leurs revenus ». Le chapitre 48 de la règle de saint Benoît, dispose dans son article 8 : « Car c’est alors qu’ils sont vraiment moines, quand ils vivent du travail de leurs mains, comme nos Pères et les Apôtres. »
La première constitution mise en place au Val était particulièrement rigoureuse à tel point que le successeur d’Innocent III, fut amené, sans doute à la requête des religieux, à en atténuer la dureté. La bulle« Luxtavocemdominicam » d’Honorius III du 1er avril 1223 va les autoriser à prendre en chapitre général les mesures nécessaires à cet effet.
La mention du chapitre général laisse entrevoir qu’à la date à laquelle la décision du pape a été rendue, il existait déjà un certain nombre d’obédiences appelées, elles aussi, prieurés. Ces « établissements secondaires » resteront sous la dépendance et l’autorité de la maison mère qui prendra le titre de grand prieuré pour s’en distinguer.
Combien étaient-ils en 1223 ?
Tout au plus six auxquels viendront s’ajouter quinze autres avant la fin de la première moitié du XIIIème siècle, soit par voie de fondation,soit par voie d’agrégation à l’ordre. L’expansion fut donc extrêmement rapide puisqu’elle se réalisa en un peu plus de 50 ans. Mais elle fut également très brève puisqu’ aucune autre maison ne vint s’ajouter à celles existantes durant les cinq siècles qui suivirent. En voici la liste très succincte :
Clairlieu peut-être le premier prieuré fondé vers 1210 ?
Puis viendront dans l’ordre :
L’Epeau dans le diocèse d’Auxerre (Canton de Donzy dans la Nièvre) en 1214.
Le Val Croissant dans le diocèse d’Autun (canton de Saulieu) en 1216.
La Genevroye dans le diocèse de Langres (Canton de Vignory, arrondissement de Chaumont) en 1216.
Vauclairdans le diocèse de Langres (Commune de Giey-sur-Aujon – Canton d’Auberive), en 1219.
L’Abbayotte dans le diocèse de Langres (Commune de Magny-sur-Tille, Arrondissement de Genlis) vers 1224.
Vausse dans le diocèse de Langres (Commune de Chatel-Gérard, arrondissement de Noyers) avant 1235.
Ardschatten(Ecosse, Comté d’Argyll) entre 1230 et 1233.
Beaulieu (Ecosse – Comté d’Inverness)en 1230.
Pluscarden(Ecosse – Comté d’Elgin) en 1230.
Le Val Dieudans le diocèse de Troyes (Canton de Sézanne –Arrondissement d’Epernay) entre 1234 et 1253.
Le ValDucdans le diocèse de Langres (Commune de Salives, canton de Gracey-le-Château)avant 1248
Remonvaux-en-Bassigny dans le diocèse de Toul (Commune de Liffol-le-Petit, Canton de Saint Blin, Arrondissement de Chaumont), avant 1248. Eteint et réuni avant la Révolution au Grand Prieuré, redevable de ce fait au séminaire de Toul de pareille pension annuelle de cinquante livres.
Lavaudans le diocèse de Sens (Canton de Saint Fargeau, Arrondissement de Joigny) en 1249.
Saint Nicolas de Réveillon dans le diocèse d’Auxerre (Commune d’Entrain, canton de Varzy, arrondissement de Clamecy) en 1250.
Notre Dame de Beaupré dans le diocèse de Sens (Commune de Soumaintrain, Canton de Château-Landon, arrondissement de Fontainebleau), vers 1230. Eteint et réuniavant la Révolutionau Grand prieuré qui devait payer de ce fait au petit séminaire de Sens, la somme annuelle de cinquante livres.
Uchondans le diocèse d’Autun (canton de Mesvres, arrondissement d’Autun) vers 1250.
Le Val saint-Benoît dans le diocèse d’Autun(Commune d’Epinac, Canton et arrondissement d’Autun)
Royal-pré dans le diocèse de Lisieux (Commune de Criqueville, canton de Dozulé, arrondissement de Pont-L’Evêque – Calvados) en 1255.
Chacun de ces prieurés était à la tête d’un patrimoine propre d’importance assez variable. La plupart d’entre eux disparurent au cours des siècles par suite soit d’extinction, soit parce qu’ils avaient cessé d’appartenir à l’ordre. Au moment du rattachement du grand prieuré du Val des Choux à l’abbaye de Sept Fons en 1764, il ne restait plus que trois prieurés à la collation du grand prieur : Vauclair, Beaupré et Remonvaux, qui seront purement et simplement supprimés par la décision de rattachement.
Le prieuré du Val-des-Choux était considéré comme le chef d'ordre, la maison-mère, et à ce titre, le grand prieur général de l'Ordre du Val des Choux présidait le chapitre général réunissant les prieurs d'une vingtaine de monastères.
Le prieuré du Val-des-Choux avait le titre de grand-prieuré, en qualité de chef d’ordre ; et il était annuellement, à une époque déterminée, le centre d’assemblées des Chapitres généraux, présidés par le grand-prieur ou prieur général du Val-des-Choux. Chaque prieur des monastères issus de cette maison-mère était obligé de s’y rendre, et là on discutait et l’on arrêtait toutes sortes de dispositions concernant la règle, l’administration, le rit, le régime intérieur, la discipline, les rapports réguliers et séculiers, etc., des diverses maisons priorales.
source : Abbaye Notre Dame de Tamié
Cette organisation s'est inspirée de celle des Chartreux.
L'ordre a complètement disparu à la Révolution française.
En 1760 les autorités ecclésiastiques préparèrent l'union extinctive du grand prieuré du Val des Choux et de ses petits prieurés, dont il n'en restait plus que trois en activité: Vauclair, Beaupré, et Remonvaux, les autres ayant été, soit éteints, soit détachés de l'Ordre à l'abbaye cistercienne de Sept-Fons. Cette extinction fut entérinée par une bulle en 1761. Les religieux mirent comme condition à leur consentement : "que les prieurs garderaient jusqu'à la mort leur titre et leurs revenus, et que les simples religieux, s'ils ne voulaient pas rester au Val, jouiraient d'une rente viagère de 330 livres, qu'ils pourraient aller dépenser où il leur plairait ...
source : L’ordre du Val des Choux
Aujourd’hui, l'Abbaye du Val des Choues devenue un gîte pour chasseurs, abrite le "Musée Opéra de la vénerie" et une importante meute de 150 chiens de chasse.
Pour aller plus loin :
- Val-des-Choux Expulsion de juin 1792
- Histoire des ordres et congrégations religieuses en France du Moyen Age à nos jours / Sophie Hasquenoph
- Le Val des Choux, un prieuré chef d’ordre / François Poillotte
- Cisterciens au Val-des-Choux et à Sept-Fons : règlements généraux / dom Dorothée Jalloutz
Bonne journée.