Existe-t-il des études sur les besoins de maintien d'activité productive en centre ville ?
Question d'origine :
Est-ce que des études ont été menées sur l'intérêt de maintenir de l'activité (productive, artisanale...) en ville centre ?
Et si oui, quelles en sont les principales conclusions svp ? Notamment sur les conditions de maintien de l'activité en ville ?
Réponse du Guichet
De nombreuses initiatives gouvernementales ont été mises en place pour remédier à la dévitalisation des centre-villes (Territoires d'industrie, programmes Action coeur de ville et Petites villes de demain, programmes nationaux en faveur de la ruralité [ZRR - zones de revitalisation rurale, contrats de ruralité, Agenda rural], plan de soutien et plan de relance, loi ELAN, loi Climat et Plan Climat).
Vous trouverez ci-dessous plusieurs ressources qui vous permettront d'approfondir le sujet.
Bonjour,
La perte de dynamisme ou dévitalisation des centres-villes, plus spécifiquement dans les villes petites et moyennes, est un phénomène qu'on observe en France et ailleurs depuis plusieurs décennies. Une étude menée en 2018 par la Caisse des dépôts, Villes petites et moyennes, évolutions et stratégies d’action. Comparaison internationale, décrit ce phénomène :
Mutations du commerce et fragilisation des centres des villes petites et moyennes
Les pays industrialisés ont connu, à partir des années 1960-70, une “révolution commerciale” caractérisée par l’essor de la grande distribution en limite ou hors des agglomérations et la diffusion des magasins discount. Ces mutations ont eu des effets importants sur l’offre de commerce de centre-ville et leur animation de manière plus générale.
Le déclin du petit commerce
La tendance à la baisse du petit commerce est observée dans tous les pays et se lit d’abord dans la diminution du nombre d’établissements.
[...]
Le manque de compétitivité des détaillants par rapport aux chaînes franchisées a fait l’objet de nombreuses enquêtes.
L’implantation en banlieue de ces chaînes franchisées leur a fait bénéficier d’un marché foncier abordable, tandis que la standardisation des bâtiments a contribué à leur rentabilité, leur permettant d’offrir une grande variété de produits à une clientèle de plus en plus nombreuse de ménages périurbains. Aujourd’hui, les entreprises de grande distribution ont la capacité à affiner leur couverture commerciale, combinant dématérialisation ou supports physiques en fonction des préférences des clients.Néanmoins, si la plus grande partie de la littérature explique pour partie les fermetures touchant le petit commerce par le développement des grandes surfaces, des travaux ont toutefois montré les effets de complémentarité plutôt que de concurrence qui peuvent s’exercer à l’occasion de l’implantation d’un supermarché dans une localisation centrale ou péricentrale.
La dévitalisation des centres-villes
Le développement des grandes surfaces et la diminution du nombre de petits commerces ont affecté en premier lieu les centres des villes petites et moyennes et contribuent à la dévitalisation des rues commerçantes. En Amérique du Nord, les commerces se sont progressivement retirés des quartiers centraux pour s’implanter dans des localisations périphériques, en lien avec le développement des modes de transports motorisés et le mouvement de suburbanisation des ménages les plus aisés.
Selon certains auteurs, c’est la métamorphose des projets de construction de centres commerciaux périphériques en produits financiers spéculatifs, sur fond de financiarisation de l’immobilier commercial depuis la fin des années 1990, qui explique que la majorité des projets commerciaux soient réalisés en périphérie. [...]
Une insuffisante régulation par les pouvoirs publics
La littérature internationale converge dans sa critique de l’étalement urbain : la dispersion résidentielle et la motorisation des pratiques des ménages ont atteint leur apogée dans l’après-guerre, légitimant en retour un ajustement de l’offre commerciale aux ménages les mieux motorisés.En France et au Japon, les critiques lient le manque de maîtrise de l’étalement urbain à un laisser-faire dans l’attribution des permis d’édifier des surfaces commerciales.
En Amérique du Nord, les recherches mettent l’accent sur le développement des centres commerciaux périphériques, en lien avec un modèle de société moderne fondée sur l’usage de la voiture.
Par contraste, en Allemagne, la réglementation pour l’implantation d’une grande surface est restée contraignante et protectrice des petits commerces de centre-ville.
Ces distinctions illustrent l’importance du volontarisme politique aux échelles régionale et nationale. En général, le relâchement dans l’attribution des permis de construire caractérise les contextes où les grands groupes commerciaux promettent la création d’emplois (aux niveaux de qualification faible à intermédiaire), venant compenser la perte d’emplois manufacturiers, spécifiquement dans les villes petites et moyennes industrielles en reconversion.
Le développement du e-commerce
Considéré comme le principal facteur de repli de nombreuses chaînes de magasins, l’e-commerce connaît partout une hausse exponentielle, sans pour autant renverser la pratique de l’achat en boutique. [...]
La hausse de la vacance commerciale
Dans tous les pays, les études démontrent que la vacance commerciale a progressé plus rapidement dans les centres des villes petites et moyennes que ceux des grandes villes.
Ces dynamiques ne sont pas propres aux villes moyennes mais celles-ci en ont été d’autant plus affectées que leur vitalité commerciale était fondée sur un nombre plus réduit de commerces que dans les grandes villes. Dans les villes petites et moyennes, l’ouverture d’un centre commercial a eu un effet plus fort sur le déclin des commerces du centre.
Ces dernières années, la tendance s'est intensifiée suite à la crise du Covid.
Concernant plus spécifiquement les artisans, une étude réalisée par la chambre régionale des métiers et de l’artisanat en Centre-Val de Loire met en lumière les motivations qui les poussent à déménager :
Plus d’un artisan installé en centre-ville sur dix (12 %) envisage de déménager, et particulièrement dans le Bâtiment. Une tendance révélée par une étude publiée récemment par la chambre régionale des métiers et de l’artisanat, et réalisée auprès de 538 artisans installés dans plus de 200 communes de plus de 2 000 habitants en Centre-Val de Loire.
Parmi ces professionnels, « les premiers à considérer cette idée de déménager leurs locaux d’activité sont ceux du Bâtiment, avec 18 % de répondants, six points de plus que la moyenne au niveau régional », indique l’étude.
Qu’est-ce qui motive ce souhait ? « Les trois premières motivations exprimées sont : le besoin d’agrandir leurs locaux d’activité, de disposer de plus de places de stationnement à proximité, de diminuer le montant de leur loyer », explique l’étude. 45 % des répondants travaillant dans le Bâtiment sont locataires. D’autres artisans évoquent également la volonté de retrouver une clientèle, de quitter des locaux vétustes ou d’échapper à des conflits de voisinage (moins de 20 % du total des répondants se disent satisfaits de leur isolation phonique).
Certains sont installés dans une rue qui ne permet pas le passage de camions de livraison de grand gabarit. « Les entreprises de production et du Bâtiment sont historiquement plus présents en périphérie des communes, les zones d’activités et dans les secteurs ruraux », rappelle l’étude. Et cette situation devrait donc s’amplifier à l’avenir…
Source : Des artisans qui veulent quitter les centres-villes, bati.zepros.fr
Comment renverser cette tendance ? Voici un résumé (disponible sur le site infoartisanat) des préconisations du CESE dans son avis rendu en mars 2021 : Comment redynamiser nos centres-villes et nos centres-bourgs ?
Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a adopté un avis, présenté au nom de la section Aménagement durable des territoires, sur la redynamisation des centres des villes de moins de 20 000 habitants et des bourgs (moins de 2 000 habitants).
L'avis examine la notion de centre, les facteurs multiples du processus de dévitalisation et les facteurs récents favorables à un rééquilibrage. Il analyse les critères de l'attractivité des centres-villes, les contraintes et contradictions à prendre en compte, et recense les initiatives gouvernementales mises en place pour y remédier (Territoires d'industrie, programmes Action coeur de ville et Petites villes de demain, programmes nationaux en faveur de la ruralité [ZRR - zones de revitalisation rurale, contrats de ruralité, Agenda rural], plan de soutien et plan de relance, loi ELAN, loi Climat et Plan Climat)Des
Il émet des préconisations pour favoriser la redynamisation durable du centre des petites villes et des bourgs, autour de 5 axes :
- "Définir un projet global fondé sur un diagnostic participatif et appuyé sur une ingénierie pluridisciplinaire" ;
- "Promouvoir un urbanisme co-construit : du diagnostic au projet" ;
- "Donner toute sa place à la dimension économique" ;
- "Relever les défis environnementaux et de mobilités" ;
- "Penser et mettre en œuvre une politique globale intégrant le long terme".
Pour favoriser la redynamisation de l'artisanat et du commerce dans les centres des villes et des bourgs, le CESE préconise notamment
- de renforcer les mesures et actions en faveur de la transmission/reprise des entreprises artisanales et du commerce de proximité (en lien avec les organisations professionnelles et les réseaux consulaires) et d'améliorer l'accompagnement des repreneurs potentiels ;
- de soutenir la généralisation de l'approche omnicanale (présence physique en magasin, et numérique) de l'artisanat et du commerce de proximité, le renforcement de la formation à la transition numérique (avec l'appui des chambres consulaires) ;
- de recruter des managers de centre-ville et d'inciter les associations de commerçants à se regrouper ;
- de conforter l'attractivité des centres-villes et centres-bourgs en s'appuyant sur les activités artisanales et commerciales non sédentaires ;
- de "promouvoir les mobilités décarbonées" dans les centres-villes et centres-bourgs, en veillant à ce que cela ne pénalise pas les établissements concernés.
Nous ajoutons également quelques extraits de l'article de Karelle Diot, avocate au Barreau de Paris, publié dans Le Moniteur des Travaux Publics et du Bâtiment, no. 6116, vendredi 18 décembre 2020 : Le droit au secours des commerces des centres-villes, qui nous informe plus spécifiquement sur les outils juridiques dont disposent les collectivités territoriales pour redynamiser leurs centre-villes :
Planification, préemption commerciale... Les collectivités locales ne manquent pas d'outils pour agir efficacement.
Nombreuses sont les communes subissant une dévitalisation grandissante de leur centre-ville. La disparition des commerces de proximité s'intensifie, et s'aggrave avec la pandémie de Covid-19. De quelles armes les collectivités territoriales disposent-elles pour juguler ce phénomène et redynamiser l'activité commerciale de leurs centres-villes, qui a des conséquences directes sur le logement, l'emploi et l'environnement ?
[...]
Ce qu'il faut retenirPour lutter contre la dévitalisation commerciale des centres-villes, une panoplie d'outils juridiques est à la disposition des collectivités territoriales.
En tant que documents de planification, le schéma de cohérence territoriale et le plan local d'urbanisme constituent deux leviers efficaces pour réguler les activités commerciales sur un territoire.
De son côté, la loi Elan du 23 novembre 2018 a introduit de nouvelles règles visant à faciliter l'implantation commerciale en centre-ville ou à la rendre plus contraignante en périphérie.
Au gré des opportunités et de manière ponctuelle, les collectivités peuvent aussi instituer une préemption sur les fonds de commerce ou créer des sociétés dédiées qui accompagneront les commerçants, sur le plan financier notamment.
(article consulté sur Europresse)
Vous trouverez ci-dessous d'autres articles, études, rencontre, rapport... sur les dispositifs et les stratégies qui ont été mis en place ou qui sont préconisés pour revitaliser les centre-villes :
Centres-villes de demain : quelles stratégies pour le commerce et l'activité ?, revuesurmesure.fr
Le retour de l'artisanat en ville : tendance de fonds ou effet d'illusion ?, revuesurmesure.fr
Evénement U2P IDF : la revitalisation des Centres-Villes
Zones commerciales et centres-villes : trouver le bon équilibre, article du Cerema pour la revue Techni Cité
La revitalisation commerciale et artisanale dans les PVD
Retour sur une semaine thématique du Club des Petites villes de demain consacrée à la revitalisation commerciale et artisanale dans le cadre d’un projet de territoire, organisée en partenariat avec le Ministère de l'Economie, des finances et de la relance, le Ministère de la Transition écologique et la Banque des Territoires, en lien étroit avec l'Association des Petites Villes de France. La semaine a été ouverte par Jacqueline Gourault, ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales et Joël Giraud, secrétaire d’État chargé de la Ruralité.
Redynamiser les cœurs de ville, Les Carnets pratiques n°11, Institut Paris Région
14 mesures pour soutenir l'activité des artisans
Lancé en janvier dernier dans les Chambres de métiers et de l'artisanat (CMA), le Grand débat de l'Artisanat a permis de dégager 6 grandes orientations et 14 mesures prioritaires "pour permettre aux artisans de vivre et travailler dignement."
La revitalisation commerciale des centres-villes, rapport de l'Inspection générale des finances établi en 2016
Bonne journée.