Question d'origine :
Est-ce vrai que:
'Tout ce que nous entendons est une opinion et non un fait et tout ce que nous voyons est une perspective et non la vérité' ?
Réponse du Guichet

Vous trouverez une possible explication de cette phrase probablement de Marc Aurèle ainsi qu'une bibliographie sur le sujet.
Bonjour,
Si l'on en croit les résultats donnés par Google, cette phrase serait une citation de Marc Aurèle. Mais nous n’en avons pas retrouvé la trace dans ses Pensées pour soi-même. Elle se rapproche en tout cas de son autre citation connue «Que tout soit opinion…». Nous vous conseillons donc la lecture de son ouvrage Pensées pour moi-même et de ceux portant sur les philosophes stoïciens.
En effet, cette citation évoque la théorie de la connaissance développée par les philosophes stoïciens autour des notions de perception, d’assentiment et de représentation compréhensive.
Sur le sujet, vous pouvez consulter :
- le chapitre La théorie de la connaissance (p. 110 à 125) dans Les Stoïciens pas à pas de Jean-Marc Bryard
- le chapitre VI (Le stoïcisme des Pensées) et la partie L’âme est libre de juger des choses comme elle le veut (p. 126) dans La Citadelle intérieure : Introduction aux Pensées de Marc Aurèle / Pierre Hadot
- la partie Opinion, conviction, jugement, compréhension, science dans Les stoïciens et l’âme / Jean-Baptiste Gourinat
Voici le résumé tiré de l'article Wikipédia sur le stoïcisme, sur La théorie de la connaissance :
"Les impressions
La vérité et la certitude sont dans les perceptions les plus communes qu'il s'agit de systématiser. Ainsi la connaissance part-elle de la représentation, ou image (φαντασία / phantasía), impression d'un objet réel dans l'âme (comme le cachet dans la cire pour Zénon). C'est là un premier jugement sur les choses, auquel l'âme peut ou non donner son assentiment : si celle-ci est dans le vrai, elle a alors une compréhension, ou perception (κατάληψις / katálêpsis) de l'objet, qui est immédiate : une certitude des choses en tant que telles.La sensation est donc distincte de l'image, puisqu'elle est un acte de l'esprit. Pour que la perception soit vraie, l'image doit être fidèle. L'image fidèle, en tant que critère de la vérité, est appelée représentation compréhensive. Elle est passive, mais capable de produire l'assentiment vrai et la perception.
Les critères de la vérité
La science sera alors la perception solide et stable, inébranlable par la raison : solidité due à l'appui des certitudes entre elles, à leurs accords rationnels. Ainsi la perception sûre et totale est-elle la science systématique et rationnelle, système de perceptions acquises par l'expérience, visant à une fin particulière, utile à la vie. En dehors de ces réalités sensibles, il n'y a pas d'autres connaissances.Pourtant, à côté des choses sensibles, il y a ce qu'on peut en dire. Ainsi la dialectique porte-t-elle sur les énoncés qui sont vrais ou faux, relatifs aux choses. Ces énoncés se disent sous la forme d'un sujet et d'un attribut exprimé par un verbe : « Socrate se promène ». C'est un jugement simple, qui exprime un rapport entre des faits, celui-ci s'exprimant par un jugement complexe : s'il fait clair, il fait jour. Il s'agit donc d'une liaison de fait entre un antécédent et un conséquent.
Les critiques
La parrhésie (παρρησία / parrêsía) est une vertu dans la Grèce antique hellénistique ; ce mot de grec ancien, formé de πᾶν / pān, « tout », et de ῥῆμα / rhễma, « ce qui est dit », trouve ses origines dans les philosophies stoïcienne et épicurienne, doctrines prônant la nécessité de la liberté de parole entre amis."
Donc, plus que de savoir si la vérité existe, si elle est relative ou encore si tout n’est que subjectivité, l’idée est plutôt de dire que c’est la façon ou l'angle dont on perçoit les choses qui leur donne sens et possiblement valeur de vérité. Chez les stoïciens, les sens sont «interprètes et messagers des choses».
Voilà comment Emile Chartier conclue son analyse dans La théorie de la connaissance des Stoïciens :
"Enfin l’idée même que se font les stoïciens de la vérité n’est-elle pas faite pour nous garder du découragement sceptique, et nous rendre la confiance en nous ? Pourquoi douter de ce que nous savons ? C’est temps perdu : car ce qui nous importe ce n’est pas ce que nous savons, mais ce que nous saurons ; ce n’est pas le vrai qu’il faut poursuivre mais le plus vrai ; ce que l’on doit considérer, ce ne sont pas les résultats, mais la méthode ; ce n’est pas l’état de notre esprit, mais le progrès de notre esprit. Qu’importe que l’on réfute aujourd’hui ce que je disais hier : je le réfuterai moi-même en le pensant mieux et plus clairement demain. Trouver une solution, arriver à une vérité absolue, définitive, ce serait la mort de la pensée ; car la vie, pour la pensée, c’est la recherche, c’est le progrès vers le plus clair."
Quant à savoir si cette phrase est vraie, nous pourrions vous répondre qu'elle est une opinion parmi d'autres. Nous vous laissons la méditer à l'aide des lectures que nous vous conseillons, en espérant qu'elles vous permettront de vous faire une opinion.
Voici une bibliographie :
Écrits pour soi-même [Livre] ; (suivi des) Lettres à Fronton / Marc-Aurèle
Les stoïciens, l’art de la tranquillité de l’âme / Brigitte Boudon
Droiture et mélancolie, sur les écrits de Marc-Aurèle / Pierre Vesperini et notamment sa partie Qu’est-ce que la vérité? (p.36)
Les stoïciens une philosophie de l’exigence / Christelle Veillard
Lire les stoïciens / sous la direction de Jean-Baptiste Gourinat et Jonathan Barnes
Leçons sur le stoïcisme / Jean-Joël Duhot
Enfin, voici à nouveau quelques réponses déjà publiées autour de la question des opinions (voir définition dans le CNTRL), de la subjectivité :
Toutes les opinions sont elles respectables ?
Pourquoi est-ce que l'on confond souvent notre subjectivité personnelle avec la vérité ?
Quelle est la part d'objectivité dans notre vie ?
Pourquoi est-ce que l'on confond souvent notre subjectivité personnelle avec la vérité ?
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