La bastide de Molières était-elle exemptée de taille et autres vingtièmes ?
Question d'origine :
Bonjour
Comme je fais un travail sur l'histoire ed mon village( MOLIERES 24480) qui est une bastide, je souhaiterais savoir si à partir du 15 et 16 ie siècles cette bastide , en principe ville franche a conservé sa franchise c’est à dire être exemptée de taille et autres vingtièmes I
D'autre part je trouve dans les registres paroissiaux certaines personnes qualifiées de "clercs" mais étant mariés? que font- ils exactement .J'ai aussi des "praticiens"? c'est quoi?
Je vous remercie pour vos réponses qui m'aident toujours beaucoup.
Claire V.
Réponse du Guichet

Pour savoir quels impôts payaient réellement les habitants de la bastide de Molières aux XVe et XVIe siècle, il conviendrait de consulter les archives de l'époque.
Bonjour,
Il semblerait effectivement qu’une charte de coutumes et de privilèges ait été concédée en 1395 aux habitants de Molières par Edouard III, roi d’Angleterre.
Nous ne connaissons pas le contenu exact de ce document. Mais voici en quoi consistait de manière générale la charte de coutumes des bastides :
On attirait de nouveaux habitants vers les bastides avec de meilleures conditions de vie, des privilèges et des franchises dûment répertoriées dans un charte de coutumes, dite aussi charte de franchise, véritable règlement intérieur.[…] La charte de coutumes marque donc l’apparition des libertés communales, en remplacement du système féodal jusque-là dominant. Accordée par le fondateur aux habitants, elle est rédigée à la fondation de la bastide pour régler la vie municipale. Cette charte fixe d’une manière très précise les droits et devoirs de chacun. C’est tout à la fois code pénal, civil, administratif et fiscal qui règlemente la vie communale. […]
La rédaction d’une charte débute généralement par les articles concernant les privilèges ayant trait à la liberté des personnes. Suivent les privilèges de nature économiques. Puis sont évoqués les modalités concernant l’administration de la bastide, l’organisation de la municipalité avec des articles à l’intention du bayle et des consuls… [...]
Exemption de taxe – Bien que les habitants devaient toujours s’acquitter du cens et de la dîme, dans la majorité des cas, les droits de quête, de taille ou de gîte attachés à leur condition précédente disparaissaient. Lorsque les étrangers devaient régler des droits de leurre pour les marchandises vendues dans les foires ou les marchés, les habitants des bastides n’étaient pas assujettis à la même obligation. Ils sont assurés de ne payer que les impôts utiles aux besoins de leur communauté et fixés par ses représentants, les consuls.
source : Esprit de pays
Malgré nos recherches, nous n'avons pas trouvé plus d'informations sur l'évolution de la fiscalité de la bastide Molières aux siècles suivants.
Nous vous conseillons de vous rendre aux Archives départementales de Dordogne où l'on pourra certainement vous orienter vers des documents susceptibles de répondre à vos interrogations.
Qu'en est-il de la fiscalité des villes à cette époque-là ? Si les bastides étaient exemptées d'impôts seigneuriaux, les impôts royaux tentèrent de s'imposer. C'était sans compter sur la résistance des états.
Gilles Bernard dans L'aventure des bastides : villes nouvelles du Moyen âge explique (aux pages 126 à 128) :
Du XVe au XVIIIe siècle, les bastides connaissent une intense fermentation sociale. Les descendants des premiers habitants, et ceux qui les ont rejoints peu à peu, ont constitué une puissante bourgeoisie, enrichie par le commerce et l'exercice de la justice ; elle s'est constituée en une véritable caste qui accapare le pouvoir consulaire. [...] Bien sûr, toutes ne connaissent pas la croissance économique. il faudrait même avouer que la plupart d'entre elles plongent dans une ruralité profonde qui fait oublier en quelques siècles les ambitions urbaines de la fondation. En fait, seules les bastides les mieux placées sur la carte des routes et des voies d'eau parviennent à une réelle prospérité. La grande famille des bastides se divise encore, ou plutôt une forme de sélection s'opère une nouvelle fois.
Pendant ce temps, la monarchie a changé de nature. Finis les temps héroïques de la chevalerie, des comtes et des grands sénéchaux. Les hommes du roi se sont changés en une nuée d'officiers et de commissaires qui lèvent une fiscalité tentaculaire. Pourtant, les coutumes n'ont jamais été officiellement abrogées et l'on peut toujours, à Eymet, méditer sur l'article premier d'après lequel : " Nous et nos successeurs ne prélèverons point en ladite ville des tailles, quêtes ou droits de gîte et nous n'y emprunterons aucune somme, à moins que ce ne soit du plein gré des habitants."
Le siège du pouvoir royal se tient dans le lointain Versailles, et l'Eglise a toujours les yeux tournés vers Rome : les villes du Sud-Ouest ne sont que des relais administratifs où quelques parlements essaient vainement de défendre les privilèges provinciaux.
Mireille Touzery dans Payer pour le roi : la fiscalité monarchique, France, 1302-1792 indique que certains états étaient réfractaires à payer l'impôt royal et tentent des négociations financières (page 135) :
C'est paradoxalement dans leur autonomie fiscale (et donc grâce aux Anglais) que se produisit la faille permettant le retour de l'administration royale directe dans les quatre comtés. La somme globale fixée par le roi pour leur contribution au royaume était en effet divisée en quatre parts égales. Si chacun des états du Rouergue, Quercy, Agenais, Périgord, était ensuite maître de la répartition chez lui, chacun trouvait aussi qu'il était surchargé par rapport aux autres.
Nous vous laissons consulter ce document dans son intégralité pour en savoir plus.
Comme vous pouvez le constater la situation fiscale de l'époque était complexe d'autant plus que diverses strates se superposaient.
Quelques documents à consulter pour aller plus loin :
Les bonnes villes de France, du XIVe au XVIe siècle / Bernard Chevalier - pages 93 à 112
Payer pour le roi : la fiscalité monarchique, France, 1302-1792 / Mireille Touzery
La fiscalité des villes au Moyen-Âge T.2 / coordinateurs, Denis Menjot, Manuel Sanchez Martínez
Les villes du Moyen âge / Henri Pirenne
Quant à vos recherches de définitions, nous vous renvoyons vers cette précédente réponse : vocabulaire histoire ancien régime.
Dans le contexte de votre recherche, un clerc n'est pas un membre du clergé mais une personne instruite, qui sait écrire : un lettré, un savant. En 1275, il est désigné comme l'employé travaillant dans l'étude d'un officier public ou ministériel.
sources :
Nicot, Thresor de la langue française (1606)
Dictionnaire historique de la langue française / Alain Rey
Clerc : Personne sachant lire, écrire et compter au service d’un seigneur, d’un commerçant, d’une corporation. Employé au service du clergé régulier ou séculier. Contrôleur et greffier. C’est aussi une personne engagée dans l’état ecclésiastique. Les clercs aspirent à la prêtrise, portent la robe ecclésiastique (soutane), sont tonsurés (symbole de renoncement au bas monde), peuvent recevoir un bénéfice ecclésiastique. Mais ils ont encore la possibilité de se marier. Ils sont théoriquement à certains impôts royaux et relèvent de tribunaux spéciaux.
source : Lexique des anciens métiers
Si l'on reste dans le domaine du droit, un praticien désigne celui qui connaît la pratique, la procédure et ayant des connaissances juridiques.
source : CNRTL
Praticien :
Médecin qui exerce son art et qui a la connaissance et l’usage des moyens pratiques.
Ce peut être un homme de loi ou d’affaires qui connaît le coté pratique de la justice.
Ce peut être aussi un ouvrier sculpteur qui dégrossit l’ouvrage qu’un artiste achève.
source : Lexique des anciens métiers
Voici ce qu'explique Maurice Gresset dans son article Les praticiens à Besançon au dernier siècle de l'Ancien Régime (In: Annales de démographie historique, 1970. Migrations. pp. 231-236) :
Comme dans le reste de la France, le terme de praticien est alors employé en Comté pour désigner un homme de loi non gradué en droit et qui ne possède pas d'office. A cette définition purement négative peuvent correspondre des occupations assez variées. Pour les uns, il s'agit d'un véritable métier, pour beaucoup ce n'est qu'un état transitoire, une sorte d'apprentissage. Dans le monde judiciaire en effet, l'état de praticien n'est pas un aboutissement, c'est bien plutôt un point de départ. Pour être reçu dans un modeste office ministériel de procureur ou de notaire, il faut avoir étudié pendant plusieurs années ce qu'on appelle la pratique judiciaire. Capitale judiciaire abritant un Parlement, un bailliage-présidial, et de nombreuses autres juridictions, Besançon est riche en auxiliaires de la justice. Les praticiens peuvent se former chez trente procureurs au Parlement, dix procureurs au bailliage, quinze notaires. Ils peuvent encore, comme c'était souvent le cas au siècle précédent, faire leur apprentissage chez un magistrat ou un avocat auprès duquel ils tiennent les fonctions de secrétaire. Dès leurs débuts, tous ces jeunes gens se qualifient de praticiens. Au XVIIe siècle, ils étaient plus souvent désignés sous le nom de clercs.
Leur formation terminée, tous les praticiens n'ont cependant pas les moyens d'aller plus loin et d'acheter un office. S'ils ne trouvent pas quelque emploi non vénal, ce qui aurait dû être seulement situation transitoire devient pour eux métier définitif.
Bonne journée.
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