Quand l'Autoportrait à la casquette de Rembrandt a-t-il été acquis par la Bibliothèque ?

Bonjour,

l'histoire de la collection d'estampes de la bibliothèque municipale de Lyon reste encore largement à écrire. Dans le détail, il n'y a jamais eu de registre d'entrée avant les années 2000. Auparavant, la provenance des estampes demeure floue et nécessite l'analyse des cachets.

L'estampe de l'autoportrait à la casquette de Rembrandt (N17REM002100) est visible sur Numelyo. On y voit le reste d'un cachet "Bibl. [...] Arts + LYON" (le support d'origine avec le reste du tampon n'a pas été conservé) et un autre plus petit avec un lion au milieu et les lettres à peine lisibles "B.D.P.D.A.B.Lyon".

Les deux cachets se rapportent à la bibliothèque du palais des Arts. Le premier est connu en entier sur d'autres ouvrages et le second se déplie ainsi : "Bibliothèque Du Palais Des Arts Bibliothèque de Lyon", comme permet de le savoir le même cachet un peu plus gros appliqué sur d'autres estampes.

La bibliothèque du palais des Arts a été fondé par le maire Gabriel Prunelle en 1831. En 1912, elle fusionne avec la "grande bibliothèque" et s'installe au palais de l'archevêché ou palais Saint-Jean. Les cachets du palais des arts ne sont plus utilisés après cette date. Le tampon a donc été apposé sur l'estampe entre 1831 et 1912, et il est probable que l'acquisition elle-même ait été réalisée dans cet intervalle, du fait de l'absence d'autres cachets.

Plus précisément, il est possible d'émettre l'hypothèse que l'acquisition a été réalisée au début de la période. En effet, dès l'installation de la bibliothèque du palais des Arts, la création d'un cabinet d'estampes est décidé, et fait l'objet d'attention particulière de la part du maire Gabriel Prunelle. Dans les premières années de la décennie 1830, plusieurs collections viennent ainsi enrichir le cabinet des estampes. Parmi elles, en 1834, entre autres acquisitions, G. Prunelle demande au conseil municipal d'acheter la collection d'Alexandre-Humbert Chatelain. Ce dernier est critique d'art, peintre, secrétaire de l'école vétérinaire de Lyon et membre de la société chrétienne de Lyon.

Dans la description que fait G. Prunelle de la collection pour convaincre le conseil, il indique :

"La collection d'estampes renferme 100 Rembrandt; 130 Albert Dürer; 415 Callot [...] M. Chatelain ferait sur-le-champ la remise de ses collections qui sont déjà en dépôt dans le Palais St-Pierre..." Registre des délibérations du conseil municipal de Lyon, 27 novembre 1834.

Aujourd'hui, 148 estampes de Rembrandt sont répertoriées, et toutes ne portent pas le cachet de la bibliothèque du palais des Arts. Il est ainsi vraisemblable que cet autoportrait à la casquette ait fait partie de la collection Chatelain et soit donc entré officiellement dans les collections en novembre 1834, et matériellement quelques années avant.

Bibliographie :

- Yves Jocteur-Montrozier, "Le fond d'estampes de la bibliothèque municipale de Lyon", Bulletin municipal officiel, avril 2005.

- Cécilie Berthier, La formation, la conservation et la mise en valeur des fonds d'estampes dans les institutions publiques de la ville de Lyon, mémoire de master 2 sous la direction d'Eric Baratay, 2012. Page 28, le mémoire cite le rapport de Gabriel Prunelle sur la collection Chatelain.

- Comité des bibliothèques publiques et des archives de Lyon, Rapport à M. le ministre de l'Instruction publiques, des cultes et des Beaux-arts, Lyon : Mougin-Rusand, 1878. Pages 79 à 82 l'histoire du cabinet des estampes et de sa constitution est rapidement brossée. Le rapport de G. Prunelle sur la collection Chatelain y est cité in-extenso le rapport de G. Prunelle, quoique daté à tort du 26 novembre.

- Registre des délibérations du conseil municipal de Lyon 1833-1834, séance du 27 novembre 1834. Archives municipales de Lyon, 1217WP55, p. 619 (vue 346 de la numérisation).