Question d'origine :
Bonjour ! Nous produisons du café d orge et nous questionnons sur depuis on boit de l orge torréfié. Les personnes âgées nous parlent d en avoir bu pendant la guerre mais existait elle avant ?
Et globalement y avait-il une plus grande diversité de boissons chaudes locales avant l arrivee du café et du thé en Occident ?
Merci !
Réponse du Guichet

Au XVIIIe siècle, l'orge torréfié était utilisé principalement comme remède médical. Le café d'orge a été consommé en France pendant les périodes de pénurie, notamment lors des deux guerres mondiales.
Bonjour,
L'orge est une céréale très consommée dès l'Antiquité, notamment sous forme de "mazas" en Grèce antique :
"L’orge donne lieu à des préparations à base de grains grillés avant d’être transformés en farine. Cette farine précuite est mélangée à un liquide (eau, lait) afin de confectionner des « mazas » qui, en fonction de la quantité de liquide versée, peuvent prendre la forme de bouillies ou de galettes."
source : Les cités grecques (VIe-IIe siècle av. J.-C.): Essai d’histoire sociale / Jean-Manuel Roubineau
Voir aussi : Histoire de l'alimentation / Massimo Montanari, Jean-Louis Flandrin
L'orge constitue l'aliment de base de la bière. Voir les articles suivants pour en savoir plus : Histoire de la bière et La Bière dans l'Antiquité.
Qu'en est-il de l'orge torréfié ?
En France, on trouve mention de l'utilisation d'orge torréfié dans des breuvages à visée médicamenteuse dans des documents datant du XVIIIe siècle.
Quelques exemples :
- La pratique de médecine, avec la théorie de Lazare Rivière (1589-1655) - 1723
Le Tableau méthodique d'un cours d'histoire naturelle médicale, où l'on a réuni et classé les principales eaux minérales de la République, indiqué les lieux où elles sourdent, leur température, les substances qu'elles contiennent, leurs vertus, leurs usages (1798) de Bernard Peyrilhe indique :
Coffea (page 69)
Vertus : Desséchant, excitant, échauffant, stomachique, atténuant, désobstruant, aristolochique, carminatif, diurétique , anti-vénérien , fébrifuge.
Usages. Embonpoint excessif, somnolence, cardialgie, céphalalgie, calcul ?
On croit qu’il nuit aux personnes maigres, très irritables, aux hypochondriaques , aux femmes hystériques , aux vices des yeux
Usage économie. Toute l’Europe use aujourd’hui de son infusion, après le dîné : pris le matin, étendu dans beaucoup de lait, il est moins salubre.
Succédanée. L’Orge torréfié, la racine de Chicorée sauvage, Cichorium intybus. On cultive en grand cette dernière plante, en Allemagne, pour faire de sa racine un objet de commerce.
Hordeum (page 30)
Vertus. Nourrissant, rafraîchissant, tempérant, émoussant, anti-alkalin, anti-scorbutique, anti-psorique, propre à combattre toutes les acrimonies alkalescentes.
Usages. Sa décoction , plus ou moins chargée , dans toutes les maladies aiguës, les diathèses alkalescentes , le scorbut, le marasme.
Usage. Économique. L’Orge , dépouillé de son écorce, s’appelle Orge mondé , ou gruè. Si on l’arrondit, ainsi que cela se pratique en Allemagne et en Flandres, il prend le nom d'Orge perlé. L’Orge macéré pendant deux jours, retiré de l’eau , germé à l’air libre, et desséché dans des étuves, est connu des brasseurs sous le nom d’Orge Tour aillé , Malt. Le Malt, réduit en poudre grossière , s’appelle Dréche.
Les anciens appelaient l’Orge mondé, Ptisane , nom qu’ils donnaient aussi à la décoction d’Orge. Ils appelaient l’Orge torréfié, Polenta, Soupe ; enfin, ils donnaient le nom de crème d'Orge , à la décoction d’Orge visqueuse : nous l’appelons aussi Crème d'Orge.
La tisane des anciens tenait lieu de bouillons de viande, pendant les premiers jours des fièvres aiguës. Cette excellente pratique n’a jamais été proscrite ; elle ne pouvait l’être : mais elle a été tellement négligée, que pour la rétablir aujourd’hui, il faudrait vaincre tout à la fois, l’habitude irraisonnée des praticiens , et le préjugé, fortement invétéré , des malades et des personnes qui les entourent, entreprise dont on vaincrait difficilement toutes les difficultés.
La décoction d’Orge mondé ou perlé, et mieux encore, du Malt, légèrement acidulée, fournit une boisson agréable, nutritive, rafraîchissante, laxative, très appropriée aux fièvres aiguës. La décoction de l’Orge entier est plus sucrée , moins farineuse et plus passante. La décoction de Malt est en outre très-anti-scorbutique , selon le témoignage de Macbride Fors ter, etc. : on la forme de deux livres de Malt, pour six livres d’eau. La même boisson réussit souvent aussi contre les vieux restes de maladies vénériennes, qu’on poursuivrait en vain pales anti-vénériens ordinaires. On peut, souvent même ! on doit, diminuer la dose du Malt, prescrite plus haut, pour que la décoction passe plus facilement. Quoique cette boisson soit sucrée par elle-même , on peut la sucrer encore , et dans certaines circonstances, l'aciduler. L’amidon de l'Orge est, dit-on , grisâtre et ne crie pas sous les doigts. L’Orge , au rapport de Pline , a été un des premiers aliments de l’homme. Les Suédois septentrionaux et quelques habitants des Alpes, en tirent encore aujourd’hui leur principale subsistance.
L Orge est l’ingrédient le plus ordinaire de la bière. Cette boisson fermentée varie beaucoup, tant à raison de l’espèce de grains employée , et de sa quantité, qu’en raison de l’espèce et de la quantité de l’amer qu’on fait entrer.
Appréciation. L’Orge est fort usité , comme aliment médicamenteux.
Le café d'orge a été consommé comme substitut du café, notamment pendant les périodes où le café était coûteux ou difficile à obtenir, comme pendant les deux guerres mondiales. Notons une grande diversité d'autres boissons chaudes extraites de racines, graines ou plantes :
Succédanés du café. — On a imaginé une quantité considérable de succédanés du café, et presque aucun d’eux n’a ses propriétés. Il n’en est pas, en effet, un seul qui renferme de la caféine. La plupart du temps ce sont en effet des substances qui, soumises à la torréfaction, donnent une infusion brune et un peu amère. Le blocus continental a été dans notre pays l’origine de la création d’une foule de succédanés du café. Un trop grand nombre en est malheureusement resté.
Voici quelques-uns des principaux succédanés du café :
Racines. — Chicorée; souchet comestible (Cyperus esculentus) ; pissenlit (Taraxacum Dens Leonis) ; scorsonère (Scorsonera hispanica); gesse tubéreuse (Lathyrus tuberosus) ; chervis (Sium sisarum); pomme de terre, grateron (Galium aparine) ; chiendent (Triticum repens) ; salep.
Graines. — Céréales: froment, seigle, orge, maïs, riz, millet.
Légumineuses : haricots, pois, lentilles, fève des marais, lupins.
Arachide : casse occidentale, glands, asperge, petit houx, iris des marais (Iris pseudoacorus), noyaux de dattes, ricin, châtaignes.
Fruits : figues, caroubes.
Chicorée (V. ce mot). Le café-chicorée est le plus important des succédanés du café. Il est très employé en France.
Le souchet comestible est indigène du midi de l’Europe et du nord de l’Afrique. Les fibres des racines portent des petits tubercules de la grosseur d’une noisette, et qu’on nomme amandes de terre dont on se sert pour l’alimentation. On en prépare encore dans certains ménages, et surtout en Allemagne, comme faux café.
Le salep est formé par les bulbes de certains Orchis. Dans plusieurs pays de l’Asie centrale et occidentale, le café de salep est fort employé.
Parmi les cafés de céréales, celui préparé avec le seigle fut en vogue au milieu du XVIIIe siècle où on l’appelait café à la paysanne. Un Américain, Kint, révéla en 1825 un procédé de fabrication du café de seigle. L’orge torréfié donne un faux café très estimé, dont la Hongrie a fait le commerce.
Les légumineuses, telles que les haricots et les pois, donnent des infusions peu agréables qu’on a employé un peu au XVIIIe siècle. Le pois-chiche a été, vers 1715, l’un des premiers succédanés du café. Le lupin s’emploie quelquefois en Allemagne. A propos des cafés factices, on a vu que l’on avait taillé des grains de café dans des arachides. Les graines d'asperge sont, paraît-il, l’un des meilleurs succédanés du café.
Les semences du Psychotria citrifolia, plante appartenant à la famille des Rubiacées et voisine du Coffe, sont employées par les nègres de plusieurs contrées africaines comme café.
La casse occidentale (Cassia occidentalis) arrive au Havre de nos colonies américaines. Elle croit dans l'Amérique septentrionale, la Cochinchine, l’Inde et la côte d’Afrique. On la nomme « café nègre ». Elle se présente sous forme de petites graines de 4 millim. de diamètre environ, cordiformes, aplaties et limitées par un bourrelet circulaire. Elles sont de couleur gris-verdâtre.[...]
À la Martinique, les fruits et les graines aromatiques de l'Eugenia disticha (Myrtacées) sont employés comme succédanés du café et portent le nom de café sauvage.
Les graines du petit houx prennent par la torréfaction un arôme ressemblant exactement à celui du café. L’infusion est cependant fade, mais en y ajoutant artificiellement une matière amère, on obtient une boisson très agréable et se rapprochant assez du café. C'est d’ailleurs également un houx (Ilex paraguayensis), dont les feuilles constituent le thé du Paraguay ou Maté, contenant de la caféine, comme le thé et le café.
Les semences de Gombo ou Bamiah (Hibiscus esculentus), le café de glands de chêne d’Espagne (Quercus hispanica, Q. ballota).
Les graines du chicot (Guilandina dioica). Les graines du lupin à feuilles étroites (Lupinus angustifolium), cultivées dans l’Eure et la Seine-Inférieure, sont encore des succédanés employés. Enfin, le café de figues torréfié, vendu ainsi sous le nom de Figuine, est un succédané très recherché, surtout en Allemagne.
source : La grande encyclopédie : inventaire raisonné des sciences, des lettres et des arts par une société de savants et de gens de lettres. Tome 8 : Brice - canarie / sous la direction de MM. Berthelot, Hartwig Derenbourg, D.-Camille Defus...[et al.] - 1885-1902
Autre extrait :
Succédanés du café – On a parfois préconisé pour remplacer le café, et plus souvent encore, on a vendu comme tel, la poudre torréfiée de diverses substances. C’est ainsi qu’ont été offerts aux amateurs :
Le café d’amandes, obtenu en faisant griller, puis en pulvérisant les fruits de l’amande de terre ou gombo (Hibiscus esculentus).Le café de glands doux fait avec les glands torréfiés du chêne d'Espagne (Quercus ballota).
Le café de figues, poudre plus ou moins pure de figues séchées et grillées.
Le café d'orge ou de malt, résultant de la torréfaction des grains d'orge, de malt de brasserie et souvent de graines avariées.
Mais les deux substances les plus importantes sont le café nègre et la chicorée.
Sous le nom de café nègre, on désigne la graine d'une casse (Cassia occidentalis) qui pousse en abondance sous forme de buissons en Amérique du Nord, aux Antilles, en Cochinchine et sur la côte ouest d'Afrique. Cette semence gris verdâtre, aplatie, cordiforme et de 4 m/m environ de diamètre, est depuis longtemps employée dans la médicamentation locale ou sert à remplacer le café dans les classes pauvres. Son importation en Europe est assez importante.
La chicorée bien connue de tous est la poudre que l'on obtient en râpant la racine torréfiée de la chicorée sauvage (Cichorium intybus) que l'on cultive à cet effet dans le nord de la France, la Belgique, là Hollande et l'Allemagne.
Cette poudre brun noir, à odeur spéciale, a une saveur amère nettement prononcée et rappelant le caramel.
Suivant la grosseur, elle est classée en semoule gros grain, ou tapioca, semoule demi-grain, et poudre. Chacune de ces divisions, comprend elle-même 4 numéros ou qualités suivant la nature de la racine qui l'a fournie.
source : Les produits végétaux alimentaires : produits naturels commerçables / par Émile Dubois
Lire aussi : Etude sur le café, au point de vue historique, physiologique, hygiénique / Auguste Penilleau - 1864
Le café d'orge semble par ailleurs avoir été davantage consommé dans d'autres pays comme les pays de l'Est de l'Europe, l'Allemagne avec le "Malz" ou en Italie avec des infusions similaires.
A noter, les ouvrages suivants que nous avons parcourus, ne semblent pas parler de l'histoire des boissons à base d'orge torréfié :
- Histoire morale et culturelle de nos boissons / [Livre] / Jean-Claude Bologne
- Crus et cuites [Livre] : histoire du buveur / Didier Nourrisson
Bonne journée.