Question d'origine :
Est-il vrai que 'la perfection n'est pas de ce monde'? Souvent les gens rêvent du prince charmant, de la princesse charmande, du travail parfait, de la vie rêvée, de l'exploit héroïque mais n'est-il pas vrai que 'la perfection n'existe pas dans notre monde'?
Réponse du Guichet

Il est tentant de chercher la perfection mais peut-être faudrait-il viser "l'amélioration".
Bonjour
En 2025, nous aspirons à ne plus nous sentir comme un poisson rouge tournant en rond dans son bocal. Confiance et sérénité seront donc les maîtres mots de cette nouvelle année, dans l’attente de vos interrogations sur la peinture, le cinéma, les sciences, la lecture et pourquoi pas sous le prisme du méchant et du gentil qui nous ferons dépasser vos 114 questions portant sur la moral, les bonnes et les mauvaises qualités …
D’ailleurs, à la lecture de ce premier paragraphe, vous constaterez que la perfection n’existe pas ou du moins qu’elle est totalement absente chez votre honorable bibliothécaire qui est en train de vous répondre :)
Pour revenir à notre sujet, nous étudierons tout d’abord le concept de perfection. Le Grand dictionnaire de la philosophie précise que la perfection est
L’État de ce qui est pleinement réalisé, achevé, abouti. La perfection exprime l’idée d’un maximum atteint, d’un point de vue quantitatif – est parfait ce à quoi rien ne manque – et/ou qualitatif – ce qui est excellent et n’est pas susceptible d’amélioration.
( ...)
Est parfait ce qui correspond exactement à son concept ou ce qui possède toutes les qualités requises par sa nature (…) La notion de perfection suppose celle de finalité : Pour Aristote, une chose est parfaite dans la mesure où elle est conforme à son télos, fin qui est en même temps son bien (…) Pour Spinoza, cette conception de la perfection, indissociable d’une interprétation finaliste de la Nature, vient de ce que les hommes jugent toutes choses selon l’idée qu’ils s’en font et non selon ce qu’elles sont en elles-mêmes
(…) Avec la critique kantienne de la métaphysique classique, ce ne sera plus le sens ontologique – la perfection comme quantité d’être – mais le sens moral – la perfection comme fin et devoir de l’homme – qui tendra à s’imposer, et avec lui, la notion de progrès éthique, culturel et historique …
Dans cette définition, le sens absolu est dissocié du sens relatif.
Par ailleurs, l’émission de Radio France sur le culte de la précision répond plus précisément à votre interrogation et mentionne que la perfection revêt différents sens. Pour les anciens, la perfection est quelque chose qui est fini ; ce à quoi l’on ne peut rien ajouter ou retrancher alors que chez les modernes c’est ce qui se trouve tout en haut. Les invités et les invitées évoquent les limites de la perfection qui conduit à l’inaction et préfèrent à la perfection la notion de l’amélioration.
Dans La perfection, Jean Baechler nous indique que si la perfection est naturelle et qu’elle indiquait la recherche perpétuellement recommencée, l’imperfection est le lot original de l’humanité.
Pour élargir le sujet, vous pourriez consulter :
Arthur Dony, La mesure de la perfection, Revue de métaphysique et de morale, N° 96(4), 2017, p. 555-574.
Sandra Laugier, (dir.), La voix et la vertu. Variétés du perfectionnisme moral Variétés du perfectionnisme moral, 2010.
Vous pourriez aussi écouter les émissions de Radio France consacrées :
Pour bien faire, faut-il être perfectionniste ?"
Pour George Orwell, "Être humain signifie essentiellement qu'on ne recherche pas la perfection"
Bonne réflexion et au plaisir de découvrir, avec vous, de nouveaux sujets.