Comment comprendre et interpréter ce texte sur la justice au Moyen-Age ?
Question d'origine :
Bonjour,
Est-ce que vous pourriez m'éclairer sur le sens de cette phrase qui suit que je n'arrive pas à interpréter malgré la lecture des définitions des mots spécifiques ?
En 1200, la justice était partagée entre l’abbé et ses vassaux, « vavassori* petits nobles », la haute justice au premier ; les autres devaient promettre de tenir en fief de l’abbé tous leurs biens allodiaux de la paroisse de Vimy et, à l’aide de leurs sujets, d’élever des murailles autour de la ville ; ils pourront s’y réfugier et ne devront pas fortifier leur demeure.
D'avance merci de votre réponse si vous trouvez.
Cordialement.
Réponse du Guichet

Voici quelques éléments de réponse.
Bonjour,
Effectivement plusieurs éléments entrent en ligne de compte dans la compréhension de cette phrase.
Tout d'abord le vocabulaire propre à la période et au droit féodal; puis, l'ancien français qui est utilisé, et enfin le contexte de cette phrase qui pourrait également être éclairant.
Commençons par dire que votre citation semble clarifier le contexte médiéval des relations féodales et des responsabilités juridiques et militaires entre un abbé, ses vassaux et la communauté au sens large du terme.
Voici les définitions de certains termes employés et relevant du vocabulaire médiéval :
- Vavassori désigne ici des petits nobles, vassaux de l'abbé, à qui des terres étaient attribuées.
Ces nobles de rang inférieur étaient sous la protection et l'autorité d'un seigneur plus puissant, en l'occurrence l'abbé. Ils recevaient des terres en fief (domaine concédé en échange de services) de l'abbé.
- La Haute justice fait référence à la compétence judiciaire supérieure, exercée par l'abbé.
Il s'agit du pouvoir judiciaire suprême qu'exerce un seigneur, ici l'abbé. Cela signifie que l'abbé avait la capacité de juger les affaires graves, telles que les crimes majeurs, et d'imposer des peines. C'était un pouvoir important.
- Allodiaux se réfère à des biens fonciers possédés de façon indépendante, sans se soumettre à un suzerain.
Ce sont des terres ou biens qui appartiennent en pleine propriété à leur détenteur, sans aucune obligation envers un seigneur (ou suzerain). Ces terres étaient indépendantes et ne faisaient pas partie d’un système féodal où le propriétaire devait des services ou des loyers à un supérieur.
- La promesse de construire des murs autour de la ville était une obligation de défense, mais les vassaux ne pouvaient pas fortifier leur propre domicile, probablement pour éviter de créer des forteresses privées.
Les vassaux avaient l'obligation de défendre la ville, en construisant des murs pour la protéger des attaques. Cependant, ils ne pouvaient pas fortifier leur propre maison, probablement pour éviter qu’ils ne deviennent trop puissants et créent des places fortes privées, échappant au contrôle de l'abbé ou du seigneur.
Par ailleurs, le site Rhône médieval, précise :
" En 1200, la charte de la clotûre du bourg de Vimy, mentionne l'existence du "chastellar". On y apprend que Guigue, abbé de l'Ile Barbe, rassembla les notables dépendant de sa seigneurie de Vimy et leur proposa de clôre le village par un mur d'enceinte. "
La revue Histoire et patrimoine de Neuville-sur-Saone explique :
" Le 18 septembre 971, Conrad le Pacifique, roi de Bourgogne, confirmait, à la demande de Heldebert, abbé de l’Ile-Barbe, toutes les possessions de son monastère. Au premier rang nous trouvons l’église Saint-Florent et la villa de Vimy, avec le port et toutes ses dépendances. À partir de ce moment, Vimy dut se développer régulièrement, dans le courant général d’accroissement démographique des XIe - XIIIe siècles. Ainsi, en 1183, une bulle du pape Lucius III confirmant à nouveau les biens de l’Ile-Barbe mentionne deux églises à Vimy Saint-Florent et Notre-Dame, ce qui veut dire qu’au noyau primitif de peuplement groupé autour de l’église Saint-Florent, devenue sans doute chapelle du château, s’est adjoint une agglomération avec une nouvelle église paroissiale dédiée à Notre-Dame.
L’importance grandissante de la cité se marque aussi par l’action des abbés de l’Ile-Barbe qui, tout au cours des XIIe et XIIIe siècles, cherchèrent à maintenir et à développer leur autorité seigneuriale sur Vimy et ses environs, Ainsi, en mars 1201, l’abbé de l’Ile-Barbe passe un accord avec ses vassaux relevant de la seigneurie de Vimy : la cité de Vimy sera fortifiée aux frais des dits vassaux qui devront faire élever une muraille de 5 à 7 m de haut sur un périmètre de 700 m environ, et ils pourront venir s’y réfugier en cas de besoin. D’autre part l’abbé de l’Ile-Barbe, Guillaume de Jarez (1224-1240), profita des difficultés financières des petits seigneurs de la région pour acquérir des biens et des droits divers à Vimy et aux environs immédiats.
Mais, et c’est aussi un signe de l’intérêt que pouvait présenter une position prééminente à Vimy, les abbés de l’Ile-Barbe étaient contraints de partager quelque peu leur autorité sur la cité. Ils étaient en effet, en tant qu’hommes d’Église, dans l’incapacité d’assurer effectivement la protection matérielle et militaire. Comme cela était alors la règle à peu près générale dans ce genre de situation, ils devaient confier cette tâche à un seigneur laïc des environs. Évidemment cette fonction de « gardiateur » pouvait être très profitable, même si elle ne donnait aucun droit de propriété à celui qui l’exerçait ; elle était prétexte à la perception d’une redevance sur les habitants de la ville, et elle pouvait, le cas échéant, permettre de contrôler une position stratégique ou commerciale importante. Voilà pourquoi la « garde » de Vimy est exercée aux XIIe et XIIIe siècles par les seigneurs les plus importants de la région. "
Pour aller plus loin :
Eglise et société en Occident : XIIIe-XVe siècle / Catherine Vincent
Église et société au Moyen âge : Ve-XVe siècle / Anne-Marie Helvétius, Jean-Michel Matz
Dictionnaire du Moyen Age / sous la direction de Claude Gauvard, Alain de Libera, Michel Zink
Lexique historique du Moyen Age / sous la direction de René Fédou
Pour plus de précisions quant à l'histoire locale de Neuville sur Saône, n'hésitez pas à contacter l'association Neuville Histoire et Patrimoine.