Question d'origine :
D'où vient l'expression " terminé Balzac"
Merci pour la réponse
Réponse du Guichet

La locution interjective "Terminé Balzac !" provient du titre éponyme du roman policier de Gino Blandin qui s'inspire du roman "Eugénie Grandet" de Balzac.
Gino Blandin, saumurois d'origine, plonge les personnages du roman de Balzac dans la région de Saumur d'aujourd'hui revisitant ainsi l'univers balzacien et les personnages mythiques de sa Comédie humaine.
Le titre "Terminé Balzac !" et ses différentes interprétations sont donc à analyser dans leur intertextualité avec l’œuvre de Balzac.
Bonjour,
Vous vous demandez quelle est la provenance de la locution interjective "Terminé Balzac !".
Un titre d'un roman policier contemporain inspiré de l'univers romanesque balzacien
Terminé Balzac ! est le titre d'un roman policier de Gino Blandin, publié en 1999 chez Cheminements Éditions dans la collection La Perle noire. Ce roman fait partie de la série policière du même auteur Une enquête de Julie Lantilly.
Gino Blandin est un auteur de romans policiers et un historien. Dans ses romans policiers, son héroïne récurrente, Julie Lantilly, une journaliste de la presse écrite, mène des enquêtes en Anjou, dans la région de Saumur.
En tant qu'historien, Gino Blandin a écrit plusieurs ouvrages, entre autres une histoire de l'hôpital de Saumur, une histoire de la ville de la préhistoire à nos jours. Il est également l'auteur de nombreux articles parus dans diverses revues.
Source : Site web de Gino Blandin
Dans "Terminé Balzac !", Gino Blandin s'inspire du roman Eugénie Grandet, écrit par Honoré de Balzac (1799-1850) en 1833. L'action qui débutait en 1819 dans la région de Saumur dressait le portrait poignant d'une jeune ingénue sacrifiée sur l'autel de la cupidité des hommes.
Eugénie, jeune fille belle et généreuse, vit à Saumur avec son père, Félix, avare et tyrannique, sa mère effacée et leur servante.
Un soir, Charles, son cousin parisien, débarque avec une lettre de son père qui, ruiné, vient de se suicider. Eugénie, prise entre passion et amour paternel, désir et devoir, tombe amoureuse de ce jeune élégant ambitieux et lui offre toutes ses économies.
Tous deux échangent un serment de fidélité éternelle avant le départ de Charles pour les Indes où l'expédie le Père Grandet. Eugénie vit alors dans l'attente de son retour et l'angoisse du jour où son père découvrira ce qu'elle a fait. Mais l'homme qui revient, au terme de cette longue absence, n'est plus le même. (Résumé éditeurs)
Gino Blandin, saumurois d'origine, situe également le cadre de son intrigue policière dans la région de Saumur mais plonge les personnages d'Eugénie Grandet dans l'époque contemporaine en invitant un nouveau personnage, l’enquêtrice Julie Lantilly.
Hé bien Terminez Balzac ! c'est la même histoire mais ce qui était possible à l'époque de Balzac ne l'est plus aujourd'hui et lui, il ne connaissait pas Julie Lantilly, l'intrépide journaliste au Courrier Ligérien !
Cette aventure se déroule principalement à Saumur. Dans cette version revue et corrigée d'Eugénie Grandet, le père Grandet habite dans la Grand Rue. C'est plus précis que chez Balzac qui n'avait vraisemblablement jamais mis les pieds à Saumur.
L'histoire emmène Julie Lantilly sur la côte, à Saint-Nazaire, dans le port de Penhoët et sur les quais qui relient maintenant la ville à la raffinerie de Donges. Elle n'hésite pas à prendre un bain de minuit dans les charmantes petites criques de Saint-Marc.
Cette rocambolesque histoire se termine à Epieds, à une douzaine de kilomètres de Saumur dans un lieu-dit au nom évocateur : Bien-lui-vient…
Source : Site web de Gino Blandin
Sur Google Livre on peut lire la mention figurante sur les pages liminaires de "Terminé Balzac !"
Cette histoire est une fiction. Toute ressemblance avec les personnages d'un célèbre roman d'Honoré de Balzac n'est pas fortuite, en revanche toute ressemblance avec des personnes ou des événements réels serait pure coïncidence.
Comment interpréter ce titre dans son intertextualité avec l’œuvre de Balzac ?
Dans cette locution exclamative transitive (Terminé Balzac !), le participe passé "terminé" du verbe terminer peut s'entendre par métonymie comme "ayant achevé la lecture de l’œuvre de Balzac", "ayant cessé la lecture de l’œuvre de Balzac" ou "ayant parachevé l’œuvre de Balzac", ce dernier sens pouvant se référer au travail d'écrivain qui revisite l’œuvre de Balzac à l'aune du XXe siècle.
Cette locution peut aussi s'entendre au sens populaire de "ayant achevé, tué Balzac". Cette dernière acception relevant quant à elle du registre du roman policier.
Dans le sens d'achever/tuer, cette locution est sans doute un clin d’œil à l'expression balzacienne "peau de chagrin" ayant pour origine le roman éponyme de 1831 : un jeune héros, Raphaël de Valentin,acquiert, chez un antiquaire, une "peau de chagrin" qui a le pouvoir d’exaucer tous les vœux de son propriétaire. Mais chaque désir exaucé fait diminuer la taille de cette peau en même temps que sa vie.
Enfin, cette locution, en relevant du registre populaire et de la formule elliptique, renvoie à la langue populaire et argotique à laquelle recourait Balzac.
Les tournures expressives au caractère elliptique font aussi partie d’un répertoire mis en valeur par Balzac.
L’ouvrage Les Chouans ou la Bretagne en 1799, publié en mars 1829 chez l’éditeur Canel, est le premier roman où Balzac égrène dans un récit de nombreuses expressions populaires et patoisantes, des mots écrits phonétiquement pour mettre en valeur une prononciation d’usage courant dans la paysannerie de l’Ouest.
Peut-on parler d’ailleurs d’une appétence balzacienne pour l’argot ? Eric Bordas souligne l’intérêt et le goût de Balzac pour l’argot en mettant en avant dans le récit balzacien le concept de "sociolecte", qui se caractérise par la parfaite adéquation stylistique à la personnalité de celui qui s’exprime, dans la mesure où il appartient à un groupe social déterminé disposant d’un vocabulaire et d’une forme d’expression spécifique.
Source : Balzac et l’argot : enjeux littéraires autour du roman populaire par Louis Bergès
On sait que Balzac, qui avait des prétentions de linguiste, s'est servi du langage pour caractériser la classe à laquelle appartenaient ses personnages. De là d'innombrables vocabulaires particuliers dont il joue à merveille: celui des financiers, des commerçants, des soldats, des aristocrates et du peuple tout court.
Source : La langue populaire de Balzac, Le Monde archives de 1953
Sur scène ou sur grand écran, en bande dessinée, dans la littérature contemporaine ou dans le roman de genre, Honoré de Balzac (1799-1850) est partout dans la culture contemporaine et demeure une référence vivante pour des artistes, des écrivains, des philosophes et même des économistes qui tentent de dire le monde dans lequel ils vivent.
Balzac se revendiquait déjà comme un historien occupé de l’histoire des mœurs, du "présent qui marche" (Préface à Une fille d’Ève), d’une société qui "port[e] avec elle la raison de son mouvement " ( Avant-propos à La Comédie humaine).
Il écrit peu après la Révolution française, dans une époque de chute des croyances et des religions qui n’est pas sans échos avec notre situation contemporaine (l’effondrement des idéologies, la défaillance des institutions, perte des repères, crise de la transmission de toutes les valeurs, etc.).
Source : L’héritage balzacien et sa pertinence dans le monde contemporain par Stéphane Vachon, 2023
Pour en savoir plus sur Gino Blandin
Sa bibliographie sur son site web.
Saumur. Gino Blandin : "J’évoque des personnages que l’on rencontre tous les jours" dans Ouest France, Le Courrier de l'Ouest, publié le 15 juillet 2020.
Auteur prolifique, le Saumurois Gino Blandin vient de publier "Saumur sans mesure", son quinzième roman policier. Rencontre avec un écrivain connecté aux réalités locales.
Montsoreau. L’écrivain Gino Blandin raconte James Combier dans Ouest France, Le Courrier de l'Ouest, publié le 18 octobre 2023.
Pour en savoir plus sur Honoré de Balzac, le romancier de la Comédie humaine, vous pouvez lire les biographies à son sujet et notamment celle de Stefan Zweig Balzac : le roman de sa vie en qui il voyait l'un des phares de la littérature européenne qui incarne un mythe, celui du créateur rivalisant avec Dieu.
Quand le XXIe siècle relit Balzac
"Eugénie Grandet" : une nouvelle adaptation réussie de Balzac par le cinéaste Marc Dugain, France Info, 2021
Balzac contemporain sous la direction de Chantal Massol / Paris, Classiques Garnier, Rencontres 329, 2018, 248 p.
Balzac dans la littérature française contemporaine, Université du Temps Libre, La Rochelle
Balzac réinventé chez Pierre Michon, Jean Echenoz ou Régis Jauffret par A. Murat, 2005. L'Année balzacienne, n° 16, 361-382
Permanence de Balzac de Laélia Véron, dossier critique sur Fabula, 2019
Quand le roman revisite les classiques de la littérature
Ils osent revisiter les classiques de la littérature dans Le Parisien, 8 février 2019
Classiques revisités : nos conseils de lecture sur le site du CNL (Centre National du Livre), 02 avril 2020
Parodie, littérature [en ligne]. in Encyclopædia Universalis
Intertextualité théorie de l' [en ligne]. In Encyclopædia Universalis
L'intertextualité comme clé d'écriture littéraire par Houdart-Merot, V. (2006), Le français aujourd'hui, n° 153(2), 25-32
Du pastiche, de la parodie et quelques notions connexes. Sous la direction de Paul Aron, Nota bene, « Sciences humaines / littérature », 250 p.