Que pouvez-vous me dire sur le lustre de Perrache et son créateur Jean-Pierre Vincent ?
Question d'origine :
Je suis à la recherche de toutesinformations concernant le grand lustre de Perrache fait par Jean Pierre Vincent 1926-1992et informations concernantce Monsieur lieux de naissance et décès D’avance merci D. Sarot
Réponse du Guichet

Jean-Pierre Vincent (1926 - 1992) était un créateur de luminaires réputé pour avoir allié avec maestria le métal à la lumière. Son travail, design et épuré, s'est vendu dans le monde entier même si la ville de Lyon a été son principal commanditaire.
Il est notamment célèbre pour avoir réalisé le lustre aux dimensions exceptionnelles qui trône au coeur du centre d'échanges Perrache inauguré en 1976 ; un record mondial pour l'époque autant par sa taille que par son envergure.
Ses contemporains s'accordent pour dire que Jean-Pierre Vincent n'aurait pas eu de son vivant la reconnaissance qui lui revient. Ses réalisations sont aujourd'hui encore très peu connues du grand public, aucune exposition ou travail éditorial d'ampleur n'ayant à ce jour été consacré à son travail.
Bonjour,
Nous sommes heureux de retrouver dans nos archives cette précédente réponse du GDS, qui citait un article du Progrès publié en juillet 2003 sur le lustre de Perrache et dont une partie du contenu fut retranscrit pour l'occasion : Le grand lustre de la gare de Perrache :
Neuf mètres de hauteur, sept de largeur, vingt lames lumineuses en acier-inox de 9 mètres, une tige centrale qui supporte quatre boules lumineuses (deux de 1,25 m de diamètre et deux de 0,75 m de diamètre), le tout maintenu par deux couronnes métalliques. Tel un gigantesque diabolo, le lustre de Jean-Pierre Vincent a battu des records mondiaux.
Inauguré en 1976 par Louis Pradel, Charles Béraudier, le Préfet du Rhône et de nombreuses personnalités, le lustre fait partie intégrante du Centre d'échange. Tellement imbriqué dans la structure même, il faut pour le découvrir, soit lever la tête au centre du puits de lumière, et là, on a l'impression d'une pieuvre géante qui surveille de son oeil unique, la bonne communication des lieux. Aux premier et deuxième étages, l'effet est plus ludique, mais hélas, sans perspective. On devine alors une harmonie épurée et totalement soumise à la nouveauté du lieu. L'architecte lyonnais, Guy Vanderaa, a été le collaborateur de René Gagès, architecte du Centre d'Échange, durant les années 1970-1976. La phase-réalisation et installation des éléments décoratifs lui incombait et à ce titre il a bien connu Jean-Pierre Vincent, lui aussi décédé. « L'idée de Jean-Pierre Vincent était que le lustre soit mobile dans des effets de lumières, pour qu'il devienne un élément unificateur de l'espace central qui mettait en communication les différents étages. Il voulait que le lustre soit le symbole de cette unité. Les lames parcourues par des tubes de différentes couleurs, en tournant, devaient éclairer l'espace et mettre en valeur l'intermodalité du Centre d'échange, et la communication des fonctions »...
...Concrètement, le montage du lustre a été effectué sur place, par éléments à l'aide de paletages successifs lancés sur la trémie. Très vite, le problème de l'entretien s'est posé. Si c'est Lyon Parc Auto qui a été le maître d'oeuvre du bâtiment, c'est la Communauté urbaine qui en a la gestion. Le simple problème du nettoyage et du changement des lampes devient vite insoluble ou atteint des coûts somptuaires. Le 3 mars 1993, le Progrès annonce : « A l'assaut du lustre ». En effet, pour réduire les coûts d'entretien, la Courly a fait appel à des guides de haute-montagne pour le nettoyer. Pendant 48 heures, ils ont ainsi officié, suspendus au bout des cordes par leurs baudriers !
L'artiste Jean-Pierre Vincent avait lui aussi fait l'objet d'une question il y a quelques années. Celle-ci reprenait des éléments biographiques glanés dans l'article du Progrès daté de 2003 tout en ajoutant des informations trouvées dans un article plus ancien, publié en aout 1993 par Felix Benoit, quelques mois après le décès de l'artiste à l'automne 1992 : Jean Pierre Vincent.
"Jean-Pierre Vincent académicien du Merle Blanc, décédé en octobre 1992, fut un personnage infiniment séduisant. Curieux de toute chose, collectionneur de casques à pointe, il était en outre friand d’histoires mirobolantes dans l’évocation desquelles il excellait (…) André Mure dans son livre « Montée de l’observance » l’a cité à maintes reprises le considérant apparemment comme l’un des témoins majeurs de la vie lyonnaise. Nous nous estimions beaucoup et sa chronique satirique aurait mérité d’être enregistré en audiovisuel. (…)"
Cette même réponse du GDS reprenait aussi d'autres informations sur l'artiste publiées dans l'article du Progrès de 2003, qui rendait hommage autant à son travail de designer qu'à la personne. On apprend que la ville de Lyon était devenue son principal commanditaire et que l'on devait également à ce dernier la paternité de l'ancienne horloge monumentale de la gare de la Part-Dieu, aujourd'hui déboulonnée. Malgré des créations d'importance et la fabrication d'objets passés à la postérité, l'artiste et son oeuvre auraient disparu de presque tous :
Lors de la réalisation du Centre d’échange, outre le lustre, Jean-Pierre Vincent avait aussi créé les fresques en tôles laquées (côté escalators du Centre d’échange), inspirées du travail de Delaunay. « Ce sont des cercles colorés qui se rencontrent, toujours dans l’esprit unificateur des différents espaces, ajoute M. Blanc-Potard, architecte à Lyon et qui a bien connu l’auteur du lustre. Nous nous sommes rencontrés sur le chantier des éclairages du hall Presqu’île 2. Et nous avons fait connaissance d’une manière insolite. Jean-Pierre Vincent était tombé dans un trou des fondations, c’est moi qui l’ai emmené à l’hôpital, il avait le poignet cassé. C’était un personnage très créatif et passionnant. »
(…..)
Aussi auteur de la grande horloge de la Part-Dieu dans les années 1980, Jean-Pierre Vincent a fini ses jours dans un dénuement absolu. « Il est bien regrettable que la Ville de Lyon n’ait jamais organisé une rétrospective Jean-Pierre Vincent, il a créé plein de choses passées à la postérité, et il est mort ignoré de tous », conclut Guy Vanderaa."(...)
"Jean-Pierre Vincent a fait les Beaux-Arts au début des années 50 et était extrêmement attiré et intéressé par la serrurerie d’art. Il vient petit à petit au luminaire en alliant le métal et la lumière. Il crée alors les fameuses lampes en opale, dont le pied s’allume indépendamment du haut de la lampe, dans l’entreprise qu’il a monté : Verre Lumière. Il invente aussi la lampe de chevet noire, tube d’acier à l’intérieur duquel se trouve une ampoule et qui est articulé. Cette innovation toujours d’actualité a d’ailleurs été reconnue comme un des objets qui a fait le 20e siècle lors d’une exposition à New York. C’est à cette époque que Franck Grimal le remarque comme un grand créateur. Ils font ensemble des luminaires d’intérieur (…..)
Guy Vanderaa travaillait comme jeune architecte chez Gagès, lorsque Mazda prend contact avec lui pour réaliser les luminaires de la rue Victor Hugo. Il pense immédiatement à Jean-Pierre Vincent ( ….) C’était un poète, précise Guy Vanderaa, c’était un artiste et pas un homme d’affaire, et lorsque Mazda m’a parlé de cet éclairage public, j’ai immédiatement pensé à lui. Le résultat est ce que l’on sait, ces luminaires ont été vendus dans le monde entier »
En tant que créateur de luminaires, une petite fiche biographique lui est consacrée sur le site meublesetlumieres.com. Devenu particulièrement actif dans les luminaires entre les années 1950 et 1970, certaines de ses créations au style très épuré sont représentées sur le site et permettent de mieux appréhender son travail : suspensions à contrepoids, paire d'appliques murales, lampadaires etc.
Ce lustre psychédélique très "seventies" battait à son installation par sa taille des records mondiaux. En voici une belle photo dénichée sur le blog Sandrillon-in-Lyon avec une prise de vue en contrebas. Il est aujourd'hui détrôné mais reste à ce jour une référence parmi les mastodontes de la discipline. Pour l'anecdote, le titre reviendrait à présent au lustre qui orne la mosquée Cheikh Zayed aux Émirats arabes unis aux mensures exceptionnelles : environ 10m de diamètre pour 15m de large.
Critiqué depuis son inauguration en 1976 par le maire Louis Pradel, le centre d'échanges Perrache doit refaire peau neuve d'ici 2030 avec un gigantesque projet de rénovation confié au groupement Apsys + Quartus et estimé à plus de 100 millions d'euros. Au programme : refonte et agrandissement des espaces commerciaux et de restauration, des bureaux, des espaces mobilité douce et une végétalisation intensive du site (et mettre en valeur et développer les jardins suspendus de l'échangeur, toujours méconnu) et une rénovation énergétique.
Voir les images de synthèse du projet sur le site ActuLyon : "Verrue", "blockhaus" : quand Lyon construisait le centre Perrache il y a 45 ans (2022). Malgré un peu de retard, les travaux devraient bien débuter mi-février 2025 avec la démolition de la passerelle : Perrache : coup d’envoi de la transformation du centre d’échanges (met.grandlyon.fr).
A noter que le site Lyondemain, dans un article publié il y a de ça quelques jours, évoque l'avenir du lustre de Jean-Pierre Vincent qui ne devrait pas être reconduit au sein du nouvel espace du centre d'échange et sera en quête d'un nouveau lieu pour être exposé : Lyon-Perrache : le blockhaus va s’ouvrir d’ici 2030.
Pour aller plus loin au sujet du centre d'échanges et plus largement sur le quartier Perrache :
Lire le dossier : Le centre d'échanges de Perrache : l'invention de la multimodalité.
Perrache, des voûtes à la Confluence : l'étrange histoire d'un quartier lyonnais / Sylvie Marion-Feyeux ; illustrations de Guetty Long (bellier, 2011)
Pourquoi pas Perrache ? / Archives municipales de Lyon ; rédaction des textes, Myriam Boyer, Delphine Favre (Archives municipales, 2002)
Lyon : connaître son arrondissement : Le 2e : de Perrache à Bellecour, des Jacobins à Saint-Nizier / Jean Pelletier (Editions lyonnaises d'Art et d'Histoire, 1998)
En ce qui concerne la naissance du projet de Centre d'échange à Perrache, il serait intéressant d'éplucher les délibérations du conseil municipal de l'époque, tant le sujet a suscité la controverse, autant par son coût que son esthétisme, mais aussi en raison des grandes transformations opérées dans l'un des quartiers les plus estimées de Lyon. Pour rappel, les délibérations d'alors sont numérisées et consultables en ligne sur le site des archives municipales de la ville : Délibérations.
Bonne journée,