Quelles peines étaient encourues par les femmes qui montaient à bord des navires au 18e ?
Question d'origine :
Bonjour,
quelles étaient les peines encourues par les femmes (comme Jeanne Barret) (et équipages qui embarquaient des femmes en toute illégalité) à bord des navires français pour des expéditions au 18e siècle ?
En vous remerciant.
Réponse du Guichet

Si les peines encourues par ces femmes clandestines pouvaient dépendre du bon vouloir du capitaine, les marins qui les avaient aidées risquaient une peine de suspension pour les officiers et quinze jours de fers pour les matelots. La plupart du temps, ces femmes étaient débarquées à la première escale.
Bonjour,
Les bonnes mœurs du XVIIIe siècles considéraient que la présence d'une femme à bord ne pouvaient engendrer que trouble et désordre. Si bien que l'on décida que les femmes portaient malheur à bord des navires.
Quelle peine risquaient-elle ?
Il semblerait que ces femmes soient le plus souvent "débarquées" au premier port venu mais ne craignaient, semble-t-il pas d'amende particulière. C'est ce qu'indique cet article que nous vous invitons à consulter : Voyageurs clandestins dans la marine marchande au XVIIIe siècle, d'après les archives du port de Lorient, écrit par Geneviève Beauchesne (Outre-Mers. Revue d'histoire Année 1962 174 pp. 5-79) qui relate de nombreux cas de passagères clandestines au port de Lorient.
L'autrice explique que pour les hommes déjà, il n'y a pas de règle fixe et que leur sort dépend du bon vouloir du capitaine :
"il n'y a pas de règle fixe dans la façon dont les clandestins sont traités : si certains capitaines en prennent une grande partie en remplacement et leur font attribuer un salaire, d'autres débarquent tous les leurs, que ceux-ci se soit cachés pour passer aux îles ou dans l'espoir de se faire embaucher ; mais le nombre des commandants qui prennent cette dernière mesure est d'un tiers plus grand que celui des autres ; de plus ce sont surtout ceux qui avaient à bord les plus forts contingents : les armateurs étaient peut-être moins bonasses que la Compagnie et ils ne tenaient sans doute pas à payer dix ou quinze individus de plus, même à la solde des mousses. Peut-être est-ce une des causes qui amènent le fléchissement constaté dans le flot des embarquements après 1773 ? La perspective d'être déposé sans argent et sans protection dans un pays inconnu pouvait faire réfléchir au moins les plus sensés ".
Toutefois, les matelots qui auraient pu aider des femmes à se cacher pouvaient être sanctionnés :
Une ordonnance du Roi de France, Louis XIV, datant de 1689 indique :
XXXV.
Sa Majesté défend aux Officiers de ses vaisseaux & aux gens de l'équipage de mener des femmes à bord , pour y passer la nuit, & pour plus long-tems que pour une visite ordinaire, à peine d'un mois de suspension contre les Officiers; & contre les gens de l'équipage, d'être mis quinze jours aux fers.
source : Ordonnance de Louis XIV pour les armées navales & arsenaux de marine . Du 15 avril 1689
" L'Ordonnance de la Hanse Teutonique entre dans un plus grand détail & varie les peines.
[...]
Les articles 31 & 32 défendent aussi aux matelots de faire festin dans le navire sans la permission du maître, à peine de perdre la moitié de leurs gages, & à tout matelot de faire coucher sa femme à bord à peine de cinquante fols d'amende. "
source : Nouveau commentaire sur l'ordonnance de la marine... par M. René-Josué Valin.... Tome 1
Dans L'aventurière de l'Etoile : Jeanne Barret, passagère clandestine de l'expédition de Bougainville (publié en 2020), Christel Mouchard explique :
L'interdiction en fait est loin du redoutable comme de l'absolu. La faute qualifiée n'est que la débauche pratiquée pendant les escales, et la sanction peu dramatique - un mois de suspension, quinze jours de fers. On voit plus loin dans la même ordonnance que le blasphème est plus sévèrement puni : un mois de fers. Ces peines sont d'ailleurs diversement appliquées, comme celles qui frappe le pacotillage [...]
Interdire des femmes à bord ? Comment édicter une règle absolue en la matière puisque des passagères autorisées transitent sur les vaisseaux du roi à destination des colonies ?
Plus Philibert considère le sujet, et plus nettement il voit qu'il y a contradiction entre la théorie et la pratique, la rumeur et la réalité. On dit qu'embarquer une femme est un crime ; on dit qu'une femme, si elle osait enfreindre l'interdiction, serait assaillie par les marins en rut ; on dit même que les femmes portent malheur à bord... Pourtant, il y a bel et bien des femmes sur les navires, qui ne sont victimes d'aucun viol et ne déchaînent pas le feu du ciel. Leur présence est certes peu visible, parfois pas même mentionnée sur les rôles d'équipage et révélée seulement s'il y a naufrage ou conseil de guerre. Les traces infimes qu'elles ont laissées dans les archives françaises n'ont pas encore été systématiquement compulsées à notre connaissance.
Bonne journée.
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