Quel est le nombre de gendarmes et policiers morts lors de la première guerre mondiale ?
Question d'origine :
Bonjour ,
je souhaite savoir le nombre de gendarmes , et policiers , morts dans les tranchées lors de la première guerre mondiale ?
Réponse du Guichet

Pour les gendarmes, on retrouve peu ou prou un chiffre d’environ 880 tués ou morts au front durant la Première Guerre mondiale. Pour les policiers, il semble que nous ne disposions pas de chiffres, l’unification de la police ne datant que de 1941 et les situations territoriales étant trop disparates.
Bonjour,
Gendarmerie:
Le rôle des gendarmes pendant la grande guerre a pu être décrié par les poilus. Ils étaient souvent chargés de la surveillance des soldats, et considérés comme des planqués :
«Jusqu’à la fin du conflit, plus de 17 000 gendarmes firent partie, par relèves successives, des formations prévôtales, avec un nombre maximal de 6 000 prévôts présents au front. Ce service prévôtal revêtit des aspects traditionnels tels que la police des cantonnements, la répression du pillage, de l’espionnage, la protection et l’évacuation des blessés.
Mais ces prévôts furent aussi chargés d’appliquer des règlements impopulaires aux soldats : surveillance des débits de boisson, garde des prisons prévôtales, instructions près des tribunaux militaires. Investis de missions ingrates, les gendarmes prévôtaux devinrent alors rapidement des boucs émissaires, les fameux «cognards» ou «cognes», littéralement ceux qui frappent et mettent dans le «coin», bref, qui interpellent et jettent en prison. Pour la majorité des poilus, les gendarmes furent des embusqués qui ne partagèrent pas leur sort et qui profitèrent de la situation. Ainsi naquit la légende noire de la prévôté.
L’image de la gendarmerie s’en trouva durablement flétrie bien au-delà de l’Armistice, au point que sa « militarité » fut progressivement remise en cause. La bataille que livra l’Arme, aux armées et à l’intérieur, se doubla dès lors d’une lutte pour son honneur vis-à-vis de l’opinion publique, puis de la postérité. Dans les années 1930, on refusa encore d’attribuer la carte du combattant aux prévôtaux de Grande Guerre.»
Il n’en reste pas moins que ce corps a aussi payé son tribut à cette guerre meurtrière.
«Par-delà les critiques, il convient de rappeler que la gendarmerie n’avait pas démérité puisqu’elle compta deux généraux, 43 officiers et 834 gendarmes tués ou morts au front, 2 300 blessés et 4 800 citations»
A l’épreuve de la Grande guerre, Ministère de l’intérieur, Gendinfo.
Selon la même source, il semble que ce soit sans compter les gendarmes qui se sont engagés :
«Pour pouvoir combattre, de nombreux gendarmes réclamèrent alors leur reversement dans les troupes de ligne. Entre le 26 septembre 1914 et la fin 1918, quarante-six officiers et 804 hommes obtinrent d’être détachés dans des formations combattantes. Selon les chiffres officiels, 258 mourront sous d’autres uniformes que ceux de la gendarmerie.»
Pour aller plus loin :
Jean-Noël LUC, dir. Histoire des gendarmes de la Maréchaussée à nos jours, Paris, Nouveau Monde éditions, 2016, pp. 94-95.
Louis PANEL, « Cognes, hommes noirs et grenades blanches : les enjeux de la représentation des gendarmes de la Grande Guerre », Sociétés & Représentations, vol. 16, no. 2, 2003, p. 167.
Yann GALERA. « Les prévôtés vues par les Poilus », Guerres mondiales et conflits contemporains, vol. 210, n° 2, 2003, p. 111.
Une autre source donne sensiblement les mêmes chiffres :
«Le monument de la gendarmerie, à Versailles, porte gravé le chiffre de 878 militaires de tous grades morts pendant la guerre. Si 386 ont été victimes de maladie ou d’épuisement, 255 ont été tués par des bombes ou des obus et 122 ont succombé en combattant dans une tranchée ou à bord d’un avion.»
Dans Gendarmerie et Grande Guerre, une histoire mal connue, par Laurent Vidal, revue Défense Nationale, 2018/9, n°814
Voir aussi la vidéo La grande guerre des gendarmes, Musée de la gendarmerie nationale, Ministère de l’intérieur
Police :
Nous n’avons pas trouvé de données chiffrées concernant les policiers morts sur le front. Il semble que les situations étaient, à l’époque, trop disparates pour pouvoir envisager un chiffre global.
«L’organisation et les missions du ministère de l’Intérieur
En 1914, relèvent du ministère de l’Intérieur : l’administration centrale, le corps préfectoral et son administration, la police d’État (police judiciaire, sûreté générale). La gendarmerie dépend alors du ministère de la Guerre sous la tutelle conjointe des ministères de la Justice et de l’Intérieur, et, pour certaines formations spécialisées, de la Marine et des Colonies. La police relève essentiellement de corps municipaux, à l’exception de Paris, Marseille et Lyon. Les sapeurs-pompiers sont également organisés sur une base municipale, sauf à Paris. Le ministère de l’Intérieur assure la sécurité du territoire à l’intérieur des frontières et le bon fonctionnement de l’État en temps de guerre. Ses attributions sont les suivantes : surveillance des frontières et des populations civiles, recensement de potentiels ennemis sur le sol français, contre-espionnage et lutte contre le sabotage, protection et secours aux civils, maintien de l’ordre au front et à l’arrière, police administrative. Au fur et à mesure que la guerre dure, les attributions des préfets englobent bientôt la régulation de l’ensemble de la vie économique et sociale du pays […]
En 1914, la population de la France atteint 40 millions d’habitants. Le Pays déplore 1 697 800 morts à la fin de la guerre, dont 300 000 civils, auxquels s’ajoutent les 4 266 000 blessés militaires. Concernant les agents du ministère de l’Intérieur :
– plus de 300 membres du corps préfectoral partent au front pour combattre, 44 sont tués.
– 190 gardiens de la paix meurent pendant la Grande Guerre et 452 sont blessés.
L’identité «police nationale» n’existant pas à l’époque, il est très difficile d’estimer le nombre de personnes tuées relevant de la police.
Concernant la gendarmerie, 880 gendarmes sont « morts pour la France » en 1914-1919 dont 269 détachés dans des unités combattantes et 449 dans des unités prévôtales. D’autres gendarmes trouvèrent la mort des suites de la grippe espagnole (entre 1918 et 1919) ou bien furent tués par des déserteurs.
276 sapeurs-pompiers sont tués au combat et 8 sapeurs-pompiers de Paris « meurent au feu » en luttant contre les incendies (dont 2 à Verdun et 4 à Reims).»
Catalogue de l’exposition «Femmes et hommes du ministère de l’Intérieur dans la Grande Guerre»
«On a longtemps oublié que Paris n’était pas la France et que l’unification nationale des polices était chose tardive: elle ne date que de 1941; la diversité a longtemps prévalu en ce domaine».
Mais que font les historiens de la police?, Vincent Milliot dans Les Métiers de police. Être policier en Europe, XVIIIe-XXe siècle.
Les situations sont donc fort disparates. Voir en ligne : Le maire et son commissaire. Une histoire des polices municipales sous la Troisième République, Charles Diaz, IHEMI
A titre d’exemple encore, même pour des polices nationales comme celles de Lyon et Paris, les mobilisations ne sont pas du tout les mêmes:
«La mobilisation ampute la police lyonnaise de la moitié des hommes disponibles.»
Antoine Cintas. Les pouvoirs publics et la police face à l’antimilitarisme et au pacifisme dans l’agglomération lyonnaise (1900-1918) : surveillance et répression des mouvements anarchistes, socialistes et syndicalistes. Histoire. 2020.
Tandis qu’à Paris:
«Le quadrillage de la capitale est assuré par les agents de la Préfecture de police, dont le nombre a peu diminué avec la mobilisation, passant de 8000 à 7000, ainsi que par les militaires de la Place de Paris située aux Invalides.»
Les déserteurs à Paris pendant la Première Guerre mondiale, Emmanuelle Cronier, dans Clandestinités urbaines : les citadins et les territoires du secret (XVIe-XXe)
Bibliographie complémentaire :
Histoire des polices en France : des guerres de Religion à nos jours
Histoire des polices en France : de l'Ancien Régime à nos jours, Jean-Marc Berlière, René Lévy
La grande guerre des gendarmes, Louis N. Panel
Journal d'un gendarme [Livre] : 1914-1916 / Capitaine Jules Allard ; présentation d'Arlette Farge
Célestin Louise [Livre] : flic et soldat dans la guerre de 14-18 / Thierry Bourcy
Policiers de bonne volonté ?, L'impossible constitution d'une garde civile en France (1913-1920), par Arnaud-Dominique Houte? Vingtième siècle 2013/2
Polices et policiers dans la Première Guerre mondiale, par Jonas Campion et Laurent López, Mondes sociaux, 19/10/2020 ·
Bonnes lectures !