Question d'origine :
Bonjour cher Guichet du Savoir,
Gagne-t-on à être moins polluants en passant au "tout numérique" ? (exemple : impressions papier versus numérisation de documents).
Merci !
Réponse du Guichet

Les impacts environnementaux des supports papier et numérique ne semblent pas pouvor être comparés dans l'absolu. Le support à privilégier semble varier selon les usages envisagés. Toutefois, la tendance générale est à la prise de conscience des dommages protéiformes causés à la planète par le numérique, qui prend une place de plus en plus importe dans nos vies... Le dématérialisé a des conséquences très concrètes sur la planète et le document numérique est tributaire de toute une architecture énergivore pour fonctionner (data center, câbles, ordinateurs, smartphones etc.). Aller vers plus de sobriété numérique et imprimer de manière éco-responsable tout en variant de support en fonction des situations pourrait être la solution.
Bonjour,
De nombreuses études et beaucoup d'articles ont été consacrés à la fausse viabilité écologique du tout numérique et à l'opposition, un peu simpliste, entre le support imprimé et le support digital. Le papier et le digital ont tout deux des impacts environnementaux. Utiliser tout l'un ou tout l'autre ne semble pas avoir de sens de nos jours, il s'agit plutôt d'envisager des pratiques variées selon les usages envisagés.
Mis à jour le 5 mars 2025, ce grand dossier de l'agence gouvernementale, Arcep (Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse), donnait des chiffres éloquents sur l'impact environnemental du numérique dans le monde, et s'inquiétait d'une tendance à la hausse qui semble inéluctable pour les années à venir (déploiement de la 5g puis de l'IA). Même si la dématérialisation a longtemps été perçue comme un levier majeur pour réduire l'empreinte écologique (et le papier comme un signe de gaspillage), nous sommes aujourd'hui beaucoup revenus sur ces idées reçues. Pour comparer honnêtement les deux supports, il faut mesurer l'impact de tout le cycle de vie d'un document, à savoir comme l'explique Archimag dans cet article de janvier 2025 :
comptabiliser les impacts des moyens qui ont permis de produire, de transporter et de diffuser les documents considérés. Dans le cas du papier, on compte par exemple des tonnes de papier, des litres d’encre, des machines d’impression et des kilomètres parcourus. Dans le cas d’un support numérique, on compte des serveurs, des ordinateurs, des flux réseaux ou encore des écrans.
Source : Le plus écologique : Papier ou Numérique ? (Archimag)
Lorsqu'il s'agit du cycle de vie d'un document numérique et de sa valeur écologique, il convient de rappeler que ce dernier est aussi tributaire de l'impact écologique des outils qui permettent de le lire. L'extraction de minerais, l'assemblage du produit, les trajets parcourus par chaque composant etc. pour fabriquer des ordinateurs et des smartphones sont problématiques. Les infrastructures réseau (câbles sous-marins) et les data center qui soutiennent l'architecture du numérique posent également problème. Nous vous conseillons à ce sujet ce très bon article sur l'impact du numérique sur l'environnement.
Il ne s'agit pas pour autant de condamner totalement le numérique, mais plutôt de bien comprendre l'ensemble des paramètres à prendre en compte lorsque l'on aborde cette question. A ce propos, cette enquête conduite par Quantis avec le groupe La Poste en 2020 montrait bien que, selon les usages, le papier et le numérique avaient des impacts environnementaux distincts. Une facture d'électricité ou l'édition du catalogue d'une marque de mobilier doivent faire l'objet de décisions différentes, et il est parfois préférable de miser sur le numérique plutôt que d'utiliser le papier. Il s'agierait en effet de marier les usages :
Papier et digital, ont des impacts environnementaux. Basculer d’un support imprimé à un support digital doit être évalué globalement, en fonction de l’usage envisagé :
- Plus un document a une durée de vie longue et est manipulé par de nombreuses personnes, plus il est judicieux de l’imprimer.
- En revanche, si le document a une durée de vie courte et ne nécessite pas d’être conservé, il est préférable d’utiliser un format numérique.
Il est bien sûr possible de coupler les deux formats : par exemple un document imprimé diffusé aux cibles pour lesquelles une version papier est indispensable et un format en ligne complet (comprenant une synthèse pour un premier niveau de lecture et une version plus riche pour les personnes souhaitant approfondir leur lecture) régulièrement actualisé et diffusé largement.
Source : Rapport - "L'impact environnemental des supports de la communication client" groupe La Poste sur le site de l'Agence de la transition écologique.
Néanmoins, les chaînes d'interdépendance des coûts sont tellement fortes lorsqu'il s'agit du numérique que de nombreux acteurs militent pour plus de sobriété numérique. En effet, "Le numérique c'est pas automatique" comme le rappelle ce rapport du Shift Project, think tank présidé par Jean-Marc Jancovici qui alertait dès 2018 sur les fausses promesses environnementales du dématérialisé :
La contribution nette du numérique à la réduction de l’impact environnemental reste donc à démontrer, secteur par secteur, en prenant garde aux nombreux « effets rebond ». De fait, le numérique manifeste une tendance exactement inverse à celle qui lui est généralement attribuée : dématérialiser l’économie. Nous constatons que les évolutions actuelles des impacts environnementaux du numérique vont à l’encontre des objectifs de découplage énergétique et climatique du PIB fixés par l’Accord de Paris sur le climat signé en 2015.
Les impacts attendus de la transition numérique sur la productivité et la croissance ne sont pas visibles dans les pays développés sur les 5 dernières années. Le taux de croissance de la zone OCDE reste stable autour de 2 %, alors que la croissance des dépenses numériques est passée de 3 % à plus de 5 % par an : décidément, les effets attendus du numérique sont loin d’être automatiques.
Source : « Pour une sobriété numérique » : le nouveau rapport du Shift sur l’impact environnemental du numérique - Theshiftproject
Enfin, vous pourriez vous appuyer sur cet article comparatif d'easycom pour mieux comprendre les impacts inhérents au papier et au numérique et développer des manières de faire plus vertueuses, selon que vous utilisiez l'un ou l'autre. L'article est écrit au profit d'entreprises qui souhaiteraient aller plus loin dans la sobriété énergétique mais convient tout aussi bien aux usages d'un particulier. Des techniques à mettre en place dès maintenant peuvent vous aider à réduire votre impact environnemental : trier ses mails, éviter les clouds et privilégier le stockage local, privilégier le wifi et les moteurs de recherche vertueux etc. Idem pour une impression plus eco-responsable : encres à base d'eau oou végétales, un papier certifié ou labellisé etc.
Sur ce sujet nous ne pouvons que vous encourager à lire ce numéro de la revue Réseaux, disponible sur Cairn : Écologiser par le numérique ? (2024), 244,
Au sujet des livres ou des liseuses et de leur impact écologique, difficile encore une fois de mettre un point final au débat. Nous vous transmettons pour finir cet article de Reporterre qui s'était essayé en 2021 à la comparaison : Livre papier ou liseuse électronique, qui est le plus écolo ?. On dirait bien que tout dépend de votre rythme de lecture :
Chacune de ces étapes pour les deux objets va émettre des gaz à effet de serre. Combien pour le livre, combien pour la liseuse ? Plusieurs études se sont essayées à cet exercice, elles sont parfois partiales et les chiffres varient en fonction des modèles et de la taille. L’étude de Cleantech, commandée par Amazon, annonce que la Kindle sera responsable de l’émission de 168 kg de CO2, et le livre de 7,4 kg de CO2. L’étude de Carbone 4 et Hachette Livre estime quant à elle que la fabrication d’un livre émet 1,3 kg de CO2, quand une liseuse Sony Reader 1re génération en produira 235 kg. Dans le premier cas, il faudra lire 23 livres pour que la liseuse soit écologiquement rentable. Dans le deuxième, il en faut 180. Tout dépendra donc surtout de votre rythme de lecture pour éventuellement rentabiliser une liseuse.
Source : Livre papier ou liseuse électronique, qui est le plus écolo ? - Reporterre.
Bonne journée,