Comment devenir impassible ?

Bonjour, 

Le Grand Robert de la langue française (2001) offre deux définitions du mot "impassible", qui n'ont pas tout à fait la même signification :

1. Qui n'est pas susceptible de souffrance. Les corps glorieux sont impassibles (opposé à passible). 

2. Qui n'éprouve ou ne trahit aucune émotion, aucun sentiment, aucun trouble. --> Calme, dur, ferme, flegmatique, froid, imperturbable, indifférent, inébranlable etc. 

Vous souhaitez apprendre à gérer différemment vos émotions pour ne pas les laisser vous envahir, à rester impassible, c'est à dire étymologiquement "sans passion". Rester "maître" de soi-même en ne laissant rien transparaître de ce qui nous agite ou bien accéder à une forme de tranquillité de l'âme qui nous placerait au-delà de la souffrance, imperturbable face aux émotions "négatives" (colère, jalousie, tristesse, frustration etc.), font partie des questionnements que se sont posés les philosophes du bonheur. Il ne s'agit généralement pas d'éliminer les émotions de nos existences, mais de parvenir à ne pas les laisser prendre le contrôle sur nos vies. Laisser jaillir les douleurs et les plaisirs nécessaires pour mieux réprimer les troubles superficiels. La philosophie antique et notamment le courant du stoïcisme pourraient vous mettre sur la voie et vous apprendre à mieux gérer vos émotions. C'est une philosophie aussi théorique que pratique, qui repose sur plusieurs principes, permettant d'atteindre ce que les Grecs appelaient l'ataraxie : 

• Un principe de séparation entre ce qui dépend de nous et ce qui ne dépend pas de nous. C'est une reconnaissance de notre impuissance à changer certaines choses. Désirer des choses impossibles, sur lesquels je ne peux avoir d'emprise, me condamne à être malheureux. 

• Une responsabilité par rapport à nos émotions. Le stoïcisme nous apprend à les maîtriser, à rester "stoïque". C'est une indifférence consciente, volontaire et non un comportement irréfléchi ou irresponsable. Si je ne peux agir pour éteindre les raisons de ma colère, pourquoi me mettre en colère ? Cela ne va rien changer. 

• Le stoïcien ne se préoccupe que du périmètre sur lequel il peut agir et ne se soucie pas du reste, ce serait une folie. Loin de renoncer à agir, le stoïcisme invite à avoir un regard lucide sur notre rapport au monde et notre capacité à agir sur lui. Par exemple, toute la tristesse qui peut nous envahir lorsque nous perdons quelqu'un de cher pourrait s'atténuer en apprenant à mieux accepter l'inéluctable. 

Nous nous appuyons sur l'analyse du stoïcisme du Précepteur, une excellente chaîne de vulgarisation philosophique sur YouTube, que nous vous invitons à visionner : LE STOÏCISME - Vaincre nos émotions. 

Parmi les ouvrages les plus influents en matière de stoïcisme ces petits livres font, depuis des siècles, office de guides pratiques pour mettre en application ces préceptes : 

• Manuel d'Épictète / recueilli par Arrien ; traduction et notes par Emmanuel Cattin ; introduction et postface par Laurent Jaffro (GF, 2015) : "Stoïcien, Épictète invite à pratiquer la philosophie comme une gymnastique, un moyen d'agir sur soi-même plus qu'une somme de connaissances."

• Pensées pour moi-même / Marc Aurèle ; traduction de A.-I. Trannoy (Les belles lettres, 2015) : "Empereur qui étudia la philosophie stoïcienne, Marc Aurèle se préoccupait du bien commun et de la justice ainsi que du bien-être individuel. Ses pensées se présentent sous la forme d'une succession de maximes qu'il s'adressait à lui-même, notations morales, leçons d'actions passées ou moteurs d'actions nouvelles."  

Et nous ne résistons pas à l'envie de vous partager ce texte qui s'appuie sur les Pensées de l'empereur Marc Aurèle, pour en rappeler la pertinence aujourd'hui encore : Le rêve de Marc Aurèle : l'empereur philosophe qui nous aide à vivre / Frédéric Lenoir (Flammarion, 2024) : "Sous la forme d'un roman, l'auteur brosse le portrait de Marc Aurèle. Présentant les grandes clés du stoïcisme, il démontre que la pensée de l'empereur philosophe romain est étonnamment pertinente face aux défis contemporains et à la recherche du bonheur au XXIe siècle." 

Pour approfondir, rendez-vous sur stoïgallica, le site d'une association qui s'emploie à étudier et diffuser ce courant de pensées né dans l'Antiquité dans nos sociétés modernes. Leur site est riche en documentations et en témoignages et permet d'entrer en contact avec d'autres personnes qui agissent et se nourrissent au quotidien en accord avec cette philosophie. 

Voici d'autres références parmi lesquelles puiser des ressources pour conduire sa vie :

• Épisode 2/4 : L’art d’être heureux - Les Chemins de la Philosophie (France Culture), quelques conseils pour mieux vivre, du philosophe A. Schopenhauer. 

• Leçons de bonheur : exercices philosophiques pour bien conduire sa vie / Ilaria Gaspari ; traduit de l'italien par Romane Lafore (PUF, 2020) : "L'auteure présente six écoles philosophiques grecques, dont celles de Pythagore, d’Épictète et de Diogène, pour montrer comment leurs préceptes peuvent aider à mieux vivre." 

• Et avec une approche distincte, mêlant étude du corps, représentations de la tristesse et féminisme, à rebours d'une volonté de contrôle extrême de ses émotions : Une philosophie des sanglots / Estelle Ferrarese (Rivages, 2025) : "Une étude philosophique des sanglots, qui représentent une attaque du corps contre la parole, la pensée ou encore la posture debout, et surviennent dans une situation d'impuissance. L'auteure présente la force de ces pleurs et ce qu'ils impliquent sur le corps ainsi que sur la psyché."

Enfin, cet article de Damien Boquet et Didier Lett étudie l'histoire des émotions et ses représentations, et examine comment les normes sociales et culturelles influencent l'expression et la compréhension des émotions chez les hommes et les femmes : Les émotions à l’épreuve du genre (Clio, 2018). Il permet de mieux se saisir de l'injonction à la maîtrise des émotions chez les hommes et à porter un regard différent sur l'expression des sentiments humains. 

Bonne journée,