Quels ouvrages abordent la question des empreintes dans l'art ?
Question d'origine :
Bonjour,
Je suis à la recherche d'ouvrages de tous genre sur l'empreinte dans l'art ? Une trace qui peut être éphémère comme perenne.
Réponse du Guichet

Dans l’histoire de l’art, l’empreinte est omniprésente et ce, en tant que technique mais aussi en tant que dessein désigné par les artistes, en qualité de perspective ontologique de l'œuvre (quelles empreintes au sens d’influence se dispersent d'œuvres en œuvres ?) ou dans l'œil du spectateur (l’empreinte au sens de souvenir, impact sur la mémoire, le psychisme d’une personne).
Et ce dès les origines de l’art, dès l’art préhistorique.
Nous vous proposons des ouvrages classés par thématique.
Bonjour,
La liste des ouvrages que nous vous proposons relèvent de profondeurs intellectuelles diverses, d’essais érudits aux manuels de pratiques artistiques. Nous avons circonscrit tout de même les ouvrages uniquement en français. Nous avons exclu la littérature et la musique pour nous concentrer sur les arts dits plastiques.
Il va s'en dire que la somme pléthorique des artistes ayant pris appui sur l'empreinte pour concevoir leur œuvre ne permet pas de vous délivrer ici une liste exhaustive des ouvrages sur l'empreinte. Ceci est donc une sélection.
“Le mot empreinte recouvre tant de pratiques et tant de résultats différents que l’ambition ne pouvait nous effleurer un instant de faire de ce mot une catégorie unitaire, un style, un nouvelisme pour l’art du 20e siècle.”
L’empreinte, Centre Pompidou.
Voici tout d’abord quelques ouvrages qui offrent une approche plutôt générale de la question de l’empreinte dans l’art :
La ressemblance par contact : archéologie, anachronisme et modernité de l'empreinte / Georges Didi-Huberman. Cet “essai tente de répondre en retraçant une histoire synoptique de l'empreinte”.
Indispensable et fondateur de la vague d’intérêt pour l’empreinte dans l’art.
Cet auteur a été également commissaire de cette exposition remarquable : L'empreinte : exposition, Paris, Centre Georges Pompidou, Musée National d'art moderne, 19 fév. - 19 mai 1997 / sous la dir. de Georges Didi-Huberman
Cet ouvrage est capital pour qui veut avoir une approche esthétique (théorique) de l'empreinte dans l'art. Des artistes contemporains sont principalement convoqués en exemple. Autre grand théoricien de l’empreinte, en photographie cette fois-ci : Roland Barthes et son essai La chambre claire. Ce texte s’articule autour de la photographie indicielle et du souvenir de la mère de l’auteur :
“C’est parce qu’elle est empreinte et non ressemblance que la Photo du Jardin d’Hiver déclenche l’expérience foudroyante du retour du mort, où le fils ne reconnaît pas sa mère, mais la "retrouve".”
Entre film et photographie : essai sur l'empreinte / Barbara Le Maître
“Il s'agit de revenir sur l'empreinte lumineuse à partir de l'empreinte psychique”. Cet essai est d'avantage orienté sur le cinéma et la photographie.
Nous vous proposons ensuite des ouvrages soit par médium soit par artistes significatifs de l'empreinte dans l’art.
L’empreinte depuis de le corps, comme dispositif plastique :
Depuis le préhistoire, l'empreinte est là, notamment via le motif des mains négatives que l'on trouve dans l'art.
Les mains négatives / Bernard Salignon.
“Une réflexion philosophique consacrée à la main et à son geste dans l'art, un rôle particulier illustré notamment par les mains négatives sur les parois des grottes du paléolithique.”
A lire à ce sujet, le premier chapitre du sublime livre de Marie Josée Mondzain Homo spectator qui détaille la façon dont les mains sont devenues le lieu des premiers regards.
Sculpture :
Parmi les artistes modernes et contemporains qui ont fait de l'empreinte un dispositif fort, on peut citer :
Empreinte des corps sur les surfaces
Yves Klein
Yves Klein : corps, couleur, immatériel : exposition présentée à Paris, Centre Pompidou, du 5 octobre 2006 au 5 février 2007 ; à Vienne, Museum ModernerKunst Stiftung Ludwig Wien, du 9 mars au 3 juin 2007 / commissaire Camille Morineau
Antoni Tapies
Antoni Tàpies : oeuvres, écrits, entretiens / Youssef Ishaghpour
Giuseppe Penone
Giuseppe Penone : exposition, Musée de Grenoble, du 22 novembre 2014 au 22 février 2015
Dennis Oppenheim et son oeuvre Identity Stretch est un artiste qui a exploré l’empreinte comme processus créatif principal.
Whirlpool (Eye of the Storm), 1973 / Reading Position for Second Degree Burn, 1970
Dennis Oppenheim : exposition, Saint-Etienne, Musée d'art moderne, 14 mai-21 août 2011
Des empreintes sur les corps
Illustrated people / Thomas Mailaender. On peut voir ici des formes d'empreintes plutôt éphémères. A l'instar de la buée sur le piano dans l’œuvre Breath On piano de Gabriele Orozco. A l'inverse, dans une forme pérenne, on retrouve le tatouage et on peut également consulter l’ouvrage suivant, scientifiquement extrêmement abouti :
Tatoueurs, tatoués / coordination scientifique du catalogue Anne & Julien, Sébastien Galliot et Pascal Bagot.
En photographie, l’empreinte est l’essence même de cette discipline, tout comme son principe de base de la photographie.
Notes sur l’index (1977) de Rosalind Krauss : « Toute photographie est le résultat d’une empreinte physique qui a été transférée sur une surface sensible par les réflexions de la lumière. La photographie est donc le type d’icône ou de représentation visuelle qui a avec son objet une relation indicielle. »
“L'image photographique, en revanche, est une emprunte à distance, puisqu'elle est due à l'effet chimique produit par un flux de photons émis ou réfléchis par l'objet photographié. Le fait que l'image photographique soit l'empreinte réelle de ce qu'elle reproduit la distingue fondamentalement de l'image picturale : alors que cette dernière est située d'emblée dans l'intentionnalité artistique, l'image photographique renvoie toujours en premier lieu au réel qu'elle reproduit.”Jean-Marie SCHAEFFER, Vocabulaire d'Esthétique, Étienne SOURIAU
Exemple éloquent :
Les Cyanotype d'Anna Atkins
Même dans le nom des premiers types de photographies, on retrouve cette idée d’empreinte, de mémoire. On appelle les daguerréotypes les "Les Miroirs qui se souviennent". Le daguerréotype français : un objet photographique : exposition, Paris, musée d'Orsay, 13 mai-17 août 2003
Aujourd’hui, l’empreinte refait surface via le courant de la slow photographie et par exemple Lea Habourdin dont le travail est décrit ainsi “Inscription du monde, la photographie se libère de son impact écologique. C’est une empreinte sans empreinte.” (Une empreinte sans empreinte Réaliser un anthotype avec Léa Habourdin / Étienne Hatt)
A noter, un excellent essai sur l’empreinte sacrée via le saint Suaire ou le voile de Sainte Véronique : Photographie et croyance : images-empreintes, images vraies / Daniel Grojnowski. Essai édifiant pour qui veut comprendre en quoi les images sont intrinsèquement liées à l'empreinte en général.
De par sa technique, la gravure est éminemment un art de l’empreinte.
“ On distingue les empruntes par contact et les empreintes à distance. Ainsi, la gravure résulte du contact direct d'une planche de bois ou de cuivre avec une feuille de papier.”Jean-Marie SCHAEFFER, Vocabulaire d'Esthétique, Étienne SOURIAU
Aussi, voici quelques exemples d'ouvrages sur le sujet :
Comment regarder la gravure : vocabulaire, genres et techniques
Wax stories / [rédaction : Marie-Cécile Zinsou, Halima Moumouni-Jeanjean, Sophie Douay
Gyotaku : empreintes de la mer
L’empreinte, c’est aussi quelque part la signature de l’artiste ou la marque en arts décoratifs.
“ Au même titre que le nom, l’empreinte restitue des individualités, laisse une signature qui affirme une identité, fait renaître une entité.”
Dans une perspective contemporaine de la signature, on peut voir dans le street art une volonté de laisser son empreinte, son message dans l’espace public.
A consulter : We are here : exposition, Paris, Petit Palais, 12 juin 2024-19 janvier 2025
Métaphoriquement, l'empreinte au sens de laisser une marque, un souvenir est aussi un motif récurrent en art.
“Remonter le temps. En hébreu, le verbe zekher se traduit aussi bien par « graver » (acte de laisser une trace visible et durable) que par se « souvenir » (retour à l’esprit d’un fait rapporté à un moment précis du passé). Dans la définition de ce mot hébreu, existe un lien très fort entre les « choses » du passé et leur transmission : l’action de se souvenir tendrait à pérenniser l’acte sur un support (mental ou physique) pour échapper à sa disparition dans le temps. L’empreinte serait une forme particulière de la connaissance du passé, car le révolu pourrait être réactivé et ré-ordonné puisque figé à même la matière comme illustre le mot zekher. “
Source : L'empreinte, le sens de l'absence / Arnaud Lapierre
On pense alors à des photographes qui travaillent sur l’empreinte de l’homme sur son environnement et ses effets délétères, comme chez Vincent Bousserez ("Il faut avoir conscience des traces visibles ou invisibles de l’homme, et il est nécessaire de montrer cette empreinte, plutôt que d’éviter d’y penser")
ou Julian Charrière.
Bonnes poursuites dans vos recherches,