Les comptes rendus du Conseil des Ministres sont-ils des archives publiques définitives ?
Question d'origine :
Bonjour,
Je souhaiterais savoir les comptes rendus du Conseil des Minstres peuvent être considérés comme des archives publiques défintives ?
Par rapport aux caractéristiques des 3 âges des archives dans la Théorie des 3 âges, je me demande si ces comptes rendus entrent bien dans la catégorie des archives défintives. Sachant qu'ils contiennent des informations importantes sur les décisions prises (adoption des projets de loi par exemple).
En espérant être assez clair.
Merci beaucoup.
Réponse du Guichet

Les communiqués de presse des Conseils des ministres sont, par nature, librement communicables. Les dossiers de séances des Conseils des ministres sont en revanche communicables au terme d'un délai de 25 ou 50 ans.
Nous avons posé votre question au service Documentation du Secrétariat Général du Gouvernement afin de savoir s'il s'agit d'archives définitives au sens strict du terme.
Bonjour,
Le conseil des ministres "est la formation collégiale qui réunit chaque semaine l’ensemble des ministres, sous la présidence du chef de l’État. Il s’agit de la seule formation gouvernementale définie par la Constitution."
C'est le Secrétaire général du Gouvernement qui est chargé de rédiger un compte rendu intégral des délibérations, tandis qu’un communiqué est diffusé aux médias. :
" À la fin du Conseil des ministres, le Secrétaire général du Gouvernement rédige un "relevé de décisions" rendant compte et attestant des décisions prises. Le Secrétariat général du Gouvernement rédige également un compte rendu intégral des délibérations. Le communiqué distribué aux médias, préparé à l’avance est, au besoin, actualisé."
source : Qu'est-ce qu'un Conseil des ministres ? / Vie publique
C'est donc le secrétariat général du Gouvernement qui est chargé de convoquer les réunions interministérielles, d'établir un compte-rendu qu’il conserve et diffuse partiellement. A ce titre, le SGG se comporte comme le "greffier de la République".
Pour en savoir plus sur le secrétariat général du Gouvernement et son fonctionnement :
- Quel est le rôle du Secrétariat général du Gouvernement ? / Vie publique
- Le secrétariat général du Gouvernement / Agnès Fontana
- Rouage ou Centre de L’état ? (i) Genèse et Institutionnalisation du Secrétariat Général du Gouvernement / Eymeri-Douzans, J.-M. et Mangenot, M. - Revue française d'administration publique 2019/3 N° 171 - 2019 171(3), 603-627.
Les comptes-rendus des réunions des Conseils des Ministres sont-ils considérés comme des archives définitives ?
Nous ne sommes malheureusement pas archivistes et ne pourront vous en assurer avec certitude.
Une chose est certaine, votre question est plus complexe qu'elle n'y parait.
Certains documents sont publics comme les communiqués de presse qui sont publiés quasi immédiatement et sont consultables sur le site du Gouvernement ou de l'Elysée : voir Les comptes-rendu des conseils de ministres en ligne depuis avril 2014.
En revanche, d'autres documents sont effectivement protégés car couverts par le secret : les dossiers de séance et les comptes rendus intégraux ne sont pas consultables.
La protection des documents gouvernementaux
Pour ce qui concerne l’organisation gouvernementale, l’article 6-2° de la loi du 17 juillet 1978 dispose que ne sont pas communicables les documents administratifs dont la consultation ou la communication porterait atteinte « au secret des délibérations du Gouvernement et des autorités responsables relevant du pouvoir exécutif » ainsi qu’ « au secret de la défense nationale » et « à la conduite de la politique extérieure de la France ».Depuis 1978, la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) a ainsi rendu de nombreux avis permettant de délimiter le champ du secret gouvernemental. Par exemple, s’agissant du secret des délibérations gouvernementales, qui intéresse au premier chef la question de l’organisation du Gouvernement, la CADA a notamment estimé que sont couverts par le secret les documents suivants : les dossiers sur la base desquels le Conseil des ministres a délibéré320 ; les procès-verbaux des conseils et comités de défense et des comités interministériels321 ; les comptes rendus de réunions interministérielles322 ; les documents retraçant des délibérations gouvernementales, qu’il s’agisse de courriers échangés entre des ministres, des membres de cabinets et les principaux responsables du ministère323 ; les comptes rendus d’une réunion dans laquelle des représentants du Gouvernement ont débattu d’un projet324 ; les documents préparatoires à la confection d’un texte d’origine gouvernementale325 ou enfin des documents relatifs au secret de la défense nationale326.
Dans la pratique, en dépit des apparences327, le Gouvernement est souvent réticent à l’idée de communiquer des documents relatifs à son organisation et à son fonctionnement internes.
source : L’autonomie organisationnelle du gouvernement : recherche sur le droit gouvernemental de la Vème République / Matthieu Caron
Voici effectivement ce que précise le site de la CADA :
en application des dispositions du a) du 2° de l'article L311-5 du code des relations entre le public et l'administration et du a) du 1° du I de l’article L213-2 du code du patrimoine, les documents dont la divulgation porterait atteinte au secret des délibérations du Gouvernement et des autorités responsables relevant du pouvoir exécutif ne sont pas communicables avant l’expiration d’un délai de vingt-cinq ans à compter de leur élaboration ou de la date du document le plus récent figurant dans le même dossier. Relèvent par exemple de cette catégorie, les comptes rendus du conseil des ministres, des conseils ou comités interministériels et des réunions interministérielles (CE, 10 mai 1996, n° 163607) ainsi que les documents élaborés aux fins de définir la politique du Gouvernement (CE, 2 décembre 1987, n° 74637 et CE, 12 octobre 1992, n° 106817, Association X).
Voici ce qu'indiquait Vivien Richard autour de la numérisation des conseils des ministres aux Archives nationales en septembre 2015 :
selon la législation en vigueur, certains dossiers de séance sont consultables au bout de 25 ans, d’autres de 50 ans. Tout dépend des sujets évoqués autour de la table du Conseil. Avant l’échéance de ces délais, des dérogations sont impératives pour y accéder. Aujourd’hui tous les dossiers antérieurs à 1965 sont libres, tous ceux postérieurs à 1990 sont soumis à dérogation. Les dossiers datant de 1965-1990 sont de facto soit librement communicables soit communicables sous dérogation.
Le travail de numérisation dont parlait Vivien Richard est aujourd'hui terminé et on peut en retrouver l'inventaire ici : Communiqués de presse des Conseils des ministres (1945-1981)
Les dossiers de séance sont conservés en plusieurs collections, principalement au sein des archives présidentielles d’une part et au sein des archives des chefs du Gouvernement d’autre part. Les services du Premier ministre produisent deux séries : une du secrétariat du Conseil des ministres et une par le Secrétaire général du Gouvernement – cette dernière conserve le verbatim des séances.
Selon l’ordre du jour et surtout les documents conservés, les dossiers sont soumis à des délais de communicabilité différents. En revanche, les dispositions du code du Patrimoine considèrent le communiqué de presse comme librement communicable.
Le présent répertoire méthodique inventorie de façon strictement chronologique tous les communiqués de presse des Conseils des ministres conservés aux Archives nationales pour la période 1945-1981, en croisant les ressources de 245 articles d’archives différents, issus de cinq fonds du cadre de classement (F/60, AG/3(4), 4AG, AG/45(1) et 539AP) et de trois versements du secrétariat du Conseil des ministres et du Secrétaire général du Gouvernement (19810224, 19820062 et 19960396). Lorsque aucun communiqué de presse n’a été produit ou n’est conservé pour une séance du Conseil des ministres, il a été fait le choix de proposer la numérisation d’un document de remplacement aujourd’hui librement communicable.
Il s'arrête en 1981 car "à partir de cette année-là, la présidence de la République conserve une base de données de tous les conseils des ministres."
Concernant les différents types d'archives, voici quelques éléments de définition apportés par le Code du patrimoine :
Article R212-10
Sont considérés comme archives courantes les documents qui sont d'utilisation habituelle pour l'activité des services, établissements et organismes qui les ont produits ou reçus.
La conservation des archives courantes incombe, sous le contrôle de la personne chargée du contrôle scientifique et technique de l'Etat sur les archives, aux services, établissements et organismes qui les ont produites ou reçues. Ceux-ci peuvent les déposer dans les conditions prévues aux articles R. 212-19 à R. 212-31.
Article R212-11
Sont considérés comme archives intermédiaires les documents qui :
1° Ont cessé d'être considérés comme archives courantes ;
2° Ne peuvent encore, en raison de leur intérêt administratif, faire l'objet de sélection et d'élimination conformément aux dispositions de l'article R. 212-14.
La conservation des archives intermédiaires peut être assurée dans des dépôts spéciaux, dits dépôts de préarchivage, placés sous le contrôle de la personne chargée du contrôle scientifique et technique de l'Etat sur les archives.
A défaut de préarchivage, les archives intermédiaires sont soit conservées dans les locaux de leur service, établissement ou organisme d'origine, sous le contrôle de la personne chargée du contrôle scientifique et technique de l'Etat sur les archives, soit déposées dans les conditions prévues aux articles R. 212-19 à R. 212-31.
Article R212-12
Sont considérés comme archives définitives les documents qui ont subi les sélections et éliminations définies aux articles R. 212-13 et R. 212-14 et qui sont à conserver sans limitation de durée.
La conservation des archives définitives est assurée dans les dépôts d'archives relevant du service interministériel des archives de France de la direction générale des patrimoines et de l'architecture ou placés sous le contrôle de la personne chargée du contrôle scientifique et technique de l'Etat sur les archives.
Toutefois, les services centraux des administrations publiques, les établissements publics, les autres personnes morales de droit public et les organismes de droit privé chargés de la gestion d'un service public ou d'une mission de service public peuvent bénéficier de la dérogation à l'obligation de versement dans un dépôt d'archives prévue au I de l'article L. 212-4. Celle-ci est subordonnée à la signature d'une convention entre l'administration des archives et le service ou l'organisme intéressé, qui prévoit les conditions de gestion, de conservation et de communication au public des archives, les prescriptions scientifiques et techniques du service interministériel des archives de France de la direction générale des patrimoines et de l'architecture qui s'y appliquent et l'emploi d'une personne responsable qualifiée en archivistique.
Article R212-13
Sont définies par accord entre le service, l'établissement ou l'organisme intéressé et le service interministériel des archives de France de la direction générale des patrimoines et de l'architecture :
1° La durée d'utilisation comme archives courantes ;
2° La durée de conservation comme archives intermédiaires ;
3° La destination définitive à l'issue de la période de conservation comme archives intermédiaires, à savoir :
a) L'élimination immédiate ou à terme, intégrale ou partielle, avec ou sans sélection ;
b) Le versement, à titre d'archives définitives, dans un dépôt d'archives relevant du service interministériel des archives de France de la direction générale des patrimoines et de l'architecture ou placé sous le contrôle de la personne chargée du contrôle scientifique et technique de l'Etat sur les archives ;
c) La conservation par le service, l'établissement ou l'organisme intéressé, dans les conditions prévues à l'article R. 212-12.
Ne pouvant pas apporter de réponse précise à votre interrogation, nous l'avons posée au service de documentation du Secrétariat Général du Gouvernement et nous ne manquerons pas de vous transférer sa réponse dès qu'elle nous parviendra.
Pour aller plus loin :
La mémoire du travail gouvernemental / Pascal Petitcollot - Revue française d'administration publique 2002/2 no102 - p. 285 à 294
Le service interministériel des Archives de France
Systèmes D'organisation Des Connaissances Et Humanitiés Numériques / Emmanuelle Chevry Pébayle · 2017
Bonne journée
Complément(s) de réponse

Bonjour,
La Responsable de la mission des archives auprès des services du Premier ministre, que nous remercions infiniment, nous a apporté la réponse suivante :
Les conseils des ministres donnent lieu à un communiqué de presse, publié, et à un relevé de décisions, non librement communicable, qui est conservé dans le dossier du conseil des ministres.
Les dossiers des conseils des ministres sont bien versés en tant qu’archives publiques définitives aux Archives nationales.
La liste des versements des dossiers des conseils des ministres peut être consultée à cette adresse : https://www.siv.archives-nationales.culture.gouv.fr/mm/media/download/FRAN_ANX_012837.pdf
Bonne journée