Question d'origine :
Est-ce que l'on apprend beaucoup grâce à l'imitation? Donc est-ce que tout le monde a des personnes qui leur servent de modèles, d'exemples du moins en partie, pas forcément pendant longtemps mais est-ce que l'on apprend et on se construit même notre identité en grande partie grâce à des personnes que nous choisissons comme modèles? (Je sais que j'ai déjà posé une question sur les modèles mais cette question que je vous pose actuellement me semblait légitime)
Réponse du Guichet

L’imitation est un mécanisme d’apprentissage essentiel pour l’enfant. Il va ensuite grandir en s'inspirant de modèles, qu'il s'agisse de figures parentales, d'enseignants, de personnages publics, etc.
Bonjour,
Comme nous vous l'avions déjà expliqué dans cette précédente réponse Y a t-il des gens qui essaient d'être de bons modèles, notamment pour les enfants ?, les nourrissons et les enfants développent leurs compétences sociales et cognitives par le mimétisme, en observant et en reproduisant les gestes, expressions et comportements de son entourage. L’imitation est un mécanisme d’apprentissage essentiel pour l’enfant comme pour l'adulte.
Nous vous proposons la lecture d'un article rédigé par Véronique Kipfe : De l’imitation naît l’apprentissage qui apporte les explications d’Edouard Gentaz, directeur du Babylab et du Laboratoire du développement sensori-moteur affectif et social de l’Université de Genève.
En jouant «à faire semblant», l’enfant intègre les règles sociales, développe sa créativité et apprend à communiquer. [...] Mais les tout-petits ne sont pas les seuls concernés par ce type d’apprentissage : «Tout le monde imite, souligne le directeur du Babylab. On copie un modèle de lettre pour apprendre à écrire, on répète les mots qu’on nous dit jusqu’à ce qu’on sache parler, et lorsqu’on est dans un pays étranger, on regarde ce que font les habitants pour agir de manière adéquate. L’imitation est un mode d’apprentissage qu’on garde tout au long de sa vie.» Les marques et «leurs» stars l’ont bien compris, elles qui tablent sans cesse sur le besoin d’identification des consommateurs. Les ados ne sont pas en reste, note également le spécialiste, puisque chacun veut être considéré comme une personne à part… et se retrouve finalement habillé exactement comme ses copains. «On n’aime pas l’imitation, parce qu’on croit que ce n’est pas bien. Mais on peine à s’en défaire. Et il est impossible d’imaginer un monde où l’on n’imiterait pas», s’amuse Edouard Gentaz.
Nous vous invitons à lire son ouvrage intitulé Comprendre les apprentissages : sciences cognitives et éducation / sous la dir. de Edouard Gentaz et Philippe Dessus ainsi que ces documents :
- Imiter pour grandir : développement du bébé et de l'enfant avec autisme / Jacqueline Nadel
- Apprendre en imitant ? / Fayda Winnykamen
- Oléron Pierre. L’apprentissage chez l’enfant. In: Bulletin de psychologie, tome 17 n°231, 1964. pp. 1042-1048.
L’identification à des personnes considérées comme des modèles (parents, enseignants, figures publiques, pairs, etc.) est un élément majeur de la construction identitaire, pendant l’enfance mais aussi pendant l’adolescence. Il est rare, voire impossible, de se construire sans aucun modèle. Même si l’intensité et la durée de l’influence varient, chacun s’inspire, consciemment ou non, de personnes ou de groupes qui servent de références à un moment donné de la vie.
Si les premiers modèles sont les parents, ils vont ensuite se diversifier. « Il y a un moment crucial vers 4-5 ans où l'enfant comprend que l'amour que lui portent ses parents est différent de celui qui existe entre eux et qu'il va devoir faire son propre chemin en dehors de ce couple parental, souligne Catherine Jousselme, professeure de pédopsychiatrie. Pour résoudre cette équation, il va s'appuyer sur d'autres figures de référence. Ça peut être les grands-parents, le maître ou la maîtresse d'école, etc. » Soudain, l'enfant va alors commencer à se distinguer de ses parents dans certains domaines tout en continuant à s'y associer dans d'autres. Il va marquer sa différence : il déteste les balades en forêt quand ses parents les adorent, il aime beaucoup jardiner comme son grand-père ou faire du vélo comme sa cousine Agathe… « Il est très important que les parents acceptent que leur enfant s'identifie à d'autres personnes de l'entourage proche ou éloigné sans pour autant se sentir abandonnés et le lui reprocher », remarque Catherine Jousselme. Bien sûr, ce moment où l'on est « destitué » par son enfant n'est pas simple à gérer. On était Dieu tout-puissant et puis, soudain, la maîtresse devient, elle aussi, un être exceptionnel, voire plus encore… « Ce processus est pourtant une étape de son autonomisation, poursuit Catherine Jousselme. [...]
De même, lorsque les enfants s'entichent d'un grand sportif ou d'une star de la musique. « Un petit garçon qui s'attribue la gestuelle de Mbappé et une petite fille qui reprend les mots d'Angèle s'envoient des messages à eux-mêmes ; je suis forte ou fort comme eux, j'ai du talent comme eux, explique Dana Castro. S'identifier a alors un effet valorisant et positif pour l'estime de soi. » D'autant plus que ce type de modèles devient aussi un moteur pour agir, par exemple se lancer dans la pratique d'un art, d'un sport et trouver une motivation pour y performer.
source : Pourquoi les enfants ont-ils besoin de modèles ?
Si ce sujet vous intéresse, voir les travaux de Albert Bandura et sa théorie de l'apprentissage social.
Un des principaux points de la théorie de Bandura est l’attention qui est portée sur l'apprentissage par observation et les processus cognitifs indirects. D'après lui, le comportement se forme non seulement à travers ce que l'individu apprend directement par les conditionnements classiques et opérants, mais aussi à travers l'observation et la représentation symbolique d'autres personnes et évènements.
Bandura a montré que les êtres humains peuvent acquérir de nouveaux comportements sans renforcement évident et même sans avoir eu l'occasion de l'exercer. Il suffit que la personne ait observé un autre individu, un "modèle", pour avoir le comportement en question. Plus tard, surtout si le modèle a été récompensé par son comportement, l'observateur peut aussi avoir cette même réaction si l'occasion lui est donnée de le faire.
source : Psychologie du développement / sous la direction de Raphaële Miljkovitch
Pour aller plus loin :
- Albert Bandura et le facteur d'efficacité personnelle / Stefano Calicchio
- Théorie de l'apprentissage social / Wikipedia
- La théorie de l’apprentissage social repose sur trois processus : vicariants, symboliques, et autorégulateurs / Guerrin, B. - (2012). "Albert Bandura et son œuvre". Recherche en soins infirmiers, 108(1)
Voir aussi les travaux de Lev Vygotski.
Selon Piaget, l’enfant assimile et adapte ce qu’il observe, ce qui lui permet de perfectionner ses compétences et de construire sa propre identité. Ce processus d’imitation peut parfois être inconscient, au point que l’enfant pense être l’inventeur d’une action qu’il a en réalité copiée. Mais c’est précisément dans l’écart entre ce qui est imité et ce qui est personnellement approprié que l’individu forge sa personnalité.
Pour en savoir plus : Le rôle de l’imitation dans le développement et l’apprentissage chez Jean Piaget / Synthèse et mise en contexte, Virginie Chrétien
Nous vous conseillons de consulter des ouvrages en psychologie du développement pour approfondir le sujet :
- Les 23 grandes notions de la psychologie du développement / Céline Clément et Élisabeth Demont, 2021
- Psychologie du développement / sous la direction de Raphaële Miljkovitch, 2017
- Psychologie du développement : modèles et méthodes / Virginie Laval, 2025
- Développement psychologique de l'enfant, éditions Nathan, 2019
Bonne journée.