Le tombeau de la femme de Ponce Pilate, Claudia Procula, est-il à Lyon ?
Question d'origine :
Bonjour,
Je m'intéresse au personnage de Claudia Procula, l'épouse de Ponce Pilate. Avez-vous es informations à son sujet, en plus de celles que j'ai déjà trouvées sur le Net. Surtout : que faut-il penser de la rumeur voyant son tombeau à Lyon vers l'église Saint-Irénée ? Merci d'avance.
Réponse du Guichet

Nos recherches ne nous ont pas permis d'étayer l'hypothèse de la présence du tombeau de la femme de Pilate à Lyon. Mentionnée anonymement dans un unique verset de l’Évangile selon Mathieu dans lequel elle fait part d'un rêve mystérieux au sujet de Jésus, la figure de Claudia Procula a surtout commencé à émerger dans les premiers temps du Christianisme grâce à des textes apocryphes. Ainsi, faute de sources, son existence historique reste incertaine et peu d'informations sérieuses circulent à son sujet. Le nom Claudia Procula ne se serait d'ailleurs stabilisé qu'à compter du 17ème siècle. Dans les années 1920, des sarcophages portant son nom ont pourtant été déterrés près de Beyrouth mais aucune preuve ne permet de relier ces reliques à la femme du gouverneur de Judée. Quoiqu'il en soit, sa figure, oscillant entre sainte, martyre ou simple témoin, a marqué durablement l’imaginaire collectif occidental.
Bonjour,
Dans l'histoire du Nouveau Testament, Ponce Pilate est généralement admis comme le bourreau du Christ et « le prototype du responsable hésitant qui finit par rallier l’avis du plus grand nombre ». “La vérité sur Ponce Pilate", Le Monde de la Bible, N° 182 mars-avril 2008). Sa femme en revanche, n'est qu'un des personnages secondaires du récit de la Passion. Mais son rêve, rapporté dans l’Évangile de Mathieu, a donné lieu à de nombreux exégèses tout au long de l’histoire du christianisme. De nombreux théologiens de l'Antiquité et du Moyen Age ont commenté ce rêve et son intervention lors du procès de Jésus. A ce sujet, une passionnante étude de Aurélia Hétzel (Témoignage et prophétie. Le rêve de la femme de Pilate, Classiques Garnier, 2021), que nous ne possédons malheureusement pas dans nos collections, mériterait lecture pour en approfondir la question.
Si Claudia Procula n'est pas mentionnée à l'index de la biographie (très complète) de Ponce Pilate de Jean-Pierre Lemonon (Les éditions de l'atelier, 2007) (préfacée par l'historien Maurice Sartre), nous trouvons mention de la femme du gouverneur de Judée à la p. 244, dans un chapitre qui s'intéresse à la représentation de la figure Pilate dans la littérature et dans l’Église ancienne. Une anecdote intéressante surgit. On apprend que le nom de la femme de Pilate ne se serait stabilisé qu'à partir du 17e siècle :
L’Église grecque, pour sa part, n'exalte pas la figure de Pilate, mais elle vénère la sainteté de sa femme, le 27 octobre. En effet, dans les Ménées (livre liturgique du rite byzantin), on lit cette mention : "A ce jour, mémoire de Sainte Procla, épouse de Pilate : "Le Seigneur t'a à côté de lui, Procla, lui qui est resté devant ton mari, Pilate." A partir du XVIIe siècle, la femme de Pilate est désignée sous le nom de Claudia Procula.
Qui renvoie à la note de bas de page 124 (p. 253) : "Cette désignation n'est pas ancienne, contrairement à ce qu'affirment nombre de commentaires de l'évangile de Mathieu ; sur l'apparition de cette nomination, voir R. Kany, Die Frau des Pilatus und ihr Name. Ein Kapitel aus der Geschichte neutesmentlicher."
En effet, la femme de Pilate est mentionnée sans nom dans le Nouveau Testament. L'unique occurrence, anonyme, apparaît dans l'évangile de Mathieu : "Pendant qu’il siégeait sur l’estrade, sa femme lui fit dire : «Ne te mêle pas de l’affaire de ce juste ! Car aujourd’hui j’ai été tourmentée en rêve à cause de lui . » (Mt 27, 19). J-P Lemonon commente (p.167) :
« Enfin, le v. 19 [Mt 27, 15-23] concernant l’intervention de la femme de Pilate est l’œuvre de Matthieu ; qu’il emprunte des éléments à une légende ou qu’il les crée lui-même, peu importe pour notre recherche. »
Ce sont les "Actes de Pilate" (Ou Évangiles de Nicomède), récit jugé apocryphe au VIème siècle, qui auraient popularisé le nom de Procula. Wikipédia l'explique et le source très bien, concordant avec les remarques de Lemonon et d'autres informations rencontrées sur Internet (comme cet article allemand : Wer war die Frau des Pilatus ?) :
Le nom de Procula dérive des traductions de ce texte où elle est appelée Procla, comme dans les écrits coptes ou éthiopiens. Le plus ancien témoignage écrit de son autre nom, Claudia, date de 1619, dans la chronique du Pseudo-Dexter. (source : Ulrich Luz, Helmut Koester (contributor), James E. Crouch (translator). Matthew 21-28: A Commentary. Fortress Press, Minneapolis, 2005, (ISBN 0-8006-3770-4), p. 499)
Source : Claudia Procula - Wikipedia.
Sur les bases d'une fixation du nom de la femme de Pilate à compter du XVIIème siècle, l'honnêteté intellectuelle impose d'affirmer que tout ce qui a attrait à la vie de Claudia Procula relève du spéculatif, voir du légendaire. J-P Lemonon de nouveau, évoque avec lucidité toute la difficulté d'obtenir des certitudes concernant la fin de la vie de Pilate et son départ de Judée : "En ce domaine, les hypothèses prennent le pas sur les certitudes, dès son arrivée à Rome, Pilate échappe à l'historien". (p. 225)
Pour autant, la mort de Pilate a fait couler beaucoup d'encre. Qu'il se soit suicidé par noyade dans le Rhône (selon Eusède de Césarée), ou exécuté dès son retour à Rome, une multitude de versions coexistent. Voir à ce sujet l'article de Jacques Berlioz : Crochet de fer et puits à tempête. La légende de Ponce Pilate à Vienne (Isère) et au mont Pilât au XIIIe siècle (dans Le Monde alpin et rhodanien. Revue régionale d’ethnologie Année 1990 18-1-2 pp. 85-104).
Si le gouverneur de Judée échappe à l'historien, connaître la fin de la vie de la femme de ce dernier, mentionnée laconiquement par Mathieu, relève de la chimère...La femme de Pilate figure dans des œuvres littéraires, des films ou les arts picturaux, représentée tout à la fois en tant que martyre, sainte ou sorcière mais elle n'a pas laissé de trace suffisante pour constituer une biographie digne de ce nom.
Si vous n'êtes pas tombé dessus pendant vos recherches, sachez quand même qu'un article d'archéologique révélait en 1929 la découverte d’un sarcophage de plomb à Achrafiyé, près de Beyrouth, qui contenait deux bracelets portant le nom de Claudia Procla (ou Procula) : Sarcophages de plomb trouvés en Syrie de René Mouterde (lisible sur Persée). L'auteur souligne cependant que, malgré l’inscription du nom en grec, il n’existe aucune preuve directe que la défunte soit effectivement l’épouse de Pilate, d’autant plus que le sarcophage semble dater du IIIe siècle d'après Mouterde. Il questionne même le récit traditionnel, proposant l'hypothèse de l'influence du nom de la femme de ce tombeau sur le choix de Claudia Procula pour désigner la femme de Pilate dans les évangiles apocryphes :
Une découverte occasionnelle vient de révéler à Beyrouth une authentique Claudia Procla ; nomen et cognomen sont gravés en grec sur deux bracelets d'or, recueillis dans une tombe. Un rapport quelconque entre cette morte et la Procla des "Acta Pilati" est plus que problématique ; tout au plus pourrait-on se demander si le décès d'une femme jeune et connue n'a pas suggéré à l'auteur des Acta le nom romain qu'il cherchait pour son héroïne. Mais rien ne donne à penser que cet écrivain ait séjourné à Beyrouth. En outre, d'autres Claudia Procla ont vécu à la fin du IIème siècle ou au commencement du millénaire, c'est-à-dire au temps où s'élaboraient les principaux apocryphes du Nouveau Testament : deux d'entre elles sont connues par des inscriptions, Claudia Vilia Procula à Patara (4), et une autre à Cyrène (5) ; le même nom pouvait convenir à la fille de quelque fonctionnaire romain, tel que Claudius Proculus, préteur, à qui est adressé un récit d'Hadrien. Des rapprochements aussi divers interdisent toute hypothèse sur l'origine du nom donné à la femme de Pilate par les Apocryphes ou la Chronique de Dexter.
Source : Sarcophages de plomb trouvés en Syrie de René Mouterde (1929, sur Persée).
Nous vous recommandons également la lecture de ces articles pour compléter votre compréhension de ces exégèses :
The reception of Matthew 27:19B (Pilate's Wife's dream) in the early church de Ronald H. Van Der Bergh de l'université de Prétoria
La femme de Pilate dans les Actes de Pilate, recension grecque A (II, 1) d'Anne-Catherine Baudoin.
Bonne journée,
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