Pourquoi ne permet-on pas aux enfants nés sous X de retrouver leur fratrie ?
Question d'origine :
On sait que la législation française concernant les naissances sous X est l'une des plus strictes. Elle ne respecte guère le droit des enfants à accéder aux informations concernant leurs origines. Pire depuis la fin 2023, l'Etat français a pris les moyens pour empêcher les commandes de tests ADN à l'étranger. Tout cela n'a strictement aucun sens alors que l'on a instauré l'impossibilité de l'anonymat dans le cas des PMA !!! Mais la loi est la loi...
En revanche, peut-on m'expliquer sur quels textes de lois repose le refus, qu'il s'agisse du CNAOP ou d'organismes privés, de donner les informations qui permettraient la reconstitution de fratrie. En quoi aider les retrouvailles de plusieurs membres d'une fratrie (nés sous X ou parfois reconnus puis abandonnés) adoptés par divers parents adoptifs enfreindraient la législation ?
J'ai assisté dernièrement en France aux retrouvailles de deux soeurs adoptés séparément depuis 45 ans. Quelques mois plus tôt, j'avais assisté sur Internet aux retrouvailles d'une mère et de sa fille kidnappée sous l'ère de Pinochet. Je trouve cela un peu embêtant d'assister à des scènes similaires dans une ex-dictature et dans une démocratie.
Réponse du Guichet

La loi n° 2002-93 du 22 janvier 2002 relative à l’accès aux origines personnelles des personnes adoptées et pupilles de l’État n'instaure pas un droit automatique à l’accès à l’identité ou à l’existence de la fratrie biologique sans l’accord préalable des personnes concernées. La législation française privilégie la protection de l’anonymat des parents de naissance, tout en permettant, sous conditions, un accès partiel ou total aux origines, y compris à des informations sur la fratrie, lorsque le consentement est recueilli. L’enfant né sous X peut demander à connaître ses origines à sa majorité, via le Conseil national pour l'accès aux origines personnelles. Le droit français pose également des limites strictes à la réalisation de tests ADN, fondées sur le respect du consentement, la protection de la vie privée et la nécessité d'encadrer les finalités de ces examens. Des sanctions pénales sont prévues pour garantir le respect de ces principes.
Bonjour,
L'interdiction des tests ADN
Les tests ADN en dehors des domaines médical, scientifique et judiciaire sont strictement encadrés depuis la loi de bioéthique de 2021. Dans le domaine médical, ces examens doivent être prescrits par des médecins et interprétés uniquement par un biologiste agréé par l’Agence de la biomédecine. Il est strictement interdit pour les entreprises de faire la publicité en faveur des tests génétiques en France. Cette interdiction repose sur plusieurs fondements juridiques, visant à protéger les droits et libertés individuels, tout en encadrant strictement les conditions dans lesquelles de tels examens peuvent être réalisés. Dans le cas des tests génétiques proposés sur Internet, le choix des gènes analysés et des diagnostics proposés se fait en dehors de tout encadrement médical, sans explication de ces résultats, ni aucune modalité de prise en charge. Cet article précise que "deux amendements avaient été déposés par le député Bruno Fuchs, dans le but de légaliser et d’encadrer les tests ADN. En vain, puisque l’ancienne ministre de la Santé, Agnès Buzyn, avait refusé les requêtes. En cause : la peur que les données récoltées par les tests soient utilisées à des fins commerciales. Pour exemple, en 2018, la société de biotechnologie 23andMe avait été pointée du doigt pour sa collaboration avec le géant pharmaceutique GlaxoSmithKline. De plus, en fin d’année dernière, la société a avoué avoir été piratée et s’être fait voler les données de près de 6,9 millions d’utilisateurs. De même que l’entreprise MyHeritage, en 2018". Les généalogistes ont également demandé l'introduction d'exceptions à des fins de d'études généalogiques. Ils ont invoqué le retard de la France en la matière, "l’amalgame entre tests ADN à des fins médicales et tests ADN à des fins généalogiques, l’ignorance des lois françaises protégeant les données génétiques et restreignant l’utilisation des données, le risque que les nés sous X et issus d’un don de gamète identifient leurs parents biologiques et alors que le maintien de l’anonymat contrevient aux Traités internationaux sur le droit aux origines (la France ayant été condamnée par la Cour Européenne des Droits de l’homme)…". (source)
Jusqu’ici interdite en France, cette technique de généalogie génétique intéresse au plus haut point les enquêteurs tout en posant des questions éthiques et juridiques, telles que présentées dans cette émission très éclairante de Radio France.
Que dit la loi n° 2002-93 du 22 janvier 2002 relative à l’accès aux origines personnelles des personnes adoptées et pupilles de l’État ?
Législation française sur l'accès aux origines pour les enfants nés sous X
L'accouchement sous X désigne la possibilité, pour une femme en France, d’accoucher anonymement, sans que son identité ne soit mentionnée sur l’acte de naissance de l’enfant. Cette pratique est encadrée par l’article 326 du Code civil, qui protège le secret de l’identité de la mère et, par extension, des parents de naissance.
Le Conseil national pour l'accès aux origines personnelles (CNAOP) peut transmettre différentes informations concernant les frères et sœurs d'une personne née sous X, mais cela dépend strictement des conditions légales et du respect du secret demandé par les parents de naissance.
Cadre général de l'accès aux origines personnelles
Un enfant né sous X peut, à sa majorité (ou, s’il est mineur, avec discernement et accord du représentant légal), demander à accéder à ses origines personnelles. La demande doit être adressée au Conseil national pour l'accès aux origines personnelles (CNAOP institué par la loi du 22 janvier 2002 relative à l'accès aux origines des personnes adoptées et pupilles de l'Etat), qui centralise les démarches et les demandes d’accès à l’identité des parents de naissance.
L’accès à l’identité des parents de naissance n’est possible que dans certains cas:
- Si les parents ont levé le secret de leur identité.
- Si le parent n’a pas manifesté le souhait de préserver son anonymat.
- Si les parents sont décédés sans s’opposer à la levée du secret.
- Si le CNAOP parvient à recueillir le consentement des parents à la révélation de leur identité.
En l’absence de consentement, l’enfant peut toutefois accéder à des informations non identifiantes (éléments sur les origines, antécédents médicaux, etc.), si ces informations ont été laissées par la mère ou les parents lors de l’accouchement.
Droit d’accès à des informations sur la fratrie (frères et sœurs)
La législation française ne prévoit pas, en l’état actuel, un droit direct et automatique pour les enfants nés sous X d’accéder à des informations sur leur fratrie biologique (c’est-à-dire leurs frères et sœurs également nés de la même mère ou du même père biologique.
Toutefois, certaines situations permettent un accès gradué à ce type d’information :
- Si la mère ou les parents de naissance ont levé le secret et consenti à la communication de leur identité, l’enfant peut alors, par l’intermédiaire du CNAOP, être informé de l’existence d’autres enfants issus du même parent, à condition que ces derniers aient également consenti à la levée du secret.
- Identité des frères et sœurs : Si le secret de l'identité des parents de naissance a été levé (avec leur consentement explicite ou en l'absence d'opposition après leur décès), le CNAOP peut communiquer l'identité des frères et sœurs biologiques au demandeur.
- Informations non identifiantes : Si le secret n'est pas levé, le CNAOP peut transmettre uniquement des informations non identifiantes, à condition qu'elles aient été laissées dans le dossier par les parents de naissance. Cela peut inclure l'existence de frères et sœurs, leur nombre, leur sexe, leur âge approximatif, ou des éléments sur leur état de santé, mais jamais d’éléments permettant de les identifier personnellement.
Limites et procédure :
- Absence de pouvoir d’investigation : Le CNAOP n’a pas le pouvoir de rechercher activement la fratrie. Seuls les parents de naissance, s’ils lèvent le secret, peuvent communiquer l’identité des frères et sœurs du demandeur.
- Déclaration volontaire : Les frères et sœurs eux-mêmes, s’ils le souhaitent, peuvent déclarer leur identité au CNAOP pour permettre un éventuel contact, mais cela reste une démarche volontaire et non automatique.
- Respect du secret : En l’absence de levée du secret, aucune information identifiante ne peut être communiquée, même s’il existe une fratrie.
Condition |
Accès à l’identité de la fratrie |
Accès à des informations non identifiantes sur la fratrie |
Secret levé par les parents de naissance |
Oui |
Oui |
Consentement de la fratrie (si majeure) |
Oui |
Oui |
Secret non levé, mais informations déposées |
Non |
Oui |
Secret non levé, aucune information déposée |
Non |
Non |
En résumé, un enfant né sous X peut accéder à des informations sur sa fratrie uniquement si le secret de l’identité des parents de naissance est levé et que les personnes concernées ont donné leur accord. À défaut, seules des informations non identifiantes, si elles existent dans le dossier, peuvent être transmises
Jurisprudence
Sur le plan international, l’arrêt rendu le 13 février 2003 par la Cour européenne des Droits de l’Homme, dans l’affaire Odièvre contre France a validé le dispositif mis en place par la loi du 22 janvier 2002 : la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a jugé que le refus de communiquer l’identité de la mère, fondé sur son refus exprès, ne constitue pas une violation du droit à la vie privée et familiale de l’enfant, tant qu’une procédure existe pour solliciter la réversibilité du secret et accéder à des informations non identifiantes. Selon elle, la législation française a tenté ainsi d’atteindre un équilibre et une proportionnalité suffisante entre les intérêts en cause. La Cour valide ainsi la finalité poursuivie par le droit français, à savoir la réalisation d’un compromis entre les droits et intérêts en jeu par le biais d’une procédure de conciliation visant à faciliter l’accès aux origines sans pour autant renier l’expression de la volonté et du consentement de la mère."
Quant aux motivations du législateurs à limiter le rapprochement des fratries, les débats parlementaires à l'Assemblée nationale et au Sénat sur le projet de loi relative à l’accès aux origines personnelles des personnes adoptées et pupilles de l’État n'en disent pas grand chose. La question du rapprochement des fratries est abordée de manière très marginale.
Le Rapport n° 3086 de Mme Véronique Neiertz lors de l'examen en première lecture des articles de la loi fait état d'une "demande pour que le Conseil national pour l'accès aux origines personnelles recueille les «demandes de rapprochement auprès de l'enfant» formulées par les ascendants, descendants et frères et soeurs des père et mère de naissance. Au cours de ses auditions, la rapporteure a constaté que cette disposition répondait à un souci fréquemment exprimé par les enfants nés sous X ou ayant fait l'objet d'un abandon secret de retrouver leurs frères et soeurs éventuels. Cependant les termes «demandes de rapprochement» sont ambigus, puisqu'ils laissent entendre que la démarche effectuée auprès du conseil pour retrouver l'enfant en vue d'une rencontre n'est ouverte qu'à l'entourage des parents de naissance et non à ces derniers. La Commission a donc adopté un amendement de la rapporteure autorisant les ascendants, descendants et collatéraux privilégiés des parents de naissance décédés à déclarer au conseil national leurs identités, en vue de leur communication éventuelle à l'enfant (amendement n°7)." Le compte rendu intégral de la 2ème séance du jeudi 31 mai 2001 n'en fait néanmoins plus mention ainsi que le Projet de loi adopté par l'Assemblée nationale en première lecture le 31 mai 2001.
On peut enfin lire dans le Rapport rendu au Sénat de M. Henri de Richemont, au nom de la commission des lois, n°72 (2001-2002) que "le texte initial prévoyait que la demande de rapprochement avec l'enfant pouvait être effectuée par les ascendants, les descendants et les frères et soeurs des parents de naissance. Sur proposition de la commission, l'Assemblée nationale a, par souci de symétrie avec les dispositions concernant les parents de naissance, remplacé le notion de demande de rapprochement par celle de déclaration d'identité. Elle a en outre restreint cette faculté aux cas de décès du père ou de la mère de naissance. Le gouvernement s'est opposé à cette restriction estimant qu'il ne fallait pas établir de filtre au moment de la réception de la demande mais au moment d'y donner suite et faisant ressortir que des parents proches d'un père ou d'une mère de naissance pouvaient ne pas être informés du décès de celui-ci. Contre l'avis du gouvernement et de la commission, l'Assemblée nationale a adopté un amendement de Mme Bousquet et plusieurs de ses collègues prévoyant que le Conseil national recevrait les demandes des pères et mères de naissance s'enquérant de leur recherche éventuelle par l'enfant."
Un article du Journal des psychologues (Le Boursicot Marie-Christine ‘‘Le CNAOP au cœur du dispositif de l’accès aux origines personnelles‘‘), bien que datant de 2006, apporte un éclairage intéressant sur les conditions d'élaboration de la loi de 2002 et de ses apports. Il indique que les débats parfois passionnels dont la loi n° 2002-93 du 22 janvier 2002 relative à l’accès aux origines personnelles des personnes adoptées et pupilles de l’État est la résultante, se sont concentrés sur l’accouchement dit « sous X », occultant toute autre problématique sur les origines. "La loi du 22 janvier 2002 n’a pas supprimé la possibilité pour une femme de demander le secret lors de son accouchement, tout en lui apportant des aménagements. Le législateur a maintenu, en dépit des vives critiques des associations de défense du droit aux origines, la possibilité pour une femme, lors de son accouchement, de demander la préservation du secret de son admission et de son identité. Cette disposition, insérée à l’article L. 222-6 du code de l’action sociale et des familles (CASF), implique que, désormais, le père ne peut plus demander le secret. Des conflits judiciaires opposant un père auteur d’une reconnaissance anténatale d’un enfant né sous X aux parents auxquels il a été confié en vue de son adoption ont attiré l’attention du législateur sur la situation de pères qui seraient empêchés de faire valoir leurs droits par le secret demandé par la mère. Dans les faits, ce n’est pas forcément ce secret qui crée cette situation, mais plutôt le conflit entre adultes qu’elle suppose et l’absence du père avant et lors de l’accouchement. Le CNAOP a été informé de différents cas de reconnaissances paternelles anténatales par ses correspondants départementaux ; les parquets et les services de l’Aide sociale à l’enfance sont désormais sensibilisés à cette question et réagissent rapidement en ce cas, de façon à ce que l’enfant puisse voir sa situation juridique et familiale assurée. "
Le principal apport de la loi de 2002 est d’instituer un Conseil national pour l’accès aux origines personnelles, lequel est chargé de faciliter, en liaison avec les départements et les collectivités d’outre-mer, cet accès aux seules personnes désignées par l’intitulé de la loi. Il faut noter le rôle primordial joué par les correspondants départementaux du CNAOP appelés à rencontrer les femmes qui manifestent l’intention de secret lors de l’accouchement. "Ce sont eux qui vont délivrer l’information sur les conséquences juridiques de la demande de secret et, conformément à l’article L. 222-6 du CASF précité, expliquer « l’importance pour toute personne de connaître ses origines et son histoire » ; ce sont eux qui, après avoir délivré cette information, vont s’assurer et attester de la volonté de secret et inviter l’accouchée à laisser des renseignements sur sa santé et celle du père, les origines de l’enfant et les circonstances de sa naissance, ainsi que son identité sous pli fermé". [...] "Il est remis à l’accouchée un document censé contenir toutes les informations utiles, élaboré par le Conseil national, selon un lourd cahier des charges figurant à l’article R. 147-22 du CASF. Ce document doit en effet préciser les effets juridiques de la demande expresse de secret ou de son absence, les modalités de levée du secret, les moyens de communiquer l’identité de la mère de naissance à l’enfant, de son vivant ou après son décès, les conséquences du choix de la mère de naissance en matière de filiation et notamment les modalités et le délai pendant lequel elle peut établir le lien de filiation, ainsi que les effets qui s’attachent au placement et à l’adoption plénière, le rôle du CNAOP et de ses correspondants départementaux et, enfin, la nature des renseignements qu’elle est invitée à laisser dans l’intérêt de l’enfant et les modalités de conservation de ces renseignements et de ceux contenus dans le pli fermé. Le pli fermé proposé est censé contenir les éléments permettant de la rechercher, si l’enfant en fait la demande plus tard, pour lui demander alors si elle maintient cette décision de secret demandé lors de la naissance.La plaquette définitive de ce document a été diffusée dans tous les départements le 1er septembre 2006."
"L'attestation en double exemplaire, dont l’un est remis à la mère de naissance, permet de justifier de la volonté de celle-ci et de l’accomplissement des formalités légales. Il s’agit, en effet, de s’assurer que cette volonté a été éclairée sur les conséquences de la décision prise, que le secret a été demandé en toute connaissance de cause. Les dossiers du passé soumis au CNAOP révèlent parfois que la mère de naissance, sous l’emprise de ses proches, n’a pas pu exprimer sa propre volonté ou qu’elle n’a pas été complètement informée sur les solutions s’offrant à elle. Il est certain également que le législateur, en 2002 comme en 1996, a tenté d’éviter les dossiers vides de tout renseignement, qui ne permettent pas à la personne adoptée ou pupille de l’État de connaître le début de son histoire et les raisons de son abandon. Il a voulu également que la mère de naissance ait la maîtrise des éléments qui seront communiqués à l’enfant à sa demande.
Cependant, l’invitation qui lui est faite de laisser des informations et son identité doit laisser à la mère de naissance la possibilité d’exprimer sa volonté librement. La loi précise qu’aucune pièce d’identité n’est exigée et qu’il n’est procédé à aucune enquête. Certes, la porte est étroite entre le reproche d’utiliser des « méthodes musclées » vis-à-vis de ces femmes dans la souffrance, et celui de ne pas parvenir à la communication de leur identité. Les correspondants départementaux évitent ces deux écueils ; ils utilisent le document d’information comme un support du dialogue qu’ils tentent d’instaurer avec ces femmes et acceptent leur décision quelle qu’elle soit."
La jurisprudence montre bien qu"on ne peut jamais forcer la mère qui a accouché sous X à révéler son identité. D'ailleurs, 40 % des mères de naissance choisissent en moyenne de ne pas le faire, même sous pli fermé, ce qui fait d’elles des femmes anonymes. Le traitement des dossiers du passé a révélé également que bien souvent des femmes ont choisi de donner un faux nom.
L'accouchement anonyme entraîne, non seulement, une rupture des liens entre l'enfant et sa mère, mais également avec la famille de celle-ci. Le droit des grands parents n'a pas non plus été retenu par le législateur qui considère que ce serait remettre en cause l'essence même de ce processus que d'admettre que le seul lien biologique entre l'enfant et ses ascendants puisse permettre la contestation de son statut d'enfant adoptable. La qualité de grands-parents est, en réalité, subordonnée à la volonté de la mère. Le pouvoir ainsi reconnu à la mère de l'enfant emporte certes des conséquences particulièrement douloureuses pour les grands-parents, d'autant que ceux-ci se voient privés de tout lien avec leur petite-fille biologique (source : Les grands-parents et l'accouchement sous X (suite) : les liens du sang ne suffisent pas)
"Le législateur de 2002 a donc tenté, pour l’avenir, de substituer le plus souvent possible un secret relatif au secret absolu et, pour le passé, a chargé le CNAOP d’obtenir des parents qui avaient demandé le secret lors de la naissance ou de la remise de l’enfant qu’elles acceptent de le lever. La question de l’application du dispositif nouveau et des modalités de communication de l’identité des parents de naissance aux conditions nouvelles de l’article L. 147-6 du CASF aux personnes recherchant leurs origines actuellement, alors que leur naissance remonte à plusieurs années n'apparait pas beaucoup dans les travaux parlementaires de l'époque. La loi du 22 janvier 2002 étant une loi de procédure, elle s’applique à toutes les demandes en cours au moment de son entrée en vigueur. C’est d’ailleurs ce qu’a considéré la CEDH dans son arrêt du 13 février 2003." (source)
Dans le champ psychologique et social ou sur le plan juridique, les débats se poursuivent aujourd'hui, ainsi que le montre la question écrite posée par Bastien Marchive, député des Deux-Sèvres Ensemble pour la République, en octobre 2024 et auquel a répondu le Ministère Travail, santé, solidarités et familles en février 2025 : "La France est en effet l'un des seuls pays en Europe et au monde à permettre l'accouchement de manière totalement anonyme, garantissant ainsi à la mère le secret de son admission et ne permettant pas à l'enfant d'accéder à ses origines. Si plusieurs évolutions législatives sont venues renforcer l'information délivrée à la femme enceinte en amont de l'accouchement (notamment sur les conséquences de l'abandon de l'enfant et sur le choix de lui donner ou non son identité ou des éléments concernant ses origines), le droit en vigueur reste caractérisé par un déséquilibre entre deux droits de première importance : d'une part, celui au maintien du secret et à la vie privée de la mère et d'autre part, celui à l'accès à ses origines, au nom de l'intérêt supérieur de l'enfant. Ce dernier a notamment été consacré par la Convention internationale des droits de l'enfant, signée par la France en 1990 et par la Convention européenne des droits de l'homme, avant d'être retranscrit en droit français au sein du code de l'action sociale et des familles. La jurisprudence française tend par ailleurs à accorder une importance de plus en plus grande au droit à l'accès à ses origines, avec par exemple la reconnaissance par plusieurs décisions de justice des droits du père ou des grands-parents de l'enfant né sous X. Ces évolutions viennent ainsi remettre en cause, de manière indirecte mais certaine, le secret entourant l'identité de la mère. Il convient également de souligner que la plupart des pays européens ne permettent pas l'accouchement sous anonymat. Certains, comme le Royaume-Uni, vont jusqu'à favoriser les rapprochements entre enfants adoptés et familles d'origine, au regard de l'importance de l'accès aux origines dans le développement de l'enfant et la construction de son identité. Ces évolutions posent ainsi la question de la pertinence du dispositif encadrant actuellement l'accouchement sous X en France au regard des enjeux contemporains".
Pour aller plus loin :
Dix questions sur l'accès aux origines personnelles, ViePublique.fr