Comment expliquer la disparition soudaine d'un œuf de pigeon et de sa mère ?
Question d'origine :
Bonsoir,
Un pigeon femelle a choisi un coin de mon balcon pour pondre son œuf . Avec l'aide du mâle, un nid est sommairement confectionné .Au début tout allait bien, les parents se relayaient pour incuber l’œuf. Toutefois, au bout de près d'une semaine et demi ; j'ouvre mon balcon un matin et constate qu'il n'y a nulle trace de l’œuf ni celle de la mère. Je ne vois que le mâle qui se pose régulièrement sur mon balcon avec l'air de chercher en vain ; sa famille peut-être ? Mise à part l'attaque d'un prédateur je ne dispose d'aucune explication . J'habite au 3er. étage et je n'ai ni chat ni chien ni un autre animal domestique. Une autre explication serait-elle probable ?
Réponse du Guichet

La disparition de la moitié du couple de pigeons installé sur votre balcon, hors prédateurs, va certainement devenir un «cold case».
Bonjour,
Il existe deux grandes familles de pigeons qui vivent en ville :
Le pigeon biset, le pigeon ramier et celui, métissé, issu de marronnage.
Tous trois y trouvent un habitat qui leur convient et ont pu s’adapter à nos villes, comme l’explique la LPO dans son article sur ces volatiles néo-urbains :
Parmi toutes les espèces de pigeons présentes en France (ramier, biset, colombin), celle avec qui la cohabitation est parfois difficile est principalement le Pigeon biset (Columba livia). En effet cette espèce, sauvage à l’origine, domestiquée par l’homme puis relâchée dans la nature est très présente dans les milieux urbains.
Majoritairement granivore, sa colonisation en ville l’a rendu omnivore. Le Pigeon biset peut donc se nourrir de graines mais également de pain, fruits, légumes ou encore charcuterie ! L’abondance de ressources alimentaires dans les villes lui permet de se reproduire toute l’année (avec un pic au printemps). Si l’on ajoute la faible présence des prédateurs naturels et l’importance du nombre de sites de nidifications favorables, on comprend aisément la prolifération de l’espèce dans nos villes. Toutefois, les effectifs restent globalement stables en France.
On parle d’ailleurs d’espèce commensale, à l’image des rats auxquels ils sont souvent assimilés… bien qu’ils n’en soient pas transmetteurs de maladies comme l’explique Canopéa dans son article sur les animaux sauvages en ville :
Zoonoses et pigeons
Parmi les 116 zoonoses transmissibles à l’être humain en Belgique, aucune maladie n’est spécifiquement transmissible par les pigeons. Ils peuvent, par contre, transmettre 17 maladies à l’être humain, celles transmissibles par tout autre oiseau. Sur ces 17 maladies, 8 sont également transmissibles par des mammifères.
Les maladies transmissibles du pigeon à l’être humain nécessitent un contact très rapproché, comme c’est le cas pour certains colombophiles. Les maladies peuvent alors se transmettre par inhalation ou par contact direct avec l’oiseau ou ses sécrétions.
Pour en revenir à votre interrogation, les pigeons ont, paradoxalement, peu de prédateurs «naturels» en ville. Même le Chasseur Français, revue bien connue des amateur.ices de «chasse, pêche et tradition» en convient :
Les pigeons se sont installés en ville car les bâtiments sont pour eux un refuge idéal. Ils jouissent d’une certaine tranquillité. Les prédateurs naturels des pigeons, comme les faucons ou les buses, sont très rares en ville. Ces derniers ont besoin d’espaces plus vastes et de perchoirs stables, que les corniches étroites des immeubles ne leur offrent pas. Le pigeon peut ainsi s’installer dans des recoins tranquilles pour nicher, à l’abri de la prédation.
En outre, rappelons que dans les zones rurales les pigeons peuvent être chassés. En effet, ces oiseaux sont des gibiers très prisés des chasseurs. Chaque année, environ 5 millions de pigeons ramiers sont chassés pour leur viande et pour réguler les populations. Cela, les colombidés l’ont bien compris. En ville, ils ne courent a contrario aucun risque.
Par contre, les prédateurs humains abondent : voitures, agent.e.s des collectivités chargé.e.s de la régulation des volatiles urbains, chef.fe.s plus ou moins étoilés et autres gourmets ; accompagnés par quelques autres néo urbains : chats, chiens et autres corvidés.
Si les pigeons vivent en couples fidèles, ce qui expliquerait l'air perdu du survivant, une étude rapportée par le site Zoopolis nuance quand même un peu ce mythe :
Les pigeons sont monogames ; ils s’accouplent pour la vie. Mais attention : la monogamie n’exclut pas les infidélités ! Depuis la fin des années 1980, des techniques reposant sur l’ADN permettent aux chercheurs d’effectuer des tests de paternité sur les couvées… et il y a des surprises. C’est tellement vrai qu’il apparaît nécessaire de distinguer les concepts de monogamie sociale et de monogamie génétique. La monogamie sociale est le fait pour un couple d’élever seul une famille. La monogamie génétique, qu’on peut évaluer par les tests ADN, correspond au fait que le mâle et la femelle sont bien les parents biologiques des jeunes qu’ils élèvent. On comprend que la monogamie sociale n’implique pas nécessairement la monogamie génétique.
[…]
Il n’y a pas eu beaucoup d’études spécifiquement consacrées à la monogamie génétique des pigeons. Il en ressort néanmoins que les infidélités sont rares chez les pigeons, mais qu’elles existent. En réponse, les pigeons mâles ont recours à deux stratégies pour assurer leur paternité : des copulations fréquentes et une surveillance intense de leur partenaire. C’est d’autant plus justifié d’un point de vue évolutionniste qu’ils s’investissent considérablement dans les soins apportés aux petits.
Ainsi la disparition du conjoint avec le pigeonneau à venir s’explique, peut-être, par le "ras-le bol" des infidélités ou du harcèlement du partenaire.
Enfin, reste la piste du colombophile, qui, séduit.e par l’extraordinaire pigeon de votre balcon, s’en est emparé afin d’améliorer sa collection. Nous vous conseillons, alors, de prendre contact avec la Fédération Colombophile Française pour creuser cette piste.
Goldman-ment votre,
Pour aller plus loin :
Le traité Rustica des oiseaux des jardins, des bois, des campagnes : identifier, accueillir et protéger les oiseaux de Guilhem Lesaffre
La fascinante histoire du pigeon de rue de Luisa Maria Stagno
Le vieux bleu de François Walthéry et Raoul Cauvin
Complément(s) de réponse

Bonjour,
Vous trouverez peut-être une explication à votre question dans la réponse du Guichet du savoir, Pourquoi les pigeons ont quitté leur nid et des œufs ont été troués et vidés ? du 22 mai 2022.
Bonne journée.