Question d'origine :
La Morale est elle objective ou subjective?
(Je sais que j'ai posé beaucoup de questions sur la morale et je suis désolé si je vous dérange)
Réponse du Guichet

S'opposent ici deux visions méta-éthiques : le subjectivisme moral et le réalisme moral.
Bonjour,
D'après Pierre Charette dans son ouvrage Éthique et politique :
Selon la doctrine du subjectivisme moral, les « valeurs morales » ne sont en réalité que des phénomènes psychologiques, de l’ordre de la préférence subjective. Il n’existe pas de « faits moraux » objectifs : il n’y a que des préférences subjectives, susceptibles de varier selon les personnes.
Ce que nous appelons « jugements moraux » ne sont en fait que des opinions exprimant ces préférences subjectives. En conséquence, aucun « jugement moral » ne saurait être vrai ou faux. En matière de moralité, il n’y a que des opinions, lesquelles se valent toutes. La seule façon d’admettre que les jugements de valeur puissent avoir une valeur de vérité serait de prendre au pied de la lettre l’idée que « chacun a sa vérité », et donc que ce qui est « vrai » pour une personne ne l’est pas nécessairement pour une autre. Ce qui serait une conception éminemment contestable de la « vérité ».
Selon la doctrine du relativisme culturel, les « valeurs morales » ne sont en réalité que des phénomènes sociaux, lesquels mettent en cause des règles sociales. Plus concrètement, il s’agit pour l’essentiel de conventions, de coutumes.
Si on peut affirmer l’existence des valeurs morales, ou de faits moraux, ce n’est qu’en tant que conventions ou coutumes, se manifestant à l’échelle d’une société donnée, à une époque donnée. S’il existe des faits moraux, ils ne sont pas universels : ils n’existent que relativement à une certaine société, une certaine culture, à une époque donnée.Un jugement moral donné peut être dit « vrai » ou « faux » à l’échelle d’une culture donnée à une époque donnée, mais pas au-delà. Un jugement vrai dans une société, à une certaine époque, peut être faux dans une autre société ou époque, et vice-versa. Aucun jugement moral ne peut être vrai ou faux universellement. En matière de moralité, il n’existe aucun point de vue objectif et universel à partir duquel on puisse se livrer à un arbitrage entre les cultures (et les époques), et ainsi identifier les cultures (et les époques) qui seraient moralement meilleures que d’autres.
Comme cette doctrine ne reconnaît l’existence de faits moraux qu’en tant que phénomènes sociaux, et que ces phénomènes sont pour l’essentiel de l’ordre de la convention, le relativisme culturel est également appelé conventionnalisme.
Selon la doctrine objectiviste et universaliste, les valeurs morales sont des entités abstraites, qui ont une existence objective et universelle, indépendamment des phénomènes psychologiques et sociaux. Il existe donc des faits moraux objectifs et universels.
La plupart des partisans de cette doctrine considèrent qu’il est possible de décrire et de connaître les faits moraux. Les jugements moraux qui correspondent à ces faits sont universellement et objectivement vrais, alors que ceux qui échouent à y correspondre sont universellement et objectivement faux. Selon ces philosophes, il est possible d’acquérir des connaissances objectives et universelles en matière de morale.
Cependant, les partisans de l’objectivisme et de l’universalisme ne s’entendent pas sur plusieurs choses :
• Quels sont ces faits moraux, et comment peut-on les connaître ?
• Quel impact concret la connaissance morale peut-elle avoir sur nos conduites ? Entraîne-t-elle automatiquement une contrainte sur l’action humaine ? Ou peut-on, dans la pratique, faire fi de cette connaissance théorique ?
Ces questions, et les réponses qu’on peut y apporter, constituent la théorie morale, dans ses multiples versions. En termes de niveau d’abstraction, la théorie morale se situe tout juste sous la méta-éthique.
Pour aller plus loin :
Introduction à la Philosophie Morale, un cours de Olivier Massin
Le réalisme moral / Peter Railton
Réalisme moral (A) et Réalisme moral (GP)
Subjectivisme moral et Réalisme moral
Quelques livres à la BML :
Introduction à la philosophie morale / Gérard Malkassian
La philosophie morale / Monique Canto-Sperber, Ruwen Ogien
La morale / Yvan Elissalde
La morale / sous la direction de Silvia Manonellas et Jean-Philippe Milet
Bonne journée.
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