Comment exposer ce fonds de cartes postales conformément à la loi et au droit d'auteur ?
Question d'origine :
Bonjour,
Je suis stagiaire au sein d'un service d'archives municipales et ma mission de stage est en rapport avec le traitement d'un fonds de cartes postales ayant pour finalité une possible exposition voire diffusion sur la photothèque de la ville. Alors pour arriver à cela, j'ai mené des recherches concernant l'aspect juridique des cartes postales et j'ai pu trouver de nombreux articles, sites évoquant le droit autour des cartes postales et j'ai été sur les sites de différentes institutions (archives, musées, bibliothèque aux échelles municipales, départementales et nationales). Je sais donc que les cartes postales tombent dans le domaine publique 70 ans après la mort de leur(s) auteur(s), qu'il faut avoir les autorisations des personnes identifiables sur les cartes, celles des auteurs, de leurs ayants droits et des éditeurs pour pouvoir exploiter et utiliser ces cartes. De plus, j'ai vu que certaines institutions avaient placées leurs cartes postales sous licence libre avec le Creative Commons ou ETAlab et également, elles avaient instaurées des conditions d'utilisation et de communication. En fin, le fonds de cartes postales dont je suis chargée est assez particulier car le propriétaire avait diffusé les cartes postales et les photos sur son site internet, n'ayant aucune autorisation pour le faire et n'étant pas l'auteur de ces cartes et photos, il se compose de 1700 cartes environs présentants tous les cas de figures (cartes anciennes, d'autres plus récentes, avec des bâtiments privés, des rues publiques, des personnes identifiables, des enfants, des cartes avec notes manuscrites au dos et d'autres vierges, ...)
Je voulais donc vous demander :
- Qu'apporter de plus à cette recherche juridique en sachant que j'ai l'impression d'avoir fait une recherhce complète avec différents articles et sources ?
- Pour les autorisations, comment faire pour retrouver les auteurs ou les ayants droits si les cartes sont très anciennes et si l'éditeur n'est plus en focntion ? Faut-il les notifier comme oeuvres orphelines ou mettre droits réservés en sachant qu'i n'y a aucune valeur juridique ?
- Puis-je mettre certaines cartes postales sous licence libre avec notamment ETAlab puisque c'est un service d'archives municipales ? Comment faire ?
- Existe-t-il une feuille pratique regrouppant la démarche de recherche ou les conditions d'utilisation ou de communication des cartes postales ? Puis-je en créer une ?
Je vous remercie énormément pour votre aide et vous souhaite une bonne journée.
Réponse du Guichet

Vous semblez avoir bien cerné le problème du droit d'auteur pour les cartes postales et nos réponses ne seront peut-être que des répétitions de celles que vous avez trouvées. En résumé, une carte postale notifiée comme œuvre orpheline ne bénéficie d’aucun régime particulier. L’usage de la mention « crédit photo DR » ou « Droits réservés » n’a aucune base légale. Le droit à l’image s’éteint avec la personne. Gérer un contenu ne donne pas automatiquement de droits d’exploitation des œuvres. Le guide de l'APIE résume bien les droits d'auteur et droits à l'image de tous types de contenus.
Cependant, n'étant pas juristes, nous vous conseillons de vous informer auprès de professionnels du droit.
Bonjour,
D'après vos informations, vous semblez avoir trouvé nombres de réponses à vos questions et il n'est pas certain que nous puissions vous apprendre autre chose surtout si vous avez l'impression d'avoir réalisé une recherche complète.
Avez-vous lu Droit de publication sur cartes postales anciennes du site Livre et lecture en Bretagne ?
Vous y retrouverez en grande partie ce que vous savez déjà avec des précisions à propos des cartes postales envisagées comme œuvres orphelines et sur le droit à l’image de la personne identifiable sur la carte postale :
En effet, sur le terrain du droit d’auteur du photographe, l’article L113-10 du Code de la propriété intellectuelle (CPI) définit la carte postale envisagée comme une œuvre orpheline, c’est à dire une œuvre dont le titulaire des droits ne peut pas être identifié ou retrouvé, malgré des recherches diligentes, avérées et sérieuses.
Le régime général des œuvres orphelines est fixé aux articles L135-1 et suivants du CPI. Il prévoit une autorisation générale de numérisation et mise à disposition du public par des organismes culturels, non-commerciaux, MAIS les photographies et images fixes en sont expressément exclues.
Dès lors, une carte postale œuvre orpheline ne bénéficie d’aucun régime particulier.
C’est pourquoi, en l’absence d’auteur identifié s’est développé l’usage de la mention « crédit photo DR » ou « Droits réservés ». Elle signifie que l’éditeur n’a pas trouvé d’ayant droit pour la photo mais s’engage à régler les droits si un auteur se manifeste. Cette pratique n’a aucune base légale.
De plus (article L123-1 CPI et suivants), la durée de protection des œuvres par le droit d’auteur est de 70 ans pour les droits patrimoniaux (+ 6 et 8 ans, voire jusqu’à 88 ans, avec les prorogations liées aux guerres du 20° siècles).
Cette durée de 70 ans courre à compter de la mort de l’auteur mais, pour les œuvres orphelines, elle courre à compter du 1er janvier de l'année civile suivant celle où l’œuvre a été créée. En 2018, une œuvre orpheline antérieure à 1948 est tombée dans le domaine public.
Attention toutefois, car le calcul de la durée des droits patrimoniaux sur une œuvre peut être délicat, eu égard aux changements de durée légale de protection, de 50 à 70 ans, en 1985 et 1995, aux prorogations liées aux guerre, notamment pour un auteur mort pour la France, tel Antoine de Saint Exupéry, dont les œuvres sont protégées pendant plus de 88 ans et ne tomberont dans le domaine public qu’en 2033.
[...]
Dans notre cas, si après publication la personne photographiée ou ses héritiers se manifestent, il y a deux situations :
- si c’est la personne elle-même qui se manifeste, il y aura lieu de trouver un accord avec elle pour l’utilisation de son image ;
- si ce sont ses héritiers, vous n’avez rien à leur demander et ils ne peuvent vous empêcher d’utiliser l’image de leur aïeul décédé.
En effet, le droit à l’image des personnes n’existe pas en tant que tel dans la loi mais s’est construit sur la base de l’article 9 du Code civil qui dispose : « Chacun a droit au respect de sa vie privée ». La jurisprudence a ensuite consolidé l’idée que « chacun jouit sur son image d’un droit absolu ».
Ce droit à l’image fait partie des droits de la personnalité, construction jurisprudentielle, droits fondamentaux que toute personne possède et qui sont inséparables de la personne. Citons notamment le droit au respect du corps, au respect de sa vie privée, droit à l’image et à la voix.
Ces droits ne sont pas transmissibles aux héritiers.
La jurisprudence bien établie aujourd’hui considère que le droit à l’image s’éteint avec la personne.
Attention, le droit à la dignité, à l’honneur et à la réputation constitue une limite infranchissable quant à l’utilisation de l’image d’une personne décédée.
Il ne faut donc pas créer de préjudice moral personnel aux héritiers par la publication de cette carte postale dans un livre, avec un commentaire désobligeant à leur égard par exemple. Ce serait alors le droit commun de la responsabilité qui trouverait à s’appliquer.
Conclusion, en pratique
On ne peut pas généraliser, chaque cas étant unique.
Il convient donc d’analyser le projet de publication au regard du droit d’auteur, du doit à l’image et du risque de préjudice moral pour d’éventuels héritiers.
En pratique, ce n’est que si la carte postale n’est pas très ancienne que les risque sont les plus importants, tant pour les droits d’auteur que pour le droit à l’image des personnes.
L'article Question de droit à propos des cartes postales, dessins et photos (anciennes ou pas) du lycée du bois et de l'habitat d'Aubin, indique que comme il nous est impossible de retrouver toutes les personnes concernées, le signalement et les autorisations de publication sur ce blog, ne pourront être éventuellement corrigé qu'à posteriori. Le droit à la vie privée des personnes ne s'applique pas lorsque le document a déjà été publié sans opposition, un article de presse par exemple. ATTENTION ! Voir complément de réponse.
Comme cet établissement, vous pourriez signaler de manière visible, lors de votre exposition : Toute personne, (ou ses ayants droits) ne souhaitant pas voir figurer sa photo ou son nom est priée de se mettre en rapport avec l'établissement pour le signaler.
Les contenus concernés par le droit d’auteur sur economie.gouv.fr du Ministère de l’Économie des Finances et de la Souveraineté Industrielle et numérique, répond à votre question Puis-je mettre certaines cartes postales sous licence libre avec notamment ETAlab puisque c'est un service d'archives municipales ?
- Le fait d’avoir fait réaliser un contenu dans le cadre d’une prestation de services, ne donne pas automatiquement de droits d’exploitation sur l’œuvre. Sauf cas particuliers prévus par la loi ou la jurisprudence, celui qui commande un contenu à un tiers (salarié ou prestataire de services) doit obtenir les autorisations précises et détaillées de son utilisation.
- Ni le but d’intérêt général, ni le caractère gratuit de l’exploitation, ni le caractère désintéressé, ne permettent à l’utilisateur de s’exonérer de l’obligation de solliciter une autorisation.
Pour apporter la meilleure réponse à cette question, nous avons sollicité nos collègues de Numélyo. Nous ferons un complément de réponse lorsque nous obtiendrons celle-ci de leur part.
Enfin, le cahier pratique Droit d'auteur, droit à l'image : les étapes essentielles pour utiliser un contenu réalisé par l'APIE, Agence du patrimoine immatériel de l’État est un guide qui résume bien les conditions d'utilisation et de communication des cartes postales et tous contenus concernés par les droits d'auteur.
A lire également cette réponse du Guichet du savoir, Publication de cartes postales anciennes. Le dernier paragraphe de cette réponse mentionne l'exception pédagogique mais le lien indiqué n'est plus fonctionnel. Vous trouverez des informations à ce sujet en 8e point du Protocole d'accord sur l'utilisation et la reproduction des livres, des œuvres musicales éditées, des publications périodiques et des œuvres des arts visuels à des fins d'illustration des activités d'enseignement et de recherche.
Avant de terminer notre réponse, nous vous rappelons deux choses.
D'abord que l'équipe du Guichet du savoir est constituée de bibliothécaires affecté·es à la recherche documentaire. Nous ne sommes pas juristes et nos recherches ne sont que des pistes à faire valider par des experts du droit.
Nous vous conseillons également de contacter des institutions qui devraient être plus averties que nous sur toutes vos questions comme l'Unité Gestion documentaire et archivage de la Métropole de Lyon, les Archives du département du Rhône et de la métropole de Lyon (formulaire de contact) ou celles de la Ville de Lyon.
Et nous vous rappelons ce que précise la Charte d'utilisation du Guichet du savoir : Le message ne doit comporter qu'une seule question. Ceci nous permet de creuser davantage nos recherches.
Bonne journée.
Complément(s) de réponse

Bonjour,
Voici la réponse du service Numelyo de la BML.
Un service d’archives municipales peut tout à fait mettre ses cartes postales sous licence ETALAB, après s’être assuré que ces documents sont libres de droit ou dans le domaine public.
La validation de l’institution et/ou de la tutelle est nécessaire.
A Numelyo, la décision a été validée par la direction et non en conseil municipal, par exemple.Voici un lien utile :
https://www.etalab.gouv.fr/wp-content/uploads/2017/04/ETALAB-Licence-Ouverte-v2.0.pdf
Bonne journée.
Complément(s) de réponse

Bonjour,
Nous revenons vers vous suite à des recherches plus approfondies à propos de l'affirmation du lycée du bois et de l'habitat d'Aubin, le droit à la vie privée des personnes ne s'applique pas lorsque le document a déjà été publié sans opposition, un article de presse par exemple.
Celle-ci est à prendre avec des pincettes car même si selon La protection de la vie privée face aux médias sur sénat.fr, l'article 226-1 précise que lorsque l'enregistrement des paroles, la fixation des images, leur transmission ou leur enregistrement ont été effectués au vu et au su de l'intéressé sans qu'il s'y soit opposé alors qu'il était en mesure de le faire, le consentement de celui-ci est présumé, la présomption de consentement ne vaut que pour l’acte initial, pas pour d’autres utilisations ultérieures.
C'est en effet ce que précise le Fasc. 40 : Image des personnes d'Emmanuel Dreyer sur Lexis Nexis :
En jurisprudence, une formule paraît s'être imposée qui évoque la nécessité d'une " autorisation expresse et spéciale " ( CA Paris, 12 sept. 1995 : Légipresse 1996, n° 129, III, p. 21 . - TGI Paris, 1re ch., 22 sept. 1999 : Comm. com. électr. 2000, comm. 59 , obs. A. Lepage. - TGI Nanterre, 1re ch., 4 juill. 2000 : Légipresse 2000, n° 175, I, p. 119 . - V. aussi ajoutant l'adjectif " préalable " : CA Paris, 17 nov. 1994 : JurisData n° 1994-023583 ). À défaut, la portée de l'autorisation donnée est limitée au contexte dans lequel la photographie a été prise, ce qui interdit toute autre utilisation ( CA Paris, 4 oct. 1984 : D. 1985, somm. p. 163, obs. R. Lindon. - CA Versailles, 21 mars 1996 : JurisData n° 1996-041122 . - TGI Paris, 25 févr. 1998 : Légipresse 1998, n° 152, I, p. 68 ). Il en va a fortiori de même lorsque le consentement est censé avoir été donné de manière tacite (V. Cass. 2e civ., 4 nov. 2004, n° 02-15.120 : JurisData n° 2004-025445 ; Bull. civ. II, n° 487 ). Il ne saurait engager la personne au-delà de l' utilisation de son image immédiatement prévisible.
[...]
En conséquence, il n'est pas possible de tirer argument du fait que l' image représentant la personne a déjà été divulguée. Le consentement donné une première fois par le sujet ne rend pas les divulgations ultérieures licites (V. Cass. 1re civ., 30 oct. 2007, n° 06-19.632 : JurisData n° 2007-041145 ; Comm. com. électr. 2008, comm. 13 , obs. A. Lepage. - Cass. 2e civ., 19 févr. 2004, n° 02-12.742 : JurisData n° 2004-022379 ; Gaz. Pal. 6-7 janv. 2006, p. 41 , obs. F. Bourg. - CA Paris, 8e ch., 14 févr. 2002 : D. 2002, p. 2004, note J. Ravanas. - CA Paris, 14e ch., 31 oct. 2001 : JurisData n° 2001-157811 ; D. 2002, p. 2374, obs. L. Marino. - TGI Paris, ch. presse, 12 déc. 2000 : Comm. com. électr. 2001, comm. 32 , obs. A. Lepage. - TGI Seine, 24 nov. 1965 : JCP G 1966, II, 14521 , obs. R. Lindon). Tout au plus, cette circonstance permet-elle de se servir pour limiter l'importance du préjudice patrimonial subi puisque le cliché diffusé sans autorisation n'apparaît plus inédit (V. TGI Paris, 30 juin 1997 : Légipresse 1998, n° 152, I, p. 67 ).
Bonne journée.