Gilgamesh peut-il être considéré comme le premier franc-maçon ?
Question d'origine :
Gigamesh peut il être considéré comme le premier maçon
Réponse du Guichet

Il semble exagéré de considérer Gilgamesh comme premier franc-maçon. Cependant la franc-maçonnerie spéculative qui s'appuie sur des mythes pour les initiations trouve des points communs entre la quête de Gilgamesh et celle des obédiences maçonniques.
Bonjour,
D'après nos recherches, il semblerait que considérer Gilgamesh comme le premier franc-maçon soit un peu tiré par les cheveux.
En effet, d'abord historiquement, selon l'ouvrage La franc-maçonnerie pour les nuls de Philippe Benhamou,
La franc-maçonnerie spéculative (du latin speculativus signifiant abstrait) naît au XVIIIe siècle lorsque les Anglais s'attribuent des rituels et des secrets utilisés par la franc-maçonnerie opérative en créant des loges dont l'objet n'est pas de bâtir des bâtiments, mais de construire une société meilleure et plus éclairée. La franc-maçonnerie spéculative anglaise se définit donc comme un club pour gentlemen entre la société savante et une organisation caritative. Dans une Angleterre déchirée par les guerres de religion et les querelles politiques, les loges sont également des refuges pour les hommes cherchant un lieu d'échange hors politique et hors religion.
La date de naissance de la franc-maçonnerie moderne est celle de la création de la Grande Loge de Londres en 1717. Elle est constituée par la réunion de quatre loges anglaises. Elle devient la Grande Loge Unie d'Angleterre en 1813 par fusion de deux courants.
En 1723, le pasteur Anderson et le premier Grand Maître de la Grande Loge de Londres, Jean-Théophile Désaguliers publient les Constitutions d'Anderson qui deviendront la Charte universelle de la franc-maçonnerie spéculative.
La franc-maçonnerie française
Une première loge maçonnique française voit le jour à Paris en 1725. Elle est suivie de nombreuses autres dans toutes les grandes villes du pays. Elles sont alors fréquentées par l'aristocratie et l'élite intellectuelle qui trouvent là un lieu où souffle l'esprit des Lumières.
Dans son livre Les francs-maçons, Roger Dachez écrit,
La franc-maçonnerie est née en contexte chrétien - c'est un pur produit de la culture européenne de la fin du XVIIe siècle et du siècle suivant. Elle a tiré de la Bible et des Évangiles l'essentiel de ses références symboliques et légendaires. En France comme en Angleterre, tout au long du XVIIIe siècle, c'est sur l'évangile de Jean qu'ont été prêtés tous les serments maçonniques.
Mais qu'en est-il symboliquement pour la franc-maçonnerie spéculative qui use beaucoup de symboles et se fonde sur les mythes pour l'initiation ?
Le mythe biblique du Temple de Salomon et celui de Jérusalem céleste sont repris par la franc-maçonnerie pour poser la question de la fragilité des constructions humaines et de l'immortalité du temple spirituel.
La franc-maçonnerie n'a pas fabriqué de mythes, mais a repris à son compte en les adaptant des mythes anciens dont le plus connu est celui du meurtre d'Hiram, l'architecte du Temple de Salomon.
Source : La franc-maçonnerie pour les nuls / Philippe Benhamou
Selon l'introduction de Georges Bertin à l'article de Simone Vierne, Les mythes de la Franc-maçonnerie, Paris, Véga, 2008, 142 p. Sociétés, 101(3), 113-115,
La Franc-maçonnerie se fonde ainsi sur sa fidélité à de grands archétypes mythiques dont on peut retrouver les images dans la plupart des grandes civilisations : mythe de la construction du Temple, modèles bibliques de l’errance et de l’Exode, mythes de renaissance égyptiens, Arche de Noë, épopées plus anciennes (Gilgamesh à Sumer)
A propos des mythes d'initiation, voici ce que S. Vierne écrit dans L’initiation requestionnée :
Or, l'initiation a toujours été pratiquée, aussi bien chez les peuples les plus anciens (les «peuples sans écritures» mais dont les ethnologues ont pu reconstituer les rituels chez ceux qui subsistent encore), que dans l'Antiquité, soit grâce à des rituels conservés, soit à travers des œuvres comme le premier texte qui nous soit parvenu des temps sumériens, l'épopée de Gilgamesh.
On retrouve aussi Gilgamesh cité dans L’Initiation Traditionnelle, n° 4, 2019, l’épopée de Gilgamesh offre une illustration de cette vulnérabilité humaine.
Le site 450.fm lui consacre également un article, La Mésopotamie de Gilgamesh et la quête initiatique et conclue :
Les points de convergence entre la quête de Gilgamesh et la quête maçonnique sont nombreux, même si la première est extérieure avant d’être intériorisée, alors que la seconde procède (presque) à l’inverse. L’une et l’autre s’apparentent moins à la recherche gnostique de l’immortalité arrachée au divin qu’à la construction de soi en suivant, ou plutôt en traçant, un chemin initiatique. Ce que nous montre l’épopée, c’est la voie de la Sagesse. Rien n’est acquis, tout est conquis. Et action et réflexion sont indissociables.
En fait, derrière les péripéties d’une chanson de geste ou d’une histoire personnelle que chacun, à manière, pense ou présente comme légendaire, Gilgamesh, au même titre que la franc-maçonnerie, nous signale un triple Mystère de l’Homme : la Mémoire, qui est création du moi ; le Langage qui est, comme nous l’avons vu, non seulement support mais condition de la pensée et de toute relation humaine ; la Créativité enfin, qui concerne l’imaginaire (y inclus le monde imaginal d’Henry Corbin) et l’adaptabilité aux périls du parcours. Chacun de ces points mériterait de longs développements, mais nous conclurons sur une dernière interrogation.
Bonne journée.