Est-ce que les personnes publiques et les gens en général reçoivent des messages haineux ?
Question d'origine :
Est-ce que beaucoup de personnes reçoivent des critiques, parfois même des commentaires haineux? Est-ce vrai que les personnes publiques comme les gens qui sont à la télévision ou les politiciens ou autres reçoivent des commentaires haineux? Est-ce que beaucoup de gens reçoivent des critiques désagréables? Il semble que quoi que l'on fasse tout le monde se fait critiquer, quelquefois de manière très désagréable, comme avec des commentaires haineux?
Réponse du Guichet

Que l’on soit une personnalité publique ou non, il devient difficile d’échapper à la critique et aux commentaires désagréables dans la société actuelle, en particulier sur internet où tout peut être jugé, commenté ou dénigré publiquement. Les critiques des haters se font virulentes voire violentes pouvant aller jusqu'au cyberharcèlement. Heureusement, ces cas restent minoritaires ! Des techniques existent pour lutter contre les violences verbales et la cyberviolence que ce soit au niveau de la prévention ou des sanctions.
Bonjour,
L'actualité ou les actions de tout un chacun ont toujours été commentées, analysées et critiquées par tout le monde, que ce soit en famille, entre amis, au café du coin ou entre collègues de travail. Ce qui change aujourd'hui c'est que, caché derrière un écran, les critiques deviennent plus acerbes voire violentes.
Si les commentaires postés ici et là sur internet et les réseaux sociaux ont la plupart du temps pour objectif d'exprimer une opinion ou de corriger une inexactitude, ils se transforment parfois en torrents de haine. Postés de manière anonyme par des haters, voire collective par des trolls, ils peuvent donner lieu à de véritables lynchage publics.
Quelques définitions :
Hater est un terme d'origine anglaise désignant des personnes qui, parce qu'elles détestent une personnalité ou une chose, consacrent beaucoup de temps à dénigrer cette personne ou chose. Les haters ont souvent pour cibles les célébrités, certaines émissions de télévision, des films, etc., et expriment leur haine sur les réseaux sociaux.
Troll : Personne qui poste des messages tendancieux sur les forums internet afin d'alimenter les polémiques.
Quelle est la différence entre un troll et un hater ?
Selon Michael Stora, psychanalyste et fondateur de l'Observatoire des Mondes Numériques en Sciences Humaines, il est important de distinguer le hater du troll. "La figure du troll est d’abord apparue sur les jeux vidéo en ligne, où il venait bouleverser les règles du jeu et casser l’ambiance. Plus largement, c’est devenu quelqu’un dont la vocation est de mettre à mal un système, de remettre en cause certains faits établis. On a presque envie de penser que l’évolution du troll va créer une forme de résistance face à un discours majoritaire. Sur les grands réseaux sociaux, le troll tend un miroir un peu déformant de la bêtise humaine, de manière ironique, plus ou moins drôle, mais assez créative, il faut le reconnaître ! Je valorise beaucoup le troll, moi ! Surtout sur des réseaux comme Facebook ou Instagram qui engendrent de la souffrance et s’avèrent assez caricaturaux".
Concernant le hater, "sa vocation n’est pas de casser le système, mais de casser l’autre, ajoute le spécialiste. Nous sommes derrière des écrans qui, toute la journée, nous imposent une forme d’hypocrisie sociale. Le hater, en commentant tout, en harcelant, en insultant, trahit une amertume personnelle et souvent du sexisme, du racisme, de la xénophobie". Alors, pourquoi les trolls et les haters ressentent-ils ce besoin d’exprimer sans retenue ce qu’ils pensent ?
source : Trolls/Haters : qui se cache derrière cette haine déversée sur les réseaux sociaux ? / Chloé Thibaud - Doctissimo - 15/11/2022
Votre question fait probablement allusion aux commentaires postés par des trolls ou haters sur les réseaux sociaux. Ceux-ci se multiplient avec plusieurs desseins notamment celle d'influencer les opinions. Ils sont d'autant plus efficaces qu'ils sont davantage lus. Voici un extrait de l'article du Dr Nathalie Szapiro-Manoukian intitulé Ils réagissent agressivement, dénigrent... Mais qui sont donc les «haters», qui déversent leur haine sur internet ? (Le Figaro - 17 juin 2025) pour illustrer ce phénomène :
Des commentaires davantage lus
Les commentaires négatifs sont survalorisés, comme en attestait déjà l’analyse du Guardianen 2017 de quelque 70 millions de commentaires déposés pendant dix-sept ans. Sans surprise, le journal britannique concluait que les articles sur les sujets les plus clivants - conflits armés, le féminisme, etc. - suscitent le plus de commentaires haineux. Mais ces commentaires négatifs sont aussi davantage lus : «Notre cerveau vient du monde animal, son adaptation naturelle a favorisé le repérage des informations menaçantes pour la survie de l’espèce, rappelle le Dr Bernard Anselem, spécialiste en neuropsychologie de la régulation des émotions. Cette tendance à privilégier les informations émotionnelles négatives a perduré. Les évènements fortement émotionnels sont aussi mieux mémorisés. Enfin, le réseau de la récompense s’active en cas de stimulation négative, ce qui pousse à s’y intéresser encore plus.»
Or lire ces commentaires négatifs en boucle peut contribuer à adhérer à des théories fausses. À l’Université de Géorgie, une étude a été menée pour savoir si ces commentaires avaient un impact sur l’opinion qu’un lecteur se faisait à la lecture d’un article ou d’une vidéo (Political Psychology, 2019). Plus de 150 participants adultes étaient ainsi amenés à visionner la même fausse interview d’un politique. Ils étaient divisés en 3 groupes : le premier n’avait pas accès aux commentaires (groupe témoin). Le second n’avait accès qu’à des commentaires accusant le politique de mensonges. Le troisième, aux commentaires accusant le journaliste de manquer d’objectivité. Interrogés sur ce qu’ils avaient pensé de la vidéo, les participants se sont avérés significativement influencés par les commentaires négatifs, au point que l’auteur de l’étude en a conclu que publier un commentaire était une arme efficace pour influencer les opinions. Et ce, d’autant plus qu’un commentaire n’est pas identifié comme étant une source d’influence.
L’anonymat permet de se lâcher : sans risque d’être reconnu et donc d’avoir à assumer ses propos, pourquoi se retenir ? D’ailleurs, quand l’anonymat est levé dans le cadre d’une enquête pour harcèlement moral, le commentateur montre un autre visage. Une personne très virulente à l’égard des parents de la petite Maddie enlevée durant leurs vacances au Portugal, s’est suicidée quand son nom et un extrait des 4600 horreurs qu’elle avait écrites ont été dévoilés. «La haine étant impossible à éliminer, l’une des façons de la contrer serait de lever l’anonymat pour que chacun se sente responsable de ses écrits», estime le Dr Apfeldorfer.
« Trolls stratégiques »
À côté de ces haineux en mal de reconnaissance, d’autres, les « trolls stratégiques », travaillent au profit d’un parti ou d’une idée politique. Ils multiplient les messages et les répètent au maximum pour attirer des lecteurs. À force de lire ces messages clés repris un peu partout, les lecteurs peuvent avoir l’impression que tout le monde pense pareil (bulle de filtre). «La lecture d’éléments conformes à ses croyances aboutit à un biais de confirmation. Motivé par les mêmes rejets, un sentiment d’appartenance à un groupe se développe. Ceux qui ne partagent pas les mêmes opinions sont alors rejetés. Toute discussion sereine devient impossible», note le Dr Anselem.
Pour approfondir le sujet, quelques livres :
- Pourquoi tant de haine ? : psychologie du ressentiment, de la colère et de la violence / Gérard Apfeldorfer
- L'homme agressif / Pierre Karli
- L'agression humaine / Laurent Bègue
Sur la cyberviolence :
- Cyberviolence / Catherine Blaya, 2025
- J'ai vu naître le monstre : twitter va-t'il tuer la #démocratie ? / Samuel Laurent, 2021
- La haine en ligne / David Doucet, 2020
- Cyberhaine : les jeunes et la violence sur Internet / Catherine Blaya, 2019
- Cyberharcèlement : bien plus qu'un mal virtuel / Anaïs Condomines et Emmanuelle Friedmann, 2019
Un podcast France culture : Les "haters" sont-ils plus bêtes que méchants ? (3 octobre 2018)
Comme vous l'indiquez fort justement, les personnalités publiques subissent de plein fouet ce déferlement de commentaires que ce soit pour saluer ou blâmer leurs actions. Mais des techniques permettent de mieux accepter la critique. Voici quelques ouvrages qui pourront être utiles :
- Petit-traité de self-défense psychologique : comment gérer l'agressivité / Jérôme Palazzolo
- Faire face à l'agressivité et au harcèlement : toutes les bonnes attitudes / Valérie Rodger
- 20 bonnes façons de faire face à l'agressivité et au harcèlement : la bible des outils anti-agressivité et hacèlement / Valérie Rodger
- L'art de moucher les fâcheux : les secrets de la repartie en 37 stratagèmes / Julien Colliat
La loi tente d'être plus ferme face à cette montée de violence. Voir le Rapport de Laëtitia Avia, Karim Amellal et Gil Taïeb remis au Premier Ministre le 20/09/2018 : Renforcer la lutte contre le racisme et l’antisémitisme sur Internet.
Voir aussi ce dossier de la CNIL : Cyberviolences et cyberharcèlement : que faire ? (novembre 2023) et ces ressources pour prévenir les situations de harcèlement en ligne.
Bonne journée.