Quels sont les risques de prendre un traitement hormonal contre une ostéoporose avant 40 ans ?
Question d'origine :
Bonjour,
Je souhaiterais savoir quelles sont les connaissances actuelles sur les bénéfices et les risques liés à la prescription d'un Traitement Substitutif Hormonal avant 40 ans dans le cadre d'une aménorrhée liée à une insuffisance pondérale en vue de réduire les risques d'ostéoporose ?
Vous remerciant par avance.
Cordialement
Réponse du Guichet

Les avis sont controversés sur le Traitement Substitutif Hormonal d'autant plus que nous n'avons pas bien réussi à distinguer si, ce qui s'applique au Traitement Hormonal de la Ménopause est valable aussi pour le THS. D'après nos recherches, le THM exerce une action protectrice contre l’ostéoporose post-ménopausique. Les œstrogènes administrés lors de la prise du traitement freinent la perte osseuse mais il y a un risque cardio-vasculaire après la prise du THM par voie orale. Une autre source indique qu'il n'y a aucun argument suggérant une augmentation du risque de cancer du sein sous THS et qu'il existe très peu de contre-indication au THS, en pratique courante chez les femmes avec une IOP. L'Inserm se montre lui aussi rassurant : Le THS n’expose pas les femmes de moins de 50 ans aux risques observés avec le THM. Le Quotidien du médecin se montre plus nuancé en évoquant le surrisque de cancer du sein, de l'endomètre, de l'ovaire, d’événement thromboembolique veineux et d'accident vasculaire cérébral ajoutant qu'en France, « avec l'estradiol transdermique micronisé ou la dihydrogestérone, les effets secondaires restent soit inexistants, soit beaucoup plus faibles qu'avec les traitements utilisés majoritairement aux États-Unis ». Enfin, un article de recherche indique, il a été démontré que l'utilisation d'un traitement hormonal ménopausique contenant des œstrogènes influence le risque de tumeurs du système nerveux central.
Bonjour,
Le Guichet du savoir n'est certainement pas le mieux placé pour répondre à votre question qui engage peut-être votre santé. C'est pourquoi nous vous conseillons en premier lieu de vous en tenir aux recommandations et préconisations de votre médecin auquel nous ne pouvons nous substituer et/ou de consulter un ou plusieurs autres spécialistes de la santé.
Nous nous permettons d'insister en attirant votre attention sur la nécessité de bien considérer les éléments que nous vous communiquons avec parcimonie d'autant plus que dans le cas présent, la personne dont il s'agit n'a même pas 40 ans, que nous ne connaissons pas les causes de son insuffisance pondérale et que même si nous en avions connaissance, nous restons avant tout bibliothécaires et non personnel médical.
Un article du site Imagyn, La vie intime nous apprend que la dénomination Traitement Substitutif Hormonal (THS) serait l'ancienne désignation pour Traitement Hormonal de la Ménopause (THM). Mais d'après un autre document, il faut distinguer le Traitement Hormonal de la Ménopause (THM) qui est réservé aux femmes ménopausées à l’âge normal tandis que le Traitement Substitutif Hormonal (THS) s’adressera aux femmes ménopausées précocement, thèse pour le diplôme d’État en pharmacie RÔLE DU PHARMACIEN D’OFFICINE DANS LA PRISE EN CHARGE DE LA MÉNOPAUSE : TRAITEMENTS ET CONSEILS de DILLAY Caroline, soutenue le 25 mars 2022. Dans les indications (2.I.B., p.27), C. Dillay poursuit ainsi :
Suite à la publication de nombreuses études, menées dans les années 2000, et mettant en évidence un sur-risque de développer un cancer du sein, de l’endomètre ou de l’ovaire avec la prise de THM, la HAS a émis de nouvelles recommandations et demande que ce traitement soit le plus court possible, à des doses minimales efficaces et de réévaluer chaque année les bénéfices et les risques de ce traitement. Ainsi, seules les femmes présentant des troubles du climatère importants se verront proposer un traitement hormonal. Il existe des alternatives thérapeutiques bien que les œstrogènes restent le traitement le plus efficace pour les symptômes vasomoteurs.
Il sera également proposé aux femmes ayant un risque accru de fracture pour la prévention de l’ostéoporose post-ménopausique et présentant une intolérance ou une contre-indication aux traitements indiqués dans la prise en charge de l’ostéoporose. Ce traitement sera utilisé dans la prévention de la perte osseuse ou dans la prévention des anomalies architecturale de l’os survenant au début de la ménopause. Enfin, certaines femmes sans symptôme vasomoteur se verront proposer ce traitement si elles présentent des troubles majeurs de l’humeur, du sommeil, de la libido ou des troubles articulaires. Ces signes cliniques doivent être invalidants et la prescription se fera au cas par cas et suivant la balance bénéfice-risque.
Une information claire et adaptée, sur les risques encourus doit être donnée aux patientes.
Au chapitre des contre-indications (2.I.G., p.37) :
Avant toute prescription d’un THM, il est important de vérifier que la patiente ne présente pas de contre-indication. Elles seront dépistées à l’aide d’un interrogatoire avant la prescription, d’un examen clinique ou d’examens complémentaires.
On retrouve comme contre-indication absolue, les antécédents personnels de cancers œstrogénodépendants, tels que le cancer du sein et de l’endomètre. Certaines tumeurs ovariennes hormonaux dépendantes seront également une contre-indication à l’utilisation du THM. En revanche, le cancer épithélial du col de l’utérus n’est pas une contre-indication.
Pour les antécédents de pathologies vasculaires, seront formellement contre-indiqués :
- Le THM sous toutes ses formes pour les évènements artériels ischémiques coronaires ou cérébraux.
- La voie orale pour les évènements thrombo-emboliques veineux et la présence d’une thrombophilie biologique. Dans cette situation, la voie percutanée pourra être proposée dans seulement certains cas de syndrome climatérique majeur, au sein d’une réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP).
Les autres contre-indications concernent :
- Une pathologie œstrogénodépendante
- Une pathologie hépatique car les œstrogènes et les progestatifs sont métabolisés par le foie
- Des saignements vaginaux d’origine inexpliquée
- Une tumeur cérébrale avec des récepteurs à la progestérone
- Une porphyrie (troubles de la voie de biosynthèse de l’hème entrainant des symptômes neuroviscéraux et des lésions cutanées).
En cas d’antécédents familiaux de cancer du sein, de cancer de l’endomètre et d’accidents vasculaires, il n’y a pas de contre-indication formelle au THM mais des précautions d’emploi. Une recherche de facteurs de risque chez la patiente sera faite pour écarter une augmentation de ces risques. En raison de l’augmentation du risque cardiovasculaire, le THM sera contre-indiqué si le début de la ménopause date de plus de 10 ans.
A celui des bénéfices et risques du traitement hormonal de la ménopause (2.I.I., p.37) :
Le THM est efficace pour traiter le syndrome climatérique, il réduit considérablement les bouffées de chaleur, les sueurs et la sècheresse vaginale. De ce fait, il contribue à améliorer la qualité de vie des femmes ménopausées. De plus, le THM exerce une action protectrice contre l’ostéoporose post-ménopausique. Les œstrogènes administrés lors de la prise du traitement freinent la perte osseuse.
L’utilisation d’un traitement hormonal pour la ménopause a souvent été controversée ces dernières années, en particulier concernant le risque de survenue de cancer. En effet, l’étude Women’s Health Initiative (WHI), menée en 2002, chez plus de 16 000 femmes, semblait démontrer une augmentation du risque de cancers du sein et du risque d’accidents cardiovasculaires. Ces résultats ont entrainé une nette diminution de la prescription de THM dans les années qui ont suivi. Seulement, ces résultats ont été discutés, car les femmes inclues dans l’étude, étaient en grande partie asymptomatiques et avaient dépassé l’âge de la 40 ménopause. L’âge moyen des participantes étant de 63 ans, soit presque 10 ans après l’âge de la ménopause.
Cependant, un ensemble d’études, dont l’étude WHI, a démontré une baisse de la mortalité globale associée au THM chez les femmes âgées de 50 ans à 59 ans.
Concernant le risque de cancer, on peut dire que :
- Pour le cancer du sein : il est recommandé de privilégier l’association d’un œstrogène avec de la progestérone chez les femmes non hystérectomisées. En cas d’hystérectomie, il n’y a pas de bénéfice à associer un progestatif à l’estradiol. Le risque de développer un cancer du sein, attribuable au THM augmente après 5 ans de traitement.
- Pour le cancer ovarien : l’augmentation du risque de cancer de l’ovaire augmente avec la durée d’utilisation du THM.
- Pour le cancer colorectal : la majorité des études et méta-analyses concluent à une diminution du risque de cancer colorectal lors de la prise du THM.
- Pour les cancers du pancréas et de l’œsophage : les études montrent l’effet bénéfique de la prise du THM sur le risque de survenue de ces cancers.
Les publications des essais randomisés sur le risque cardio-vasculaire après la prise du THM, montrent un risque accru d’accident vasculaire cérébral ischémique associé à la prise du THM par voie orale. En revanche, l’utilisation d’un œstroprogestatif par voie transdermique n’augmente pas ce risque, de même que si la prise de THM se fait moins de 10 ans après le début de la ménopause ou avant l’âge de 60 ans.
Ainsi, lors d’une consultation de ménopause, le risque de maladie coronaire doit être évalué de manière individuelle. Le THM n’est pas recommandé à la suite d’un infarctus du myocarde ou après un accident vasculaire cérébral ischémique. S’il est nécessaire, il doit être débuté dans les 10 premières années de la ménopause. L’association de l’estradiol à un progestatif par voie cutanée est à privilégier.
Sur le Traitement Substitutif Hormonal dans le cas d'une insuffisance ovarienne prématurée (IOP), pathologie rare de la femme touchant 1 à 2 % des femmes âgées de 40 ans, voici ce que rapporte le document Synthèse à destination dumédecin traitant : Insuffisance Ovarienne Prématurée, Extraite du Protocole National de Diagnostic et de Soins (PNDS) / FIRENDO : Filière Santé Maladies Rares Endocriniennes, Mai 2021 :
Chez les patientes avec IOP présentant une hypooestrogénie, un THS doit être proposé au moins trois semaines par mois. Le traitement hormonal substitutif comprend des estrogènes associés à de la progestérone ou un progestatif, au moins 12 jours par mois, pour éviter une hyperplasie de l’endomètre. Ce traitement sera poursuivi au moins jusqu’à l’âge physiologique de la ménopause, c’est-à-dire environ 51 ans. La préférence de la patiente pour la voie et la méthode d'administration de chaque composant du THS doit être prise en compte lors de la prescription, de même que les besoins en matière de contraception. Les patientes doivent être soigneusement informées des risques et des avantages du THS et rassurées sur le fait qu'il n'y a aucun argument suggérant une augmentation du risque de cancer du sein sous THS, lorsqu’il est pris avant l’âge physiologique de la ménopause. Le médecin doit aborder régulièrement les problèmes d’observance.
Les buts du THS sont :
• De développer puis de maintenir le volume des seins,
• De favoriser le pic de croissance pubertaire pour les adolescentes impubères,
• De protéger la masse osseuse car la carence en œstrogène est responsable d’une déminéralisation osseuse,
• De diminuer le risque cardiovasculaire car il a été rapporté un risque accru de maladies cardiovasculaires chez les patientes avec une IOP,
• D’améliorer la fonction sexuelle et la qualité de vie, en agissant sur le syndrome climatérique, la sècheresse vaginale, et la dyspareunie.
La mise en place d’un THS doit être évaluée en fonction des caractéristiques de la patiente en particulier lorsque l’IOP est associée à une autre pathologie (endométriose, maladie thromboembolique veineuse, obésité, fibromes, hypertension, etc.). Il existe très peu de contre-indication au THS, en pratique courante chez les femmes avec une IOP.
Une fois que le THS est débuté, les femmes atteintes d’IOP doivent faire l’objet d’un examen clinique annuel, en particulier avec un examen gynécologique, une palpation des seins, une mesure du poids et de la pression artérielle.
Également sur le site de l'Inserm, vous pourrez lire ces quelques mots sur la prise en charge particulière de l’insuffisance ovarienne prématurée :
Un à 2 % des femmes sont atteintes d’insuffisance ovarienne prématurée en raison d’une prédisposition génétique ou d’un trouble auto-immun. Parce que leur taux d’œstrogènes circulant est insuffisant, ces femmes présentent des symptômes comparables à ceux de la ménopause avant l’âge de 40 ans. Elles encourent en outre un risque cardiovasculaire, osseux et neurocognitif établi. Elles doivent donc recevoir un traitement hormonal substitutif (THS) qui combine des œstrogènes et un progestatif pendant au moins 12 jours par mois, et ce au minimum jusqu’à l’âge théorique de la ménopause physiologique. Ce THS n’expose pas les femmes de moins de 50 ans aux risques observés avec le THM.
Pourtant, consultable dans son intégralité via Europresse si vous êtes abonné·e à la BML, une étude finlandaise avec un suivi sur 30 ans quantifie le surrisque de décès des femmes ménopausées avant 40 ans, mais aussi les bénéfices du traitement hormonal substitutif de la ménopause, Ménopause précoce et décès prématuré : Un risque réduit de moitié grâce au traitement hormonal substitutif, Le Quotidien du médecin, mai 2024 :
Deux fois plus de risque de décès par maladie cardiaque, quatre fois plus par cancer…
[...]
Un traitement bénéfique, malgré les effets indésirables
Ainsi, si un débat s’installe aux États-Unis sur l’intérêt des THM en prévention des maladies chroniques, le traitement reste recommandé pour les femmes symptomatiques, celles présentant une insuffisance ovarienne prématurée ou à risque ostéoporotique. Le Gemvi souligne, dans un communiqué de novembre 2022, que les traitements utilisés en France diffèrent de ceux testés dans les essais américains du projet Women's Health Initiative (WHI) lancé en 2005. En France, « avec l'estradiol transdermique micronisé ou la dihydrogestérone, les effets secondaires restent soit inexistants, soit beaucoup plus faibles qu'avec les traitements utilisés majoritairement aux États-Unis », lit-on.
Malgré les risques connus du THM (surrisque de cancer du sein, de l'endomètre, de l'ovaire, surrisque d’événement thromboembolique veineux et accident vasculaire cérébral), la Haute Autorité de santé (HAS) avait estimé en 2014 que le service médical rendu du THM était important en cas de symptômes « gênants au point d’altérer la qualité de vie des femmes ». L'agence recommande depuis « un traitement aux doses les plus ajustées et le plus court possible, réévalué au moins chaque année ». Le président Macron a annoncé dans le magazine Elle publié le 8 mai le lancement d'une mission parlementaire sur la ménopause, « un vrai tabou de la société » selon le chef de l'État.
On peut également lire dans l'article de recherche Menopausal hormone therapy and central nervous system tumors: Danish nested case-control study / Nelsan Pourhadi; Amani Meaidi; Søren Friis; Christian Torp-Pedersen; Lina S. Mørch, 2023, consultable dans son intégralité via Europresse dans les mêmes conditions susnommées, il a été démontré que l'utilisation d'un traitement hormonal ménopausique contenant des œstrogènes influence le risque de tumeurs du système nerveux central (SNC).
Enfin le différend à propos des traitements hormonaux qui oppose le Dr. Joseph Mercola au Dr. Devaki Lindsey Berkson pourrait vous intéresser. Vous pouvez ici lire l'article de Mercola et la réplique de Berkson, Rebuttal to Mercola’s Article on Hormone Therapy, mars 2024, publiée sur Townsend Letter, pionnier du journalisme médical, proposant des analyses approfondies et des points de vue d'experts sur la santé holistique.
Bonne journée