Les femmes sont-elles les seules mammifères à avoir des déchirures pendant l'accouchement ?
Question d'origine :
Bonjour,
Je viens d'apprendre que les déchirures et/ou épisiotomies concernaient 87% des femmes pour un premier enfant ! La nature humaine est mal faite tout de même sur cette question.
Est-ce que les autres femelles mammifères sont concernées par cette problématique de déchirure durant l'accouchement?
Les mamans éléphants par exemple accouchent-elles sans difficulté grâce à un vagin et un périnée souples ? Ou souffrent-elles le temps de la cicatrisation durant leur post-partum ?
Réponse du Guichet

Le périnée, ou plancher pelvien, peut subir des déchirures lors de l’accouchement, parfois prévenues par une épisiotomie. Ces lésions, fréquentes chez l’humain en raison de la bipédie et de la taille du crâne du bébé, existent aussi chez certains mammifères (chiennes, vaches, juments par exemple), mais restent rares chez les espèces quadrupèdes dont la morphologie facilite la mise bas.
Bonjour,
Le périnée (du latin : perineum, autour des voies évacuatrices), aussi appelé plancher pelvien, est la paroi inférieure du pelvis, il est situé à l’extrémité inférieure des voies digestive, urinaire et génitale et diffère entre l'homme et la femme (Wikipédia - Périnée)
Chez la femme, selon les mots de Santé magazine : "C'est un ensemble de muscle qui ferme le bas du bassin et s'étend du pubis jusqu'au coccyx. Il permet de soutenir de nombreux organes tels que la vessie, l'utérus et les intestins. Le périnée comporte trois orifices : le méat urinaire, le vagin et l'anus, il possède donc un rôle important dans la continence urinaire et anale".
L'épisiotomie est une incision du périnée pratiquée au moment où un bébé est sur le point de sortir lors d'un accouchement. Elle n'est pas effectuée systématiquement mais seulement dans les cas où il est nécessaire d'aider le nourrisson à sortir. Une anesthésie locale est appliquée et on a recourt à des points de suture pour réparer la plaie (Institut national de santé publique du Québec).
Ce type de chirurgie est utilisée de manière préventive afin d'éviter aux femmes de douloureuses déchirures vaginales. Les déchirures peuvent être plus ou moins graves selon les cas de figure : il existe 4 degrés de déchirures, du grade 1 (superficiel) au grade 4 (atteinte du sphincter anal et de la muqueuse rectale). Ces déchirures interviennent le plus souvent lors des premiers accouchements, elles dépendent du déroulement de l'accouchement, de la position du bébé et de la souplesse du périnée de la femme qui accouche comme l'explique le Dr Petit pour Santé Magazine :
"Lors de l'accouchement, la tête du bébé doit se frayer un chemin par le vagin puis par l'orifice du périnée. Selon le déroulement de l'accouchement, la souplesse du périnée, la position du bébé et son périmètre crânien, il arrive que l'ouverture ne soit pas suffisante et que le périnée se déchire : on parle de déchirure du périnée" explique le Dr Petit.
Source : Tout savoir sur la déchirure du périnée - Santé Magazine.
D'autres facteurs aggravant ont été identifiés par plusieurs études. Les déchirures de grade 4 sont favorisées notamment par la primiparité (un premier accouchement), une extraction instrumentale, le poids fœtal, l'âge maternel mais aussi les épisiotomies médianes comme l'explique cette étude du Service de gynécologie obstétrique et de médecine de la reproduction de Poissy : Déchirures périnéales post-obstétricales sévères : conséquences à moyen terme sur la qualité de vie des femmes. Le taux de déchirures périnéales sévères variant de 0,6 à 20 % selon les études menées et recensées par cet article. Les déchirures de grade 1 ou 2 sont beaucoup plus fréquentes et touchaient 58% des accouchements en 2021 selon cette étude d'Aurélien Venara : Lésions obstétricales des sphincters de l’anus (LOSA) : prévention, pronostic et traitement (2024). Et ce chiffre monte à plus de 90% lors des premiers accouchements d'après Rebecca Man, Victoria Hodgetts Morton et R. Katie Morris dans Childbirth-related perineal trauma and its complications: prevalence, risk factors and management,Obstetrics, Gynaecology & Reproductive Medicine (2024)
Votre question suppose que la déchirure périnéale pourrait être une réalité partagée par plusieurs espèces de femelles, en plus de la femme, parmi les animaux de la classe des mammifères.
Dans un chapitre consacré à la mécanique obstétricale de ce mémoire d'Elise Lefranc, nous apprenons que l'espèce humaine est l'une des espèces de mammifère ayant le plus de mal à accoucher :
L’espèce humaine est l’une des espèces de mammifères ayant le plus de mal à mettre au monde ses petits, par la forme spécifique de son bassin mais aussi par l’importance du volume du crâne fœtal. À chaque naissance, se pose le problème de l’adaptation mutuelle entre le bassin maternel et le crâne fœtal. Contrairement aux autres mammifères, il y a une discordance des axes entre l’axe d’engagement du fœtus et les différents axes du bassin humain.
Chez le chimpanzé, qui possède 99 % d’ADN en commun avec l’espèce humaine, « la morphologie pelvienne permet la descente directe du fœtus, l’occiput reste en flexion. Le dégagement se passe dans le même axe que celui de la présentation, sans rotation ni extension de l’occiput sur le rachis. »
Source : Le crâne du nouveau-né Roselyne Lalauze-Pol. Tome 1.
Source : Incidence de l'accouchement en décubitus latéral sur les lésions périnéales - Elise Lefrance, Université Henri Poincaré de Nancy.
Comparativement à bon nombre d'animaux, le principal problème des humains pour mettre bas provient de leur bipédie et du développement du bassin qu'a nécessité une telle évolution. Le second provient de la taille de la tête des nouveaux nés dont les cerveaux n'ont cessé de croitre durant toute notre évolution.
Mais nous ne serions pas la seule espèce à souffrir lors des accouchements. Des animaux tels que les chiens subissent des épisiotomies en cliniques vétérinaires pour faciliter l'accouchement. Cet article publié en 1981 par M. H Clouet nous expliquait déjà que des déchirures du périnée, d'origine obstétricale, sont observables couramment chez la vache et la jument : Réparation chirurgicale des déchirures du périnée chez la jument :
Les accidents, observés chez la vache, sont la conséquence d'accouchements laborieux relevant de l'atrésie vulvaire, d'une préparation insuffisante des voies génitales de tractions exagérées sur un fœtus d'un développement important. Les fistules recto-vaginales et les ruptures complètes du périnée sont relativement rares.
Chez la jument, les contractions abdominaux extrêmement constituent puissantes des circonstances du myofavorables aux ruptures du périnée. Les déchirures complètes sont provoquées par deux dystocies : les membres antérieurs croisés sur la nuque et la position dorso-pubienne. L'orientation anormale des membres thoraciques entraîne une tension du plafond vaginal qui peut être perforé par un sabot, donnant naissance à une fistule et, si l’expulsion continue, à une rupture totale du périnée.
Mais ce sont des cas rares qui ne se manifestent que lorsque l'accouchement rencontre de grosses complications. Chez la plupart des mammifères, comme les éléphants, l'accouchement se passe le plus souvent en position quadrupède, ce qui aide à utiliser la graviter pour mettre bas et réduit considérablement la pression sur le périnée. La cavité pelvienne est sans courbure et dans le même axe, facilitant le glissement du foetus hors du canal génital :
La bipédie a modifié les courbures du rachis dont le sacrum qui représente la première courbure. Au cours de l’évolution de l’espèce humaine, cela a entraîné une modification de la forme du bassin ainsi qu’une modification de l’angle entre l’axe du détroit supérieur du bassin et l’axe du rachis. Les autres mammifères, qui sont quadrupèdes, ont un rachis et une cavité pelvienne sans courbure et dans le même axe.
Source : Incidence de l'accouchement en décubitus latéral sur les lésions périnéales - Elise Lefrance, Université Henri Poincaré de Nancy (p. 21)
Bonne journée.