D'où viennent les préférences que nous avons et comment s'expriment-elles ?
Question d'origine :
Est-ce que nous avons tous 'des préférences'? Est-ce que notre 'manière d'être, de nous comporter, nos choix, nos prises de positions etc' révèlent nos préférences? D'où viennent ces préférences que nous avons et comment s'expriment-elles?
Réponse du Guichet

Selon la sociologie bourdieusienne, nos choix seraient le reflet d'un positionnement dans le monde social, faisant transparaitre le capital culturel et économique d'un individu.
À l'origine de nos préférences personnelles, se pose la question philosophique toujours d'actualité de notre libre arbitre face au hasard et aux déterminismes biologiques et environnementaux. La psychologie différentielle admet une interaction étroite entre le patrimoine génétique et les caractéristiques environnementales dans la détermination des différences individuelles.
Aujourd'hui, le libre-arbitre de l'homme à faire des choix est interrogé par les neurosciences.
Bonjour,
Vous souhaitez savoir d'où viennent nos préférences et comment celles-ci s'expriment.
Nous vous invitons à consulter les réponses du Guichet du savoir aux 3 questions suivantes :
Comment se construisent nos gouts et nos préférences ? (09 mars 2025)
Comment faisons-nous nos choix : que prendre et que rejeter ? (24 février 2025)
Comment se construit notre identité personnelle ? (30 avril 2025)
Nous vous proposons ici une synthèse :
La sociologie affirme que nos goûts esthétiques, culturels et comportementaux n'ont rien de naturel : ces choix seraient le reflet d'un positionnement dans le monde social, faisant transparaitre le capital culturel et économique d'un individu.
Nos goûts et en particulier nos goûts culturels n'auraient rien de naturels selon le sociologue Pierre Bourdieu. Dans son ouvrage "La Distinction" publié en 1979, il développe sa théorie du jugement esthétique dont les idées principales demeurent pertinentes encore à ce jour pour comprendre comment se forment les goûts des individus. Aimer un artiste, un sport, une chanson ou en détester d'autres n'aurait rien d'anodin. Ces choix seraient le reflet d'un positionnement dans le monde social, faisant transparaitre le capital culturel et économique d'un individu. Son travail remet totalement en question l'idée d'un bon goût naturel et présente le champ culturel/esthétique comme un lieu pétri de rapports de force conscients et inconscients. Il questionne aussi notre liberté, à savoir notre faculté à aimer librement quelque chose. "Les goûts finalement sont des dégoûts" conclut-il de son analyse de la distinction culturelle. [...]
Une réévaluation des théories de Bourdieu s’est opérée à l'orée dans années 2000. L'article "Le goût des autres" de Guy Bellavance, Myrtille Valex et Michel Ratté publié en 2004 dans la revue Sociologie et sociétés en est une des incarnations avec notamment l'analyse du nouveau penchant à l'omnivorisme des nouvelles élites culturelles. [...]
Sur la question de la construction de nos croyances, nous vous orientons vers cette émission France Culture diffusée en 2023 : Comment se construisent nos croyances ? : "Dans cet épisode, Louise Tourret et ses invités tentent d'abord de comprendre et d'expliquer comment se construit et se structure l’adhésion à ce qu’on nous raconte ou le refus d’y croire, des premiers mois de la vie de l’individu à la consommation médiatique, individuellement et collectivement."
Source : Comment se construisent nos gouts et nos préférences ?(09 mars 2025)
À l'origine de nos différences et préférences personnelles à choisir ceci et rejeter cela, se pose la question philosophique toujours d'actualité de notre libre arbitre face au hasard et aux déterminismes biologiques et environnementaux (milieu physique, structures sociales, famille, éducation...).
La capacité du sujet humain à vouloir librement selon des valeurs propres est battue en brèche par les "philosophes du soupçon", selon la terminologie de Ricœur, qui pensent que le sujet est déterminé par ce qui n’est pas lui (sa classe sociale, son corps, son inconscient) et par le courant structuraliste (représenté notamment par Barthes, Lacan, Levi-Strauss, Foucault ou Deleuze) qui considère que les structures priment sur les figures et que le sujet est avant tout un processus. En revanche, les philosophies du sujet (ou encore philosophies de la conscience), partent de l’intériorité de l’homme pour fonder les valeurs qui motivent son action. [...]
Parmi les philosophies du sujet, se trouve l’existentialisme athée anti-déterministe, représenté principalement par des philosophes issus de la phénoménologie comme Heidegger, Sartre, Merleau-Ponty et Simone de Beauvoir. Selon ces philosophes, le délaissement originel de Dieu, s’il est angoissant, révèle notre liberté puisque l’homme, privé de référence absolue, doit créer ses propres valeurs en interprétant le monde dans lequel il est "jeté" : l’être humain, fondamentalement libre, opère un ensemble de choix et d'actions, donnant ainsi un sens à sa vie. [...]
La psychologie différentielle admet une interaction étroite entre le patrimoine génétique et les caractéristiques environnementales (milieu physique, social et familial, éducation, etc.) dans la détermination des différences individuelles (Source : L’origine des différences individuelles : le rôle de l’hérédité et du milieu. Psychologie différentielle ( p. 100 -117 ) / Eme, E. (2003), Armand Colin). [...]
Opposé au déterminisme, le libre-arbitre est interrogé aujourd’hui par les neurosciences. Jusqu’à quel point l’homme peut-il être maître et conscient des motivations qui déterminent ses choix ? Selon la philosophe américaine Adina Roskies, les neurosciences peuvent permettre de comprendre la prévisibilité de nos actes, mais ne tranchent pas le débat philosophie de l’interaction liberté/déterminisme. [...]
Bernard Feltz, dans sa publication Plasticité neuronale et libre arbitre défend que les neurosciences contemporaines, en particulier les recherches sur la plasticité neuronale, ouvrent à une interprétation du comportement humain en termes de libre arbitre effectif. [...]
Les énigmes de la personnalité humaine, qui sont questionnées par la philosophie (sous l'angle métaphysique, morale et politique), les neurosciences, la psychologie ou encore la sociologie, nous permettent encore à ce jour de nous distinguer des Chatbots !
Source : Comment faisons-nous nos choix : que prendre et que rejeter ? (24 février 2025)
Nous vous rappelons ici les livres susceptibles de vous intéresser et disponibles à la BmL :
La saveur des sociétés : sociologie des goûts alimentaires en France et en Allemagne / Jean-Vincent Pfirsch (PUR, 1997)
Sociologie des tendances / Guillaume Erner (2020)
La différenciation : goûts, savoirs et expériences culturelles / Hervé Glevarec (Le bord de l'eau, 2019)
Le libre arbitre à l'épreuve de la science [Livre] / Alfred R. Mele, 2021
Donnez du sens à vos décisions [Livre] : 7 clés pour discerner et faire les bons choix / Sylvie-Nuria Noguer ; préface de Sébastien Henry, 2018
On ne naît pas engagé, on le devient [Livre] : nous avons tous le choix / Alice Barbe, 2021
Nos désirs font désordre [Livre] : comprendre que l'intime est politique et le libérer du patriarcat / Adélaïde Barat-Magan, 2023
Essai sur le libre arbitre [Livre] / Peter Van Inwagen ; traduction de Cyrille Michon, 2017
Enfin libres ? [Livre] / sous la direction de Jean Birnbaum, 2023
Du plaisir d'être soi [Livre] / Sophie Peters, 2015
Et sur le Web... :
L. A. Paul : “Se laisser pleinement transformer par le choix qu’on a fait” (Philosophie magazine, 11 janvier 2024)
Søren Kierkegaard. Le choix de soi (Philosophie magazine, 30 mai 2013)
Bonnes lectures !