Par quels pays et comment sont accueillis les déserteurs de l'armée russe ?
Question d'origine :
Bonjour cher Guichet,
Je lis de-ci de-là qu'on estime à plus de 50000 soldats russes (militaires de carrière ou non) qui auraient déserté l'armée depuis le début de la guerre en Ukraine.
On imagine combien ces déserteurs encourent de gros risques à quitter l'armée et donc la Russie, souvent. Mais sait-on si certains pays européens les accueillent en tant que réfugiés,.courant un danger dans leur propre pays ? La France a-t-elle mis en place une procédure particulière pour protéger ces exilés, s'ils parviennent jusqu'ici ?
Je n'ai pas trouvé de détails à ce sujet, peut-être aurez-vous des informations à proposer ?
Merci d'avance,
Pauline
Réponse du Guichet

L’accueil des déserteurs russes et opposants à la guerre relève du droit d’asile de chaque pays européen, avec des dispositifs juridiques facilitant leur protection mais des conditions d’accès restrictives aux visas. Toutefois, leur sécurité reste précaire car ils sont ciblés par les services russes, comme en témoigne l’assassinat de certains exilés.
Réponse du Département Société :
Bonjour,
La question de l'accueil des soldats russes - ou ressortissants russes susceptibles d'être mobilisés - s'est posée dès le début de la guerre en Ukraine en 2022.
Le Conseil de l'Union européenne, par une décision d'exécution du 4 mars 2022, a activé le dispositif exceptionnel de protection temporaire prévu à l'article 5 de la directive 2001/55/CE du 20 juillet 2001. Il s'agit d'une directive :
(...) relative à des normes minimales pour l'octroi d'une protection temporaire en cas d'afflux massif de personnes déplacées et à des mesures tendant à assurer un équilibre entre les efforts consentis par les États membres pour accueillir ces personnes et supporter les conséquences de cet accueil.
L’accueil des soldats russes et leurs familles est soumis au règlement de chaque pays européens.
Cet accueil, ainsi que la délivrance du statut de réfugié et d’un visa, est toutefois facilité notamment dans le cas de ressortissants susceptibles d’être mobilisés et pour les ressortissants russes menacés en raison de leur prise de position dans le cadre du conflit en Ukraine.
L’Assemblée nationale a publié cette réponse au journal officiel sur l’accueil des opposants russes à la guerre qui est assez éclairante. En voici un extrait :
Toutefois, les ressortissants russes qui fuient la Russie en raison de leur opposition au conflit conservent, comme tout étranger, la possibilité de demander à la France sa protection. Ils doivent se rendre sur le territoire français afin d'y déposer une demande d'asile. Ils bénéficieront alors, dans les conditions du droit commun et pendant l'instruction de leur demande, des conditions matérielles d'accueil (CMA) délivrées aux demandeurs d'asile (hébergement et versement de l'allocation pour demandeur d'asile). Si, après instruction de leur demande, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) ou, en cas de recours, la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), leur reconnaît le statut de réfugié ou leur octroie le bénéfice de la protection subsidiaire, ils seront admis au séjour en France et mis, selon les cas, en possession d'une carte de résident d'une durée de dix ans ou d'une carte de séjour pluriannuelle d'une durée de quatre ans. Par ailleurs, en application de la politique du Gouvernement de soutien à la société civile russe, tout en tenant compte du cadre arrêté par la Commission européenne dans des lignes directrices applicables à la délivrance de visas aux ressortissants russes dans le contexte de la suspension de l'accord de facilitation entre l'Union européenne et la Russie en matière de visas, le ministère de l'Intérieur et des Outre-mer a arrêté, en lien avec le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères, des instructions particulières destinées à faciliter l'accès et le séjour en France de ressortissants russes menacés dans leur pays en raison de leurs prises de position dans le cadre du conflit en Ukraine. Ce dernier prévoit qu'une attention particulière sera accordée aux demandeurs de visas disant vouloir échapper à une mobilisation.
Malheureusement, l’accueil des soldats et/ou opposants en Europe n’est pas l’assurance d’une sécurité pour ces personnes considérées ennemies au régime de Poutine et activement traquées par le GRU, la Direction générale des renseignements de l'État-Major des forces armées.
En témoigne l’exemple de l’assassinat du pilote Maxim Kouzminov, relaté dans l’émission Revue de presse internationale sur France culture.
Ce jeune pilote de 28 ans qui s’était exilé en Espagne, est retrouvé en février 2024 abattu par balles et mutilé. Celui-ci avait organisé sa désertion en collaboration avec les services ukrainiens. Ce dernier avait par la suite médiatisé sa désertion dans les médias internationaux.
Nous vous invitons également à visionner l’émission "En Société" diffusée par France Télévisions consacrée à la vie en exil en France du soldat russe Aleksei ZHILIAEV, qui a déserté le front.
Par ailleurs, nous vous invitons à écouter le reportage en podcast "Sur le fil", La vie difficile des déserteurs russes (AFP – 10 juillet 2024).
Les soldats russes qui témoignent expliquent qu’ils encourent en Russie une peine de 15 ans d’emprisonnement pour «abandon d’unité et désertion». Ils rejoignent alors les pays frontaliers les plus sûrs pour eux à savoir le Kazakhstan et Arménie avant de rejoindre l’Europe pour y faire des demandes de visa.
Malgré les dispositifs juridiques d’accueil mis en place depuis le début de la guerre en Ukraine (cf. paragraphe ci-dessus), l’engagement des européens aux côté de l’Ukraine rend difficile l’autorisation de délivrance de visas en Europe.
Selon le reportage AFP, en juillet 2024, la France avait accueillie en 10 mois, 102 russes - essentiellement des hommes n’ayant jamais pris les armes – mais aucun déserteur.
A lire aussi sur le sujet :
Moi, Marat, ex-commandant de l'armée Wagner [Livre] / Marat Gabidullin
La paix ou la guerre [Livre] : réflexions sur le "monde russe" / Mikhaïl Chichkine
Russie, mon pays bien-aimé [Livre] / Elena Kostioutchenko
Dans les geôles de Poutine [Livre] / Alyosha Deminn
Journal sous dictature [Livre] : [comment j'ai vu la Russie basculer] / Dmitry Glukhovsky
Bonne journée.
DANS NOS COLLECTIONS :
Ça pourrait vous intéresser :
Quelle est l'origine de cette expression sur le cimetière...
Commentaires 1
