Quel est le sens exact des paroles de la chanson "La nuit je mens" d'Alain Bashung ?
Question d'origine :
Bonjour,
je souhaite connaitre le sens exact des paroles de la chanson "la nuit je mens" d'alain bashung.
On dit souvent qu'il s'agit de résistance durant la seconde guerre mondiale. Cependant ce n'est pas tout a fait clair avec les effets poétiques des paroles.
merci
Réponse du Guichet

On pourrait résumer en disant que c’est une chanson sur le mensonge, la résistance, la collaboration... Ainsi Jean Fauque le co-parolier de la chanson avec Bashung indique dans une interview : "La nuit je mens, par exemple, c'est cinq thèmes la Résistance, la lâcheté, le mensonge venant de cinq textes différents, huit pages en tout. C'est bien sûr, une chanson d'amour brisé et contrarié, le type ne sait plus quoi faire pour la reconquérir, alors il raconte qu'il est un héros."
Réponse du département Musique :
Bonjour,
La chanson "La nuit je mens" est parue dans l’album Fantaisie Militaire (1998). C’est un des morceaux les plus connus du chanteur. Le video clip de la chanson réalisé par Jacques Audiard a reçu le prix du meilleur clip de l’année 1999 aux Victoires de la Musique.
La musique est composée par Alain Bashung et les Valentins (Edith Fambuena et Jean-Louis Pierot). Les paroles sont de Jean Fauque avec des ajouts de Bashung. Comme pour beaucoup des chansons de Bashung les paroles gardent un aspect mystérieux et insaisissable. On sait qu’Alain Bashung avait un phrasé particulier très influencé par la musique anglo-saxonne et qu’il était également intéressé par la musicalité des mots, et les sensations qu’elle provoque. Le sens parait secondaire pour lui ce qui compte c’est l’émotion. De plus le français n’est pas la langue maternelle d’Alain Bashung, et donc il a un rapport particulier à ces mots. Il fut élevé par un grand-père alsacien et une grand-mère allemande qui ne parlait pas le français. Il ne parlait français qu'avec ses parents lors des vacances scolaires ou quand il entra à l'école communale. De la même manière il semble qu'écoutait pas de chansons françaises, qu'il decouvrait adulte. Sa grand-mère ne lui passait que la musique classique, puis il découvrit les radios américaines...
Néanmoins on pourrait résumer en disant que c’est une chanson sur le mensonge, la résistance, la collaboration... Dans un court essai sur l’album Philippe Lemarchand indique: "Il y a au départ la volonté d’écrire un texte sur le mensonge et la séduction. Très vite cette thématique en croise une autre: celle de l’héroïsme factice", comme dans le film d’Audiard : «Un héros très discret» sorti deux ans auparavant. Lemarchand indique ensuite que pour Bashung et Fauque: "les textes ne sont pas travaillés l’un après l’autre, mais les deux hommes mettent sur le papier trois ou quatre d’entre eux dans le même temps. Aussi, une phrase, un mot d’un texte peut se retrouver greffé a un autre: on se rapproche la de la technique du cadavre exquis imaginée par les poètes surréalistes dans les années 20". A cela s’ajoute l’interpretation de Bashung qui va modifier le sens en fonction d’une accentuation, d’un ralentissement de la voix. Ainsi Bashung a souvent évoquer son intérêt pour le rythme des mots, des phrases, leurs sonorités.
Plus loin dans l’ouvrage on note : "Fauque a une liberté totale dans l’écriture, Bashung ne donnant ni sujet ni indication. Mais c’est ensuite que ce travail d’aiguillage intervient : Bashung laisse telle phrase à quai, redirige tel autre vers sur un autre texte." "Plus d’une quinzaine de versions ont été écrites avant que Jean Fauque et Alain Bashung ne s’estiment satisfaits du résultat" Ainsi "Le premier vers : «On m’a vu dans le Vercors» est l’unique survivant d’un poème de trois pages intitulé Vercors. Mais de ce seul vers découle la chanson".
D’autre part comme l’indique Jean Fauque dans une interview a propos de la chanson : "Trois ou quatre idées de chansons se sont entre croisées. Nous avons d’abord imaginé l’histoire d’un mec prêt a tout pour récupérer sa nana, jusqu’à entrer dans l’arène et se faire dévorer par un lion. [et al] et puis l’air du temps était assez lourd à la télévision ressortaient les histoires des procès Papon, Barbie, l’affaire Touvier etc. Les jeux de la téléréalité allaient bientôt commencer. La nuit je mens évoque ces faux héros. C’est devenu une chanson sur les héros de la vingt cinquième heure, sur la résistance et la collaboration. C’est facile de juger quand il y a un vainqueur et un vaincu… Mais le monde d’alors était plus gris que noir et blanc"
Jean Fauque complète dans une interview accordée au journal Le Monde : "La nuit je mens, par exemple, c'est cinq thèmes la Résistance, la lâcheté, le mensonge venant de cinq textes différents, huit pages en tout. C'est,bien sûr, une chanson d'amour brisé et contrarié, le type ne sait plus quoi faire pour la reconquérir, alors il raconte qu'il est un héros. Tout Fantaisie militaire est sous le signe de la rupture avec sa femme Chantal. Alain a fait son montage et la chanson était là, intégralement, paroles et musique. Quand j'ai lu «On m'a vu dans le Vercors/Sauter à l'élastique», j'ai eu un frisson. Je lui ai dit de ne surtout plus toucher à rien. J'étais persuadé qu'avec cette mélodie, c'était une immense chanson, mais on n'en a pas mesuré la portée. Elle parle directement à l'inconscient. C'est un miracle. Je regrette quand même qu'il ait enlevé la phrase «Et je mentirais si je disais que je m'en tire», qu'il avait d'ailleurs extraite d'Angora".
D'autre part le Guichet du savoir a déjà répondu par deux fois à cette question : ici et ici.
Enfin de nombreux sites traitent de la signification de cette chanson de Bashung, dont Radio-France
Bonne journée.