Auriez-vous des informations sur Henri DOR, espérantiste et professeur d'ophtalmologie lyonnais ?
Question d'origine :
Bonjour,
je cherche des informations sur Henri DOR,espérantiste bien connu de la fin du XIXème, mais aussi professeur d'ophtalmologie à Lyon puis à Berne en Suisse. Auriez-vous des informations ? Je n'ai rien trouvé dans Le Maitron.
Il exerçait dans une clinique à Saint Rambert l'ile Barbe ; auriez-vous aussi des précisions sur cette clinique ?
Merci beaucoup,
Anita B.
Réponse du Guichet

Henri Dor, ophtalmologiste suisse et érudit polyglotte, fonda une clinique privée (55 montée de la Boucle à Caluire et Cuire) où il soigna gratuitement des milliers de patients, marqua durablement la médecine oculaire européenne et fut un fervent promoteur de l’Espéranto.
Bonjour,
Voici une biographie d'Henri Dor.
Henri Dor est né à Vevey, en Suisse, le 4 octobre 1835. Sa famille était d'origine française, issue du Valromey dans le département de l'Ain, et avait émigré à Wetzlar en Allemagne après la révocation de l'Édit de Nantes. Son arrière-grand-père s'était établi à Lausanne en 1777 et avait acquis la nationalité suisse. Cette ascendance permit au fils d’Henri Dor de reprendre la nationalité française en 1887. Henri Dor était le fils du pasteur protestant Louis Dor, professeur au Collège de Vevey et directeur d'un pensionnat libre.
Ses études médicales commencent à l'Université de Zurich. C'est là que l'idée de se consacrer à l'ophtalmologie lui est suggérée par le Dr W. von Muralt, en assistant à des opérations oculaires. Il fait ensuite le tour d’Europe pour poursuivre sa formation. Il passe six mois à Vienne chez le Professeur Jaeger pour des cours spécialisés sur les affections oculaires. Il étudie également à Londres avec Bowman et Critchett, à Édimbourg avec Mackensie et à Paris auprès de Sichel et Desmarres, sans oublier la chirurgie avec Nélaton et Amédée Bonnet à Lyon. Lors d’un long séjour à Berlin, il est l'assistant de von Graefe. Il est attiré là par la récente découverte de l'ophtalmoscope par Helmholtz. Il passe ensuite trois mois à Utrecht auprès de Donders, célèbre pour ses travaux sur les anomalies de la réfraction qui donne alors ses cours en français pour lui faire honneur, soulignant l'ouverture internationale de l'Université d'Utrecht.
En 1858, Henri Dor effectue un premier séjour à Lyon comme étudiant bénévole, à l'Antiquaille, où il se lie avec des personnalités comme Ollier, Chauveau et Bouchard. En mai 1860, il s'installe comme oculiste à Vevey, en Suisse. Il co-fonde la Société d'Ophtalmologie de Heidelberg en 1863. En 1867, il est nommé professeur d'ophtalmologie à l'Université de Berne, devenant doyen de la Faculté en 1872 et recteur de l'Université en 1874. Pendant la guerre franco-allemande de 1870-1871, il organise et dirige la deuxième ambulance à Berne pour soigner les soldats de l'armée de Bourbaki, ce qui lui vaut une proposition pour la Légion d'honneur.
En 1876, Henri Dor s'installe définitivement à Lyon. Il quitte Berne en partie à cause de conditions cliniques insatisfaisantes et du non-accomplissement de ses espoirs en pratique privée, succombant aux sollicitations de ses amis lyonnais, notamment Gayet, qui lui avait promis une chaire d'ophtalmologie à la nouvelle Faculté de Médecine de Lyon. Bien que Gayet ait lui-même été élu professeur d'ophtalmologie par la suite, Dor n'a jamais regretté son déménagement à Lyon et a maintenu des relations amicales avec Gayet.
À Lyon, Henri Dor devient une personnalité en vue. Il fonde une clinique privée à Caluire-et-Cuire, d'où l'on aperçoit le Rhône et la Croix-Rousse. Dans cette clinique, il prodigue des soins ophtalmologiques gratuits à des milliers d'indigents chaque année, totalisant 35 014 malades et 297 619 consultations entre avril 1877 et janvier 1912. Son domicile est décrit comme le foyer où affluent maîtres de la pensée, de l'art et gens de bien. Les sources consultées ne font pas référence à une clinique dans le quartier de Saint Rambert l'Ile Barbe, mais l'indiquent systématiquement comme étant située "Montée de la Boucle" au numéro 55 et 53, selon les sources, dans un lieu dominant le Rhône.
En 1882, avec son ami le Dr Edouard Meyer de Paris, il co-fonde la Revue générale d'Ophtalmologie, un recueil mensuel bibliographique, analytique et critique. Il le dirige jusqu'à sa mort, avec l'appui des Professeurs Rollet et Truc. Polyglotte (parlant une douzaine de langues), il utilise cette compétence pour analyser les contributions étrangères à l'ophtalmologie, rendant service à la spécialité. Il est également co-fondateur de la Société française d'Ophtalmologie en 1883, avec Armaignac et Chibret, et assiste à presque toutes ses sessions pendant trente ans.
Henri Dor est un esprit actif et curieux, s'intéressant à de nombreux domaines. Il est un fervent propagandiste de l'Espéranto à Lyon et dans la région. Il préside le Groupe Espérantiste Lyonnais, la Fédération Espérantiste Rhodanienne (FER) et l'Association Internationale des médecins espérantistes (TEKA). Il est vice-président de la Société Française pour la Propagation de l'Espéranto. En 1912, il rédige un rapport pour la Fédération Espérantiste Rhodanienne sur l’amélioration du sort des aveugles à Lyon.
Ses travaux scientifiques couvrent de nombreux chapitres de l'ophtalmologie, incluant l'étiologie des maladies du cristallin, l'astigmatisme, les cataractes, la myopie, la vision des couleurs, le décollement rétinien, l'ophtalmotonométrie et l'hygiène oculaire des enfants. Il prône aussi l'extraction du cristallin dans sa capsule. Ses contributions sont attestées par ses analyses dans la Revue générale d'Ophtalmologie pendant plus de trente ans.
Henri Dor est reconnu pour son érudition, sa clarté d'esprit et son dévouement. Il est membre correspondant de l'Académie royale de Turin, et est distingué par les rois de Suède et du Danemark, recevant l'Ordre de Vasa et celui de Danebrog. Il est président de la Société d'Ophtalmologie de Lyon et de la Société d'Anthropologie de Lyon. Juste avant sa mort, il est fait Chevalier de la Légion d'honneur et est également décoré du Mérite agricole.
En mars 1912, ses amis, collègues et élèves célèbrent son soixante-seizième anniversaire lors d'un jubilé à Lyon, lui offrant une médaille commémorative. Cette médaille, œuvre de l'artiste Aubé, représente son portrait, et au revers, la Science écartant les nuages devant les yeux d'un enfant, avec en arrière-plan le Rhône tel qu'on le voyait depuis sa maison de la Montée de la Boucle. Des éloges sont prononcés par des personnalités telles que le Professeur Étienne Rollet et le Professeur Renaut. Le Maire de Lyon, Édouard Herriot, dans son allocution, souligne que jamais "droit de cité" n'avait été mieux acquis. Il ajoute : « Par sa vie de dévouement et d'exemplaire labeur, il a mérité de voir maintenant se réaliser pour lui cette formule qu'il a si souvent réalisée lui-même pour ses malades : "Post tenebras lux" ».
Henri Dor décède à Lyon le 28 octobre 1912, à l'âge de soixante-dix-sept ans. Il est enterré au cimetière de la Croix-Rousse. Son fils, le Dr Louis Dor a poursuivi la carrière de son père en ophtalmologie.
Chronologie de la Vie d'Henri Dor
- 1835 (4 octobre): Naissance à Vevey, Suisse.
- 1858: Premier séjour à Lyon comme étudiant.
- 1859: Obtention du doctorat en médecine.
- 1860 (mai): S'installe comme oculiste à Vevey.
- 1863: Co-fonde la Société d'Ophtalmologie de Heidelberg.
- 1867: Nommé Professeur d'Ophtalmologie à l'Université de Berne.
- 1870-1871: Dirige une ambulance pour l'armée de Bourbaki en Suisse.
- 1872: Devient Doyen de la Faculté à Berne.
- 1874: Nommé Recteur de l'Université de Berne.
- 1876: S'installe définitivement à Lyon.
- 1877 (avril): Ouverture de sa clinique privée à Lyon (au 55 Montée de la Boucle à Caluire-et-Cuire) avec consultations gratuites.
- 1882: Co-fonde la Revue générale d'Ophtalmologie avec le Dr Edouard Meyer.
- 1883: Co-fonde la Société française d'Ophtalmologie.
- 1900: Traduit le rapport du Professeur Henschen de la section d'ophtalmologie au Congrès international de médecine.
- 1912: Rapport pour la Fédération Espérantiste Rhodanienne sur l’amélioration du sort des aveugles à Lyon.
- 1912 (24 mars): Célébration de son jubilé (76ème anniversaire) à Lyon.
- 1912 (28 octobre): Décès à Lyon.
Pour en savoir plus, vous pouvez consulter ces sources :
I - Monographies et ouvrages imprimés
1. A la mémoire du professeur docteur Henri Dor : 1835-1912
Lyon : Rey, 1913. — 64 p. : portr. ; in-8.
Don du Dr Mayet.
2. Jubilé du professeur Henri Dor : Lyon, 24 mars 1912
Lyon : Rey, 1912. — [S.l.], 1912.
II Presse et périodiques
3. Le Progrès de Lyon, 31 octobre 1912.
Article consacré au décès et à l’hommage rendu à Henri Dor.
4. Lyon médical : organe officiel de la Société médicale des hôpitaux de Lyon et de la Société médico-chirurgicale des hôpitaux de Saint-Étienne
Lyon : Lyon médical, 1869–1985.
P. Diday, président du comité de rédaction ; J. Icard, gérant.
III Archives
Cote : 1J158 / Archives du département du Rhône et de la métropole de Lyon
Fédération Espérantiste Rhodanienne (1906–1991).
Contient : liste des membres (1906), rapport du Dr Henri Dor pour l’amélioration du sort des aveugles à Lyon (Ve congrès international, 1911), rapport du congrès de Saint-Étienne (1912), etc.
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