Quand est-ce que le droit d'octroi des municipalités en France a été supprimé ?
Question d'origine :
Cher guichet,
Quand l'octroi des villes en France a t-il été supprimé ?
En quoi cela consistait : horaires? Droits du douanier ?amendes possibles ?
Merci pour votre travail sérieux !
Réponse du Guichet

L'octroi des villes a disparu progressivement à partir de 1943. Il a officiellement été supprimé à compter du 1er janvier 1949 par le décret du 9 décembre 1948.
Bonjour,
Qu'est-ce que l'octroi ?
« On désigne sous le nom d’octroi les taxes indirectes établies au profit des communes sur les objets et denrées destinés à la consommation locale. On les a appelés ainsi parce que sous l’ancienne monarchie, ils ne pouvaient être établis sans que le roi en eut octroyé la permission par des lettres patentes » (réf. : Dictionnaire des finances publiques, sous la direction de Léon Say, 1894-1899). Ainsi les actes royaux nous permettent-ils de suivre l’évolution de cet impôt au cours du temps.
On repère notamment au 17e siècle l’édit de 1663 et l’ordonnance de 1681 installant la perception des octrois dans la durée, pour moitié au profit des villes, et pour l’autre moitié à celui du roi, en vertu de cette déclaration de 1664. Un certains nombres de biens de consommation sont visés par ces textes. Par exemple l'édit concernant les petits octrois de la ville de Paris sur le vin, ou les lettres patentes en forme de déclaration concernant les octrois municipaux. L’ordonnance du 9 décembre 1814 énumère les marchandises qui peuvent être taxés : boissons et liquides, comestibles, combustibles, fourrages et matériaux. En revanche les produits de première nécessité, blés et farines, sont exclus.
[...]
Aboli sous la Révolution
« De la visite des commis de barrières et des Aydes, délivrez nous Seigneur », implorait la population… Ce vœu fut exaucé. La nuit du 12 au 13 juillet 1789, quelques heures avant la prise de la Bastille, les insurgés incendient les barrières d’octroi. Maxime Ducamp, relève que le premier acte de la révolution ne fut point la prise de la Bastille, mais la destruction des barrières.
Le 20 janvier 1791, l’Assemblée nationale constituante proclame la suppression des octrois perçus à l’entrée de Paris et de toutes les villes à partir du 1er mai 1791. Les parisiens se réjouissent de la liberté des barrières et dansent à la barrière des Champs Elysées.
[...]
[Il va ensuite être rétabli sous le Directoire puis supprimé à deux reprises en 1851 et 1885, sans effet]. Cependant, aucune mise en application ne suit ces décisions et l’octroi perdure. [...]
Un terme est mis à l'existence pluriséculaire des octrois le 2 juillet 1943 par Pierre Laval, chef du gouvernement du régime de Vichy (loi du n°379 du 2 juillet 1943). Le journal Le Petit parisien du 1er juillet 1943 annonce cette suppression qui fut déclaré officiellement en 1948.
source : Vie et mort de l'octroi, un impôt au profit des villes / Didier Chappet - Gallica - 24 Juillet 2017
La Loi du 2 juillet 1943 annonce la suppression de l'octroi de la ville de paris et de l'octroi intercommunal de la region parisienne. Il ne sera officiellement supprimé sur tout le territoire français qu'au 1er janvier 1949 :
La disparition de l’octroi de Paris est achevée en décembre 1944. Cependant, les octrois de province subsistent : ceux de Calais, Nice et Marseille, par exemple, sont encore prorogés par des décrets de novembre et de décembre 1943. […]
La disparition s’est d’abord traduite dans les faits : après 1944, aucun décret paru au Journal Officiel n’a plus autorisé les villes à abandonner leur ancien système. […]
Il faut attendre l’article 215 du décret du 9 décembre 1948 pour que soit légalisée cette disparition : « les droits d’octroi sont supprimés à compter du 1er janvier 1949 ».
source : Les octrois et leur suppression / Jacqueline David - Revue historique de droit français et étranger (1922-), Quatrième série, Vol. 66, No. 4 (octobre-décembre 1988), pp. 561-585 (25 pages)
Voir le Journal officiel de la République française, 1 janv. 1949, p. 78/96.
Nous vous invitons à lire L'héritage allemand de l'Occupation : ces 60 dispositions toujours en vigueur de Cécile Desprairies et notamment l'article intitulé Suppression de l’octroi pour en savoir plus.
Les horaires, droits et conditions de travail des commis de barrière ont donc été très différentes sur cette longue période. Nous vous proposons la lecture de quelques documents qui pourront vous intéresser.
Momcilo Markovic à l'entrée "Barrière d'octroi" du Dictionnaire Numérique de la Ferme générale apporte quelques informations sur les commis des barrières :
Aux barrières, un commis en redingote, qui gagne cent misérables pistoles par an, l’œil toujours ouvert, ne s’écartant jamais d’un pas, et qui verrait passer une souris, se présente à la portière de chaque équipage, l’ouvre subitement, et vous dit, n’avez-vous rien contre les ordres du roi ? […] ». Lavoisier, le célèbre chimiste et Fermier général, évalue le personnel des Fermes à plus de 28 000 individus sur tout le territoire. A Paris, le total des employés, dans les années 1770, atteint 656 personnes avec, à leur tête, le directeur général des entrées de Paris. Un petit nombre est affecté au siège à l’Hôtel de Bretonvilliers où les employés supérieurs et subalternes exercent des tâches de direction, de vérification et d’inspection. Au bas de l’échelle, les « petits commis forment une classe innombrable : ils ne sont pas chers ; leurs appointements sont de huit, douze et quinze cens livres […] ».
Ce sont ces personnages que le particulier rencontre aux barrières, avec lesquels il a souvent des démêlés ; l’habitant essaie de frauder ou se heurte violemment aux employés, au risque de se retrouver en prison à la Conciergerie. Les commis, régulièrement, se déplacent, quittent leurs bureaux et effectuent des visites domiciliaires au-delà des limites de la ville, rentrent dans les tavernes et cabarets à la recherche de produits prohibés ou en fraude de droits. Ces employés de base, de terrain, forment plus de 80% de l’effectif de l’octroi à Paris : 460 sont affectés directement dans les bureaux de l’octroi.
Dans chaque bureau, sept individus en moyenne y travaillent, mais ceux-ci sont plus nombreux dans les bureaux de recette dans lesquels on trouve un brigadier, un sous-brigadier et de simples commis.
A leur intégration dans les services de la Ferme, on leur demande (tout du moins au brigadier et au sous-brigadier) de savoir lire et écrire ; ils auront, notamment, la tâche essentielle et l’obligation de rédiger les procès-verbaux de fraude ou de contrebande ou, plus simplement, de remplir les registres entreposés dans les bureaux, car « tout se fait la plume à la main : dans le plus petit état, il faut savoir écrire et chiffrer ; on constate sur un auguste registre, l’entrée d’une bouteille de vin et d’un chapon, ainsi que celle d’un tonneau, et d’un troupeau de bœufs. On vous en donne quittance : toute la science de ces scribes consiste à savoir faire des bordereaux. Ces commis ne savent rien, ne connaissent rien, n’ont idée de rien ; ils nivellent des chiffres avec une routine journalière ».
Au-dessus d’eux, hiérarchiquement, une dizaine d’employés, les contrôleurs ambulants (à pied ou à cheval) patrouillent ; leurs « fonctions sont de parcourir un certain nombre de bureaux, pour voir s’il ne s’y passe rien contre l’intérêt public contre celui des droits du roi ».
Les receveurs et les contrôleurs des barrières viennent compléter le dispositif de surveillance et d’inspection. Les premiers tiennent les registres des recettes, indiquent la nature des marchandises et collectent les fonds quotidiennement. Les seconds, les contrôleurs, ont un rôle primordial dans la recherche de la fraude et ils doivent connaître le quartier dont ils ont la charge ; ce sont eux qui prescrivent aux employés les lieux à inspecter afin de suivre à la trace les mouvements suspects dans les faubourgs et ont un œil sur les préposés de la Ferme qui ne font pas toujours preuve d’une scrupuleuse honnêteté, étant de connivence avec certains fraudeurs.
Vous trouverez également de précieux renseignements sur le statut du personnel des fermes dans cet article de Jean Clinquart : « Chapitre III. Une direction des fermes à la fin de l’Ancien Régime ». Les services extérieurs de la Ferme générale à la fin de l’Ancien Régime, Institut de la gestion publique et du développement économique, 1996.
N'hésitez pas à relire la notice du dictionnaire cité plus haut : Dictionnaire des finances publiques, sous la direction de Léon Say, 1894-1899
et cet article : Les octrois en France (histoire, législation et statistique) / Comte de DE LUÇAY - Journal de la société statistique de Paris, tome 24 (1883), p. 178-190
Concernant la fraude et les amendes : L'octroi face à la fraude / Didier Chappet - Gallica - 4 Octobre 2017
Quelques livres pour aller plus loin :
- Entrer en ville / publié sous la direction de Michaud-Fréjaville Françoise, Guilhembet Jean-Pierre, NOELLE DAUPHIN - Presses universitaires de Rennes, 2015
Gojosso, Éric. « La ville et le territoire de l’octroi au xixe siècle ».
Merriman, John. « De l’octroi, son rôle et son symbolisme dans les villes françaises (1815 - vers 1850) »
- Le péage en France au XVIIIe siècle: Les privilèges à l’épreuve de la réforme / Anne Conchon - Comité pour l'histoire économique et financière de la France / IGPDE, 2003
Bonne journée
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